Il faut repenser les sanctions internationales contre la Corée du Nord

Le 9 septembre, jour du 68e anniversaire de sa fondation, la République populaire démocratique de Corée a une nouvelle fois défié la communauté internationale en procédant à un essai nucléaire, le plus puissant jamais réalisé. Ce cinquième essai, qui s’inscrit dans une stratégie visant à doter le régime d’un arsenal nucléaire et balistique, marque un tournant.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-un, Pyongyang a considérablement accéléré la fréquence de ses essais tant nucléaires que balistiques. Alors qu’entre 1994 et 2011, son père avait réalisé deux essais nucléaires et trois essais balistiques intercontinentaux, Kim Jong-un en a déjà réalisé trois de chaque, dont deux essais nucléaires en 2016. Plus inquiétant encore, le jeune leader a ordonné une dizaine d’essais de missiles mer-sol-balistiques et, depuis janvier, quatre essais de missiles balistiques à moyenne portée.

Cette radicalisation démontre que le régime considère les armes nucléaires comme des armes de dissuasion pour garantir sa survie et des armes qui fondent l’identité du régime, ce ne sont en aucun cas des armes de marchandage diplomatique. Cette multiplication d’essais s’accompagne d’un double risque : une amélioration plus rapide qu’envisagée du programme militaire nord-coréen, et une possible normalisation de son statut de puissance nucléaire du fait d’une banalisation de ces provocations aux yeux des opinions publiques internationales, et de l’impuissance des gouvernements étrangers à l’en empêcher.

Bénéfices sécuritaires

La Corée du Nord s’enfonce ainsi dans une impasse, symbole de l’échec de la communauté internationale. Les sanctions internationales, qu’elles soient unilatérales – comme les sanctions américaines visant directement le dirigeant pour « graves violations des droits de l’homme » – ou multilatérales – à l’instar des six résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU depuis 2006 – n’ont pas entamé la détermination du régime.

Contrairement aux attentes occidentales, Pyongyang perçoit les bénéfices sécuritaires apportés par son programme nucléaire et balistique comme dépassant largement les coûts économiques des sanctions.

La République populaire démocratique de Corée fait en effet l’objet de sanctions internationales depuis sa fondation en 1948 et a su s’y adapter. Les sanctions commerciales unilatérales se sont multipliées depuis une dizaine d’années mais ont eu pour effet de créer une dépendance quasi-totale du pays à la Chine alors que cette dernière ne représentait que 28 % du commerce extérieur du pays en 2000, contre 20 % pour le Japon et 15 % pour la Corée du Sud.

Or, si Pékin souhaite la dénucléarisation de son voisin et s’exaspère de ses provocations, elle redoute surtout un effondrement soudain du régime nord-coréen qui aurait pour conséquence une instabilité accrue dans sa périphérie. Ainsi, si la Chine a toujours condamné la Corée du Nord et voté en faveur des sanctions onusiennes, en tant qu’acteur responsable du régime international de non-prolifération, elle les a toutefois fortement limitées afin d’éviter toute déstabilisation. La stratégie américaine de « patience stratégique » depuis 2008, couplant sanctions unilatérales et refus du dialogue sans gestes concrets de la Corée du Nord vers sa dénucléarisation, n’a pas fait preuve d’une plus grande réussite.

Si la dénucléarisation du régime nord-coréen doit demeurer un objectif stratégique à long terme, le gel de son programme nucléaire et balistique devrait devenir un objectif à court terme, c’est-à-dire un objectif, clair, pragmatique et réaliste.

Sources internationales de financement

Tout d’abord, tout dialogue avec la Corée du Nord ne devrait pas être conditionné car il ne s’agit pas d’une fin en soi mais d’un moyen. Ensuite, la mise en œuvre des sanctions existantes devrait être renforcée et l’embargo concernant la vente ou le transfert de tout article qui pourrait contribuer au programme nucléaire et balistique explicité par une longue liste d’articles.

Enfin, de nouvelles sanctions devraient cibler les sources internationales de financement du pays à l’instar de la centaine de milliers de Nord-Coréens travaillant de force à l’étranger, majoritairement en Chine et en Russie, dont les salaires sont ponctionnés par le régime.

L’Union européenne a un rôle-clé à jouer. Premièrement, grâce au lien historique de certains États membres avec la Corée du Nord, Bruxelles devrait continuer à entretenir activement des relations régime mais aussi avec la population à travers la multiplication d’échanges, notamment universitaires et culturels.

Deuxièmement, un rapport rendu public en février par l’ONU ayant dénoncé « le manque de rigueur dans l’application des résolutions », les pays membres devraient montrer l’exemple en fournissant des rapports détaillés à l’organisation internationale tout en convainquant et en assistant leurs partenaires africains, moyen-orientaux et asiatiques pour qu’ils en fassent autant.

Troisièmement, l’Union européenne devrait s’assurer qu’aucun de ses États membres ne fournit de visas à des travailleurs forcés nord-coréens comme c’est pourtant le cas dans certains pays, dont la Pologne et Malte.

Quatrièmement, la population nord-coréenne étant la première victime du régime et les programmes de l’ONU dans le pays ne parvenant pas à couvrir leurs propres besoins, Bruxelles devrait accroître son aide humanitaire, notamment suite aux récentes inondations qui ne vont qu’accroître l’insécurité alimentaire du pays.

Face à la détermination de Pyongyang, un engagement politique renouvelé et des sanctions ciblées effectivement mises en œuvre sont indispensables afin de sortir le régime nord-coréen de son impasse nucléaire.

Par Antoine Bondaz, docteur associé au CERI-Sciences Po et membre du Korea-Europe Next Generation Policy Experts Forum. Il est l’un des coauteurs, avec Benjamin Decoin, de « Corée du Nord. Plongée au cœur d’un Etat totalitaire », qui sera publié aux Éditions du Chêne, le 3 octobre.

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