Il faut criminaliser l’internaute qui télécharge des contenus soumis au droit d’auteur

La récente fermeture en France, à grand renfort de trompettes et matraques, du site Zone Téléchargement a remis sur le devant de la scène l’épineuse question de la violation des droits d’auteurs en environnement numérique.

En France, ce récent tropisme des autorités répressives vers les plateformes de mise à disposition et d’échange s’explique notamment par les difficultés proverbiales de mise en application du système dit de réponse graduée institué en 2009 par les lois HADOPI et HADOPI 2.

Usine à gaz

La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet est notoirement inefficace: véritable usine à gaz à la française, elle a été instituée pour une infraction dont l’objet est à lui seul délicieusement alambiqué – soit le fait, pour le détenteur d’un raccordement Internet, de ne pas avoir correctement empêché un piratage en sécurisant sa connexion.

Sur les près de huit millions de courriels d’avertissement envoyés au 30 septembre 2016, seuls 1209 ont été transmis aux tribunaux soit un taux d’environ 0.016%. A cela s’ajoute le fait que le streaming n’est pas concerné par l’activité d’HADOPI, ce tant pour des raisons techniques que juridiques, puisqu’à ce jour aucune juridiction française n’a jamais criminalisé le streaming pour l’utilisateur.

En Suisse, situation particulière

En Suisse, le paysage est quelque peu différent puisque, du côté de l’utilisateur, le télédéchargement pur (download) à des fins privées est à ce jour parfaitement licite puisqu’il est couvert par l’exception dite de copie privée prévue par la loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins.

A moins de mettre à disposition des contenus protégés par le droit d’auteur en les téléchargeant (upload), ce qui est illicite, l’internaute suisse ne risque strictement rien sur notre territoire en consommant, sans bourse délier, des films ou des chansons, que ce soit par le biais de torrent ou en streaming, ou de n’importe quelle autre façon d’ailleurs.

L’affaire Zone Téléchargement résonne dès lors différemment et force la réflexion: est-il légitime de s’acharner sur les plateformes de mise à disposition de contenu tout en faisant preuve, par ailleurs, d’une étonnante mansuétude envers les utilisateurs?

Poser la question, c’est déjà y répondre.

La ligne de défense subtilement adoptée par l’avocat des deux jeunes toulousains animateurs de Zone Téléchargement n’exprime pas autre chose: «Ce ne sont pas les administrateurs qui ont créé le préjudice, ce sont les utilisateurs».

L’on ne peut qu’abonder dans son sens.

Asymétrie totale

En Suisse, cette situation est bien plus marquée encore puisque la licéité du télédéchargement à des fins privées crée une asymétrie totale et aberrante entre une offre illicite et une demande légale, un peu comme si la vente de drogue était interdite mais que son achat était autorisé.

Conçue à l’origine comme une exception permettant à un individu de copier une œuvre qu’il possédait sur un autre support, permettant par exemple de transférer d’un vinyle vers une cassette son album préféré pour l’écouter sur la route des vacances, l’exception de copie privée n’a jamais eu comme vocation d’alimenter la demande – et donc mécaniquement l’offre – de contenus violant le droit d’auteur, ni d’offrir aux Internautes, pour quelque obscure raison philosophique, le droit de profiter d’œuvres sans rémunérer leurs auteurs.

Il est grand temps de réaliser que l’exception de copie privée n’a pas pour vocation de tenir lieu de méthadone pour les drogués de l’Internet gratuit, que Napster avait fédéré en son temps.

L’offre légale qui est devenue, tant s’agissant de la musique que des films, sinon pléthorique à tout le moins vaste avec l’arrivée sur le marché suisse d’acteurs clés tels que Netflix ou Spotify devrait suffire à convaincre ceux d’entre nous qui comprennent que l’œuvre d’autrui a une valeur et, dès lors, un coût nécessaire.

Nicolas Capt, avocat au Barreau de Genève et de Paris (liste des avocats communautaires), spécialisé dans les technologies de la communication.

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