Il faut un Parlement à la zone euro

Le président de la République a annoncé, le 14 juillet, une initiative européenne destinée à renforcer la cohésion de la zone euro. Cette initiative serait ouverte aux pays de la zone qui le souhaitent et qui constitueraient, ainsi, une sorte «d’avant-garde». Ces pays décideraient d’aller plus loin dans l’intégration économique et budgétaire avec la création d’un gouvernement économique doté d’une capacité budgétaire.

Cette proposition s’accompagnerait d’un approfondissement démocratique avec la création, à terme, d’un Parlement de la zone euro afin d’assurer, selon les propos du président de la République, «une présence plus forte des parlementaires, de ceux qui représentent les nations». Cette initiative vise à tirer les leçons des graves insuffisances de fonctionnement de la gouvernance de la zone euro, apparues crûment lors de la dernière négociation de l’accord sur la Grèce.

L’euro ne survivra que s’il est doté d’institutions fortes qui permettent une réelle coordination des politiques économiques et budgétaires et l’exercice d’une solidarité effective entre ses membres. Des propositions ont été avancées, notamment dans le rapport des cinq présidents des principales institutions européennes qui vient d’être remis. Mais ce travail, aux conclusions très prudentes au moins à court terme, peine à aboutir face à l’inertie des Etats.

L’intérêt de la proposition du président de la République est de donner une impulsion à cette réflexion essentielle et de proposer une méthode ouverte et pragmatique. L’objectif est de constituer un noyau d’Etats, dont l’Allemagne et l’Italie, qui pourrait entraîner les autres. L’intérêt réside aussi dans la place qu’elle accorde à la dimension démocratique avec, pour la première fois exprimé par un des principaux responsables d’un Etat membre de l’euro, la création d’un Parlement de la zone euro.

Nul doute que cette proposition fera débat, notamment à Bruxelles, pour qui l’horizon démocratique se limite au Parlement européen. Elle semble, cependant, particulièrement pertinente à la lumière de la crise grecque. A bien des égards, cette crise est l’expression d’un conflit de légitimité opposant un Etat souverain aux institutions de la zone euro que sont l’Eurogroupe et le Sommet de la zone euro. En l’absence d’un processus de légitimation démocratique des décisions prises par ces institutions, ce sont les Parlements nationaux ou les peuples, consultés par voie de référendum, comme ce fut le cas en Grèce, qui s’approprient cette fonction. Ce fonctionnement conduit inéluctablement à des blocages insurmontables, puisqu’il donne à un pays le pouvoir exorbitant de s’opposer à des décisions qui engagent les autres membres.

Cette tension qui, jusqu’à présent, avait été maîtrisée, a atteint un paroxysme avec la crise grecque. Rien ne dit qu’elle retombera. Près de dix pays, dont la France, ont consulté leurs Parlements nationaux sur l’accord avec la Grèce. On peut s’en féliciter, comme un progrès démocratique, mais on peut aussi y voir un risque de fragmentation et de multiplication des blocages. La zone euro ne résistera pas très longtemps à un tel traitement.

Il est donc urgent, comme le propose le président de la République, de concevoir non seulement un renforcement de la capacité de décision des instances de la zone euro, mais aussi les modalités d’exercice d’une souveraineté commune. Celle-ci ne peut, à mon sens, qu’émaner des Etats eux-mêmes. Leurs représentants n’accepteront l’exercice en commun de certaines de leurs prérogatives essentielles, en matière budgétaire notamment, qu’à la condition d’y être pleinement associés.

Concrètement, cela devrait se traduire par la création d’une «Assemblée de la zone euro» composée de membres des Parlements nationaux, comme le suggère très clairement le président de la République. Cette assemblée aurait à se prononcer sur les décisions prises par l’Eurogroupe, dans ces différentes formations, mais aussi par le Mécanisme européen de stabilité. Etant amenée à voter, cette assemblée serait composée sur une base démographique.

La gravité de la crise que vient de connaître l’Europe signifie qu’il n’est plus possible d’attendre.

Christophe Caresche, député de Paris (PS), vice-président de la commission des affaires européennes.

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