Instabilité en Iran: coup d’Etat en perspective?

Meeting de soutien au président Hassan Rouhani, candidat à un nouveau mandat. Téhéran, 4 mai 2017. © Fatemeh Bahrami/Anadolu Agency/Getty Images
Meeting de soutien au président Hassan Rouhani, candidat à un nouveau mandat. Téhéran, 4 mai 2017. © Fatemeh Bahrami/Anadolu Agency/Getty Images

A l’aube de l’élection présidentielle et trente-sept ans après son installation, le régime des ayatollahs en Iran fait face à une grave crise interne à la fois au niveau politique et économique. Avec le départ attendu de son leader malade, l’ayatollah Ali Khamenei, le risque d’un coup d’Etat au sein du régime et d’une période d’instabilité, voire de chaos, se profile de plus en plus à l’horizon.

Contrairement à l’image d’un Iran puissant et stable que l’on se fait de l’étranger, le régime traverse une période de grave crise économique et d’incertitudes politiques accompagnées de tensions internes et de vif mécontentement populaire sans précédent depuis son installation. Les quatre années du gouvernement Rohani prétendument «réformiste» et l’accord nucléaire avec le P5+1 n’ont rien apporté aux Iraniens en termes de prospérité économique et de progrès civil. Les fonctionnaires, notamment les retraités, ne sont plus payés depuis sept mois, et caisses et banques d’Etat sont vides. 60% de la jeunesse (la moitié de la population) est au chômage. 80% des Iraniens vivent sous le seuil de pauvreté et 7% d’entre eux n’ont pas les moyens de payer leur loyer et une majorité deviennent des kartun khaab: ceux qui vivent dans des boîtes en carton, selon l’expression locale. En plus du chômage, la jeunesse iranienne est très touchée par le phénomène de la drogue et pas moins de 10% de la population fait usage de drogue, dont la grande majorité a moins de 30 ans.

Qui sera le prochain guide?

Sur le plan politique, Ali Khamenei, le guide suprême, atteint d’un cancer en phase terminale, a récemment multiplié les appels à lui trouver un remplaçant, sans succès. En Iran, le pouvoir est détenu par le guide suprême et par le Sipah Pasdaran (les Gardiens de la révolution islamique).

Il est clair qu’avec le décès prévisible du guide suprême, l’équilibre du pouvoir conjointement détenu par celui-ci et le Sipah risque de voler en éclats. L’unique personnalité du régime capable d’assurer sa survie politique était l’ancien président, Rafsanjani, décédé en janvier, avec le soupçon exprimé par sa fille d’un assassinat politique attribué aux Gardiens de la révolution.

L’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis et la multiplication des sanctions contre l’Iran, notamment à l’encontre du Sipah Pasdaran et de ses chefs, ne renforceront pas seulement la crise politique et économique en Iran, mais elles toucheront également les entreprises occidentales qui s’apprêtaient à réinvestir dans le pays. Les entreprises iraniennes étant gérées à 90% par l’Etat à travers le Sipah Pasdaran et ses leaders, essentiellement constitués de vétérans.

Depuis sa création en 1979, le régime n’a eu qu’«un seul credo»: exporter la Révolution islamique dans le monde et créer un véritable «croissant chiite» au Moyen-Orient. Mais au final, ces ingérences dans les pays voisins et le soutien aux groupes radicaux chiites et islamistes dans la région et dans le monde n’ont pas eu l’effet escompté avec, par contrecoup, un impact désastreux sur la situation interne du pays.

Reprise en main par les Occidentaux?

L’Iran, à l’instar des pays voisins, n’est pas un pays homogène, et la répression de ses composantes ethniques – Kurdes, Baloutches, Ahwaz-Arabes, Azerbaïdjanais et Turkmènes, qui forment la majorité de la population – atteint des sommets. En 2016, la moitié des 1072 prisonniers politiques et un cinquième des exécutions concernent les Kurdes. Encouragés par les événements régionaux et déterminés à obtenir les mêmes droits que leurs frères voisins, tous ces groupes ethniques défient désormais frontalement le pouvoir central, exclusivement aux mains du groupe perse chiite, et depuis mai 2015 le PDKI, le mouvement principal kurde d’Iran, a repris la lutte armée contre le gouvernement central, et la situation est la même au Balouchistan et en Ahwaz d’Iran. Cette reprise des conflits armés en Iran contribue fortement à l’affaiblissement et à la déstabilisation du régime, déjà trop investi en hommes et en argent dans les guerres de Syrie, du Yémen et d’Irak, qui s’éternisent et coûtent cher aux contribuables iraniens.

La génération d’après la révolution, déçue de trente-sept ans de règne sans partage du clergé, a du mal désormais à croire à un avenir meilleur sous l’égide des ayatollahs. Nombreux sont les intellectuels, politologues, journalistes, activistes et artistes pour qui la question n’est plus de savoir quand il y aura un coup d’Etat, mais quelles en seront les modalités et les conséquences, à savoir: un bain de sang et un embrasement généralisé comme en Syrie ou en Irak? Ou bien une reprise en main encore plus autoritaire et centralisée, plus ou moins téléguidée de l’étranger par certaines puissances occidentales, Etats-Unis en tête, qui n’ont aucun intérêt à voir le pays s’embraser, et sont prêtes à sacrifier leurs prétendus idéaux sur l’autel de la stabilité de la région.

Taimoor Aliassi, Représentant à l’ONU de l'Association pour les Droits Humains au Kurdistan d’Iran.

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