Historiquement, la région de Catalogne n’a jamais existé en tant qu’entité indépendante ni souveraine

J’habite Bruxelles. Je m’appelle José Eguiagaray (nom d’origine basque) Cano (deuxième nom d’origine castillan) Bohigas (troisième nom d’origine catalan). Je suis né à Madrid – sans l’avoir décidé consciemment ! -, j’ai grandi en Autriche, à Vienne, j’ai vécu en France, en Allemagne et en Belgique, parmi d’autres endroits que je chéris.

Oui, j’aime l’Europe unie dans la diversité que nous avons construit ensemble avec tant d’efforts, génération après génération, depuis les deux guerres mondiales. Ces jours-ci, vous écoutez beaucoup de messages dans le but de vous convaincre que, dans cette Europe de paix, des libertés et des droits, un groupe particulier de citoyens, « tous les Catalans », sans distinction, est férocement opprimé ainsi que soumis à des injustices inimaginables. Ceci peut vous sembler choquant, scandaleux et insupportable. À bon escient. Mais… Qu’y a-t-il de vrai dans tout ceci ? Quel est le dessous des cartes ?

Permettez-moi de partager très sommairement avec vous des idées qui, je l’espère, pourront peut-être vous aider à comprendre mieux la situation.

L’Espagne est une démocratie occidentale pleine depuis qu’elle a réalisé une transition exemplaire sans heurts civils – exercice d’une difficulté inouïe auquel toutes les forces politiques, régionales et sociales ont prêté main-forte – après la mort du dictateur Francisco Franco en 1975.

APPROBATION EN CATALOGNE

L’Espagne s’est dotée d’une Constitution en 1978, ratifiée par un référendum légal à 88,5 % de « oui » avec une participation de 67 % du recensement électoral national.

N’oublions pas qu’en Catalogne? l’approbation moyenne fut de 91 %. Aujourd’hui personne en Espagne n’a la nostalgie de l’époque de Franco, définitivement révolue, et personne n’en use pour justifier ses actions. Sauf… certains partis politiques parmi lesquels se trouvent Podemos, En Comú Podem, la coalition Junts pel Sí et la CUP – ces derniers menant les rennes du gouvernement catalan de la Generalitat.

Tous, selon leurs propres paroles, se définissent comme des nationalistes radicaux, voire des « anti-système » radicaux ou des anticapitalistes radicaux, opposés à la démocratie représentative, certains mêmes prêts à « la vider de l’intérieur ». N’hésitez pas à vérifier vous-même en consultant sur Internet les messages de ces formations.

L’Espagne est une démocratie occidentale et tous ses citoyens votent régulièrement pour élire leurs représentants. Les citoyens de la Catalogne l’ont fait 38 fois de façon légale, harmonieuse et démocratique, depuis 1977, et durant les cinq dernières années six fois lors des élections nationales, régionales et européennes.

Lors des dernières élections régionales, les partis susnommées pro-sécession ont décidé de s’unir autour d’un seul et unique sujet : l’indépendance. Ils n’ont pas obtenu la majorité des voix, ils en ont même perdu par rapport aux convocations antérieures. Tous les sondages montrent la même tendance, une perte d’appuis lente mais continue concernant l’idée de l’indépendance, même les sondages payés par les séparatistes.

LA CATALOGNE N’EST PAS OPPRIMEE

Néanmoins une majorité exiguë de sièges leur ont permis de constituer cette fois un gouvernement. Celui-ci a forcé le sectarisme parlementaire en allant jusqu’à transgresser sciemment la légalité et nationale et catalane, débutant par le règlement d’ordre intérieur du parlement catalan. Ceci afin d’empêcher aux partis de l’opposition de prendre la parole et de présenter des amendements aux projets de lois – regorgeant de vices anticonstitutionnels constatés au préalable par les services juridiques de la chambre des députés catalane – destinés à « se déconnecter » de l’Espagne.

Ce coup s’est produit les 6 et 7 septembre de cette année 2017 [au Parlement régional de Catalogne] sans que personne hors de l’Espagne ne se soit insurgé le moins du monde. Visionnez les images de cet attentat à la démocratie sur Internet, elles sont ahurissantes.

La Catalogne n’est pas « opprimée ». C’est une des régions les plus prospères de l’Espagne. Ses citoyens jouissent et d’un niveau de vie parmi les meilleurs du pays et d’un degré d’autonomie gouvernementale presque inégalé dans toute l’Europe. J’insiste, ne me croyez surtout pas sur parole, vérifiez, comparez.

Le parti politique des nationa­listes conservateurs de Convergencia i Unio (Convergence et Union, CiU), qui a gouverné sans contrainte en Catalogne ces trente dernières années a regrettablement employé les deniers publics à promouvoir un ordre du jour séparatiste ouvertement sectaire et dans le domaine éducatif (compétence transférée intégralement à la Generalitat) et à travers les moyens de communication publics locaux transformés en organes de propagande unilatérale.

MESSAGE D’EXCLUSION

Ils ont martelé un message d’exclusion sans relâche. Ceci a été financé en très grande partie de façon outrageusement illégale grâce à un système institutionnalisé de corruption qui exigeait aux gagnants des appels d’offres convoqués par le gouvernement régional payer des pots-de-vin d’au moins 3 % de la valeur des travaux publics adjugés. Le cas a été jugé et les responsables exposés à tous les niveaux.

