Il est temps de changer notre perception de l’Afrique

De tous les défis que les humanitaires doivent relever, celui de l’aide à l’Afrique a toujours été le plus déconcertant: un continent avec un si gros potentiel confronté à tant de problèmes! Pour beaucoup, l’Afrique est un cas désespéré à cause de son dysfonctionnement, de ses guerres perpétuelles, de ses maladies et de sa pauvreté, malgré les milliards de dollars versés par les donateurs pour répondre à la demande à l’aide dans des crises humanitaires causées par la sécheresse, les inondations ou la violence.

C’est un tort, même si l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, la violence religieuse et la faim en République centrafricaine, l’enlèvement de jeunes filles au Nigeria, l’afflux de réfugiés en provenance du sud du Soudan encore une fois en guerre, la corruption des dirigeants et le détournement de l’aide pourraient alimenter le pessimisme ambiant.

Est-ce que l’Afrique pourra un jour surmonter ses problèmes?

C’est la question que se posent beaucoup de travailleurs humanitaires confrontés quotidiennement à ces problèmes, particulièrement en cette journée du 19 août qui leur est dédiée.

Pour ma part, je suis persuadée que oui parce que c’est exactement ce que le continent est en train de faire: se relever.

J’étais tout récemment au Liberia, pays déchiré par quatorze années de guerre, fortement dépendant des forces de maintien de la paix de l’ONU au coût d’un demi-milliard de dollars par année. J’ai visité les projets de l’Unicef et du Programme alimentaire mondial.

A première vue, la situation au Liberia n’est guère reluisante. Le pays manque de personnes éduquées. Elles sont parties durant la guerre civile. Les investisseurs ne se bousculent pas à la porte d’entrée, car les routes sont mauvaises, les hôtels quasiment inexistants et le pays ne compte qu’un seul médecin pour 100 000 habitants. Le pays est de plus frappé de plein fouet par l’épidémie d’Ebola.

Pourtant, il y a des signes ­positifs.

Accueillie par un groupe d’enfants d’âge scolaire dans le nord-ouest du Liberia, je m’attendais à voir des sourires, à écouter des chansons. Au lieu de cela, un petit garçon timide, qui ne devait pas avoir 5 ans, s’est approché pour me faire une longue déclaration dans un anglais impeccable. En fait, son anglais était plus châtié que celui des officiels. Bref, il représentait l’avenir d’un pays souffrant de l’exode de ses cerveaux.

Malgré l’absence de ressources humaines et financières, les progrès au Liberia sont étonnants et cela, grâce à une femme extraordinaire, Ellen Johnson Sirleaf, la première femme africaine chef d’Etat, une économiste brillante qui vient de la Banque mondiale, et dont le but principal est d’aider les enfants à développer leur potentiel. Pour elle, il ne saurait y avoir de développement économique au Liberia si la moitié des enfants sont mal nourris et souffrent de retard de croissance.

Grâce à sa campagne, «Une promesse renouvelée» («A Promised Renewed»), le taux de mortalité infantile a été réduit de 70% par rapport à 1990. Un record en Afrique! Elle doit les progrès accomplis aux volontaires humanitaires et… aux femmes!

Certes, il est de bon ton de nos jours de mettre en valeur le rôle des femmes dans le développement. La réalité est, qu’en Afrique, leur rôle est crucial, surtout lorsqu’il s’agit de mettre un terme à l’insécurité alimentaire chronique qui frappe l’ensemble du continent. Huit fermiers sur dix sont des femmes.

Beaucoup voient dans l’aide fournie à l’Afrique de la simple charité. Or, il existe un énorme potentiel dans le secteur agricole. L’Afrique compte 60% des terres cultivables au monde. Pour nourrir une population croissante, nous allons devoir doubler notre production agricole au cours des prochaines décennies. Autrement, nous allons souffrir.

Aussi étrange que cela puisse paraître, la technologie des téléphones cellulaires a fait autant pour aider les fermiers africains qu’une décennie d’aide conventionnelle. Les fermiers libériens utilisent les téléphones portables pour communiquer entre eux et avec d’autres pays sur les manières de faire face aux maladies végétales ou animales, ou encore d’établir les prix du marché.

Le Liberia montre que des progrès sont possibles. Mais ce n’est pas le seul pays africain à montrer des signes d’espoir.

Quinze des 20 pays qui ont fait le plus de progrès pour atteindre les Objectifs du millénaire des Nations unies, de diminuer, entre autres, la pauvreté et la faim, se trouvent en Afrique, dont le Bénin, l’Ethiopie, le Mali, le Rwanda et la Gambie.

L’Afrique a le second plus important taux de croissance au monde. Celui du Liberia est de 8%.

Même les critiques sur la corruption des dirigeants africains doivent être mises en perspective. Oui, il faut tout faire pour que l’aide financière ne soit pas détournée et se battre contre la corruption qui nuit tant à l’économie africaine. Mais des progrès ont été accomplis. Ceux qui concentrent leurs critiques sur ces sujets se cherchent une excuse pour ne pas donner. Il n’y a pas d’excuse.

Ne nous cachons pas la vérité. L’Afrique a beaucoup de problèmes à surmonter. Mais la réalité change. Il est temps que nous changions également notre perception de ce continent.

Princesse Haya al-Hussein

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