Halte au populisme !

Albert Einstein a dit un jour : "le nationalisme est une maladie infantile : c'est la rougeole de l'humanité"… Modestement, j'ajouterais aujourd'hui : "le populisme est la gangrène de l'Europe".

Il ne se passe pas de jour ou de semaine sans que l'un ou l'autre politicien ou économiste en quête de publicité mette au pilori l'euro, accusé sans défense d'être responsable de la crise, du chômage, bref de tous les maux. Je voudrais simplement rappeler – car visiblement on a un peu tendance à l'oublier – que les responsables de la crise financière sont des investisseurs peu scrupuleux qui ont joué au casino au point de faire sauter la banque. Sans l'intervention des Etats, c'est tout le système qui était sur le point de s'effondrer.

Certains vont même jusqu'à prôner un retour aux monnaies nationales ! Quelle bêtise ! Ont-ils à ce point la mémoire courte qu'ils ne se souviennent plus d'une époque douloureuse où les gouvernements se livraient à une guerre des monnaies. Le menu est connu, dévaluations compétitives pour essayer de transférer la crise vers le voisin, inflation galopante et au final ce sont les plus vulnérables qui paient. Contrairement à ce que disent les Cassandre populistes, l'euro nous a protégés. Ils feraient mieux de réfléchir aux coûts de la non-Europe ! Mais la bataille n'est pas gagnée, loin s'en faut.

Les chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'Union européenne ont un rendez-vous crucial cette semaine, un rendez-vous qu'ils ne peuvent pas rater. Les citoyens sont inquiets. On les comprend. Depuis un an, la zone euro est sous la pression des marchés financiers. Les déficits publics se creusent, les dettes des Etats s'envolent et les plans d'austérité se multiplient. Qui paie les pots cassés de financiers grisés par le profit à court terme ? Les citoyens ! Dans certains pays, des droits sociaux fondamentaux sont menacés. L'addition est salée en Irlande où les plus pauvres risquent de perdre l'accès au revenu minimum. La facture est lourde au Royaume-Uni où les jeunes devront payer des droits d'inscription trois fois plus élevés pour accéder à l'université. C'est ça, la démocratie à l'européenne ?

Face aux assauts des marchés, nos gouvernements peinent à réagir. Leurs réponses ont été dans un premier temps non coordonnées, puis hésitantes, timorées et trop lentes. Elles se sont accompagnées parfois de déclarations intempestives au point d'exacerber la nervosité des marchés. Aujourd'hui le doute s'est installé dans la tête d'investisseurs âpres aux gains, sur la capacité de nos gouvernements à stabiliser durablement la zone euro. Cette semaine, les vingt-sept ont clairement une obligation de résultat. Comme l'on dit en termes simples : ça passe ou ça casse !

Leur mission se résume à ceci : corriger un vice de forme de la zone euro qui menace aujourd'hui de déstabiliser tout l'appareil. Les seize – bientôt dix-sept – pays de la zone euro ont confié à la banque centrale européenne la gestion de leur politique monétaire mais ils ont gardé la haute main sur leur politique économique et budgétaire. Les leçons de la crise grecque et irlandaise confirment que ce système n'est plus viable. Il ne s'agit pas de coller une rustine sur un pneu crevé ! Nous avons besoin d'une véritable coordination et d'une plus grande surveillance des politiques budgétaires. Un Etat ne devrait pas décider unilatéralement de relever tel ou tel impôt sans consulter ses partenaires. Des sanctions doivent être possibles en cas de dérapages.

Ceux qui sont en retard doivent faire un effort pour réduire les écarts de compétitivité mais ce n'est pas en nivelant par le bas les droits sociaux, que l'Europe sortira de la crise. L'harmonisation fiscale ne peut plus être un tabou ! Dans ce nouveau dispositif, la Commission européenne doit jouer pleinement son rôle d'arbitre, sous le contrôle du Parlement européen. Soyons ambitieux : plus grand sera le renforcement de la gouvernance de la zone euro, plus élevée pourra être la solidarité européenne.

Pour garantir la stabilité durable de la zone euro, je propose la mise en place d'une agence de stabilité financière. Il s'agit ici de gérer ensemble une partie seulement de la dette des Etats de la zone euro. Cette agence pourra émettre des "euro-obligations" et aider les Etats en difficultés à se refinancer à un taux raisonnable sur les marchés financiers. Il ne s'agit pas de donner un chèque en blanc aux pays peu vertueux dans la gestion de leurs finances publiques. L'aide sera conditionnée à des progrès significatifs dans la réduction des déficits et de l'endettement.

Si aucune décision radicale n'est prise cette semaine, c'est tout le projet européen qui est menacé. Le Conseil européen a adopté la "tactique du salami". Les chefs d'Etat et de gouvernement ont saucissonné les problèmes en dissimulant la gravité de la situation. Ce comportement créé l'incertitude et exacerbe les marchés. Les réponses doivent être radicales mais elles doivent aussi être justes et équitables. C'est pourquoi mon groupe défend l'idée d'une taxe sur les transactions financières. Il est temps que les responsables de la crise financière, eux aussi, cassent leur tirelire.

En 2011, nous devrons aussi poursuivre les réformes des marchés financiers. Nous avons progressé avec la mise en place de nouvelles autorités de surveillance et de régulation. Nous avons régulé l'activité des Hedge funds et fonds d'investissement spéculatifs. Mais il reste beaucoup de pain sur la planche : agence européenne de notation, produits dérivés, CDS, révision de la directive sur Marché d'instrument financier. Mon groupe se montrera ferme pour obtenir des réformes ambitieuses.

Rien ne sera durable et positif sans un retour à la croissance et à l'emploi : les belles phrases ne suffisent pas, les citoyens attendent des actes. Nous aurons besoin dans les années qui viennent d'un budget européen conséquent pour lancer les investissements dans les infrastructures de transport, de télécommunication et d'énergies, pour renforcer la lutte contre le changement climatique, pour la recherche et l'innovation et pour offrir et assurer à tous une formation tout au long de la vie. L'Europe s'est vue confiée de nouvelles responsabilités par le traité de Lisbonne. Il faudra lui donner les moyens financiers pour réaliser ses missions. Mon groupe y veillera.

Martin Schulz, président du groupe social-démocrate au Parlement européen.

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