Immigration: Malte a besoin d'aide, tout de suite

Par Michaël Frendo, ministre des Affaires étrangères de Malte (LE FIGARO, 19/07/06):

L'immigration illégale est un véritable problème pour nous tous, mais elle l'est encore plus pour certains d'entre nous. Si je vous disais que 75 000 immigrés illégaux sont arrivés en France ou que 50 000 immigrés illégaux sont arrivés en Espagne, est-ce que cela ferait la une des journaux ? Cela équivaut, en effet, par rapport à la densité de la population, à ce que Malte a subi pendant les deux dernières semaines.

Il y a quelques jours, à Rabat, lors de la conférence ministérielle sur la migration et le développement, Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur de la France, a remarqué, à juste titre, que les événements tragiques de Ceuta et Melilla avaient touché les coeurs des Européens.

A Malte, nous trouvons régulièrement des cadavres flottant dans la Méditerranée. Des bateaux pleins à craquer d'immigrants illégaux arrivent sur nos côtes, parfois quotidiennement. Dans ce cas, plus le pays est petit, et plus la population est dense, plus le problème est grand. Malte est le deuxième pays le plus densément peuplé au monde, avec presque 1 300 personnes au kilomètre carré. Pour mon pays, l'immigration illégale ne constitue pas simplement un problème parmi tant d'autres sur lesquels on organise des conférences. Pour les Maltais, c'est une question d'importance vitale.

Dans la réalité complexe de l'immigration illégale, il n'existe pas une seule et unique route migratoire qui soit distincte de toute autre. Les organisations criminelles internationales, faisant trafic d'êtres humains, d'immigrés illégaux, utilisent toutes les routes. Une de ces routes principales traverse la Libye, Malte et l'Italie. Les statistiques des derniers dix-huit mois montrent clairement que cette route draine des flux migratoires illégaux, y compris ceux provenant de l'Afrique occidentale.

La Conférence de Rabat a pourtant focalisé toute son attention sur cette région et sur la route maroco-espagnole. Ce qui montre bien que le problème ne peut pas être traité de manière partielle. Les organisations internationales criminelles, elles, savent que les routes migratoires sont interconnectées. Et pour elles, ce nouveau commerce de personnes rapporte gros.

Quelle solution envisager ? Nous ne pouvons pas considérer uniquement la route de la Méditerranée occidentale, car elle ne constitue qu'une partie du problème. La Conférence de Rabat ne constitue donc qu'une partie de la solution, car si cette initiative devait rester isolée, elle pourrait devenir partie du problème : nous ne pouvons pas fermer une route pour les trafiquants internationaux et laisser ouvertes d'autres routes, d'autres options «plus douces».

La route méditerranéenne centrale doit aussi être prise en considération, et de manière urgente. A cet égard, la Conférence ministérielle de Tripoli entre l'Union européenne et l'Union africaine doit se tenir sans tarder parce qu'elle permettra d'envisager cette question de manière globale. Malte a proposé d'accueillir la conférence préparatoire. De même, outre les patrouilles conjointes tout au long de la route de l'Afrique occidentale, il est nécessaire d'organiser des patrouilles conjointes dans la zone de la Méditerranée centrale. Le message qu'il faut transmettre aux organisations criminelles internationales est qu'aucune route ne restera ouverte.

Tous les pays doivent s'entendre pour lutter contre les organisations criminelles internationales. L'article 13 de l'Accord de Cotonou signé par les pays africains (accord ACP-UE) constitue une obligation pour eux d'accepter le rapatriement des immigrés illégaux. Cette obligation doit être respectée par tous. Pacta sunt servanda.

Évidemment, l'assistance au développement est une partie importante de la solution ; c'est le moyen pour que les personnes gardent l'espoir de pouvoir gagner leur vie dans leur propre pays.

Il faut aussi continuer à garantir la pleine protection aux réfugiés et aux personnes nécessitant un statut humanitaire, en accord avec la loi. La solution au problème de l'immigration implique donc une action simultanée sur plusieurs fronts : le développement, la lutte contre la pauvreté, la lutte contre les organisations criminelles internationales, le plein respect pour les droits des réfugiés, le rapatriement et la réintégration des immigrés illégaux dans leurs pays d'origine.

Nous avons besoin d'une action urgente. Pour les 400 000 citoyens de mon pays entassés dans 316 kilomètres carrés, ceci est vital. Malte a besoin d'aide. Tout de suite.