Historiquement parlant la région de Catalogne n’a jamais existé en tant qu’entité indépendante ni souveraine. Elle formait partie du royaume d’Aragon dont la dynastie, en 1492, s’est fusionnée avec celle du royaume de Castille pour donner lieu, après maints siècles de vie commune, à l’Espagne d’aujourd’hui. C’est un processus de construction étatique qui n’a aucune similitude avec la constitution du Royaume « Uni » ni des Etats « Unis », pour ne citer que deux exemples. La Catalogne est à l’Espagne ce que le Roussillon est à la France ou Cornouailles à l’Angleterre.

L’Espagne est une démocratie représentative parlementaire dotée d’une Constitution qui peut être modifiée pour y incorporer de nouveaux droits, notamment le droit à la séparation – droit qui, d’ailleurs n’existe pas en Europe. Aucune des lois fondamentales ni des constitutions de l’Europe, ni de l’immense majorité des Etats de l’ONU ne l’a repris. Le chemin en Espagne est clair : amender la Constitution avec les majorités requises suite à l’échange de raisonnements politiques convaincants dans le cadre démocratique et plural légalement établi.

En Catalogne, communauté autonome par excellence, lors de la première « consultation » non contraignante et légale pour l’indépendance réalisée en 2014 (consultation dite du « 9 novembre ») 2 300 000 citoyens ont voulu participer (37 % du recensement électoral) sur 5 300 000 citoyens ayant le droit de vote. 80 % de ce 37 % du recensement ont voté pour. Lors des élections régionales régulières et légales de 2015 – déclarées néanmoins unilatéralement comme « plébiscitaires » par le gouvernement de la Generalitat – les séparatistes de Junts pel Sí et de la CUP n’ont obtenu que 1 940 000 voix (47,7 % de l’électorat).

CHEMIN MENSONGER

Ils ont formé le gouvernement régional catalan au pouvoir à présent. Lors du « référendum » du 1 octobre 2017 – jugé illégal tant par la Cour suprême de Catalogne que par le tribunal constitutionnel espagnol, aussi bien que truffé d’irrégularités de tout ordre -, selon les autorités séparatistes catalanes, 2 200 000 personnes auraient voté sur 5 500 000 ayant le droit, donc 42 % face à 58 % qui ont préféré d’emblée ne pas participer à cette mascarade. 90 % de ces 42 % auraient voté en faveur de l’indépendance. La conclusion est claire, il n’y a de loin pas de majorité sociale suffisante pour se lancer à l’aventure de l’indépendance. C’est logique, car il n’y a pas de raisons de poids pour le faire.

Aucun pays ni organisation internationale (exception faite du Venezuela de Nicolas Maduro) n’appuient ni ne reconnaît ce « procès » (processus) marqué par les abus de procédure, l’illégalité, un sectarisme ouvert, et un manque cinglant de garanties démocratiques.

Alors pourquoi toute cette agitation ? Fondamentalement – et je reprends les paroles d’Isabel Coixet, réalisatrice catalane -, les indépendantistes craignent qu’avec l’amélioration des conditions économiques, l’appui aux idées de la séparation ne viennent, malgré tout, à diminuer.

Ils se sont donc lancés à toute allure sur un chemin ouvertement mensonger pour présenter le gouvernement espagnol comme le pouvoir méchant et rétrograde qui empêche « que l’on puisse voter » dans un référendum en essayant de cacher le fait qu’il ne réunit aucune des conditions de forme, de fond ou de legalité nationale ni internationale indispensables. C’est un engagement antidémocratique sous tous les aspects.

COMME LE FIT FRANCO

En plus, faut-il rappeler que tout genre d’idées peut être défendu dans le cadre de l’Etat de droit, d’élections légales et de la loyauté constitutionnelle ainsi qu’institutionnelle, même les idées les plus intolérantes d’un nationalisme heureusement dépassé ? Oui, aujourd’hui il le faut.

L’Etat espagnol fait face ces jours-ci à une attaque de grande envergure à ses institutions démocratiques, menée tambour battant par des nationaliste sans scrupules qui ont fabriqué l’image d’un ennemi expiatoire – comme le fit Franco -, qui ont faussé l’histoire ancienne et récente de l’Espagne afin de créer une réalité parallèle – comme le fit Franco -, qui ont transformé une chambre de députés pluraliste en une institution d’approbation monolithique – comme le fit Franco -, qui ont mué les moyens de communications publics en organes de propagande univoque – comme le fit Franco -, et qui, finalement, ont dénaturé le gouvernement de tous les citoyens de la Catalogne en groupement de représentants intransigeants d’une partie minoritaire de la population les incitant à la haine émotionnelle – comme le fit Franco.

Il faudra beaucoup de sang froid, de fermeté, de compréhension, de réflexion, de tolérance, de dialogue et d’affection pour reconduire cette situation. L’écrasante majorité de la population de l’Espagne désire et défend une cohabitation pacifique dans ces temps troubles de montée du nationalisme désintégrateur.

J’appelle à tous les gens de raison à ne pas embraser davantage cette menace qui s’insinue en Espagne, et qui s’affiche sous maintes autres formes dans toute l’Europe.

Jose Eguiagaray Cano Bohigas, Uccle (Belgique)

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