Interdiction des minarets: non, le peuple n’a pas toujours raison

La Suisse politique survivra à l’acceptation de l’initiative anti-minarets! Néanmoins, ce résultat interpelle et préoccupe. Il renvoie à la pratique de la démocratie directe, à ses chances et succès, à ses risques et limites. Dans le dialogue direct avec la population, il y a les recettes qui marchent. L’UDC en abuse. Beaucoup de xénophobie, de la haine habillement distillée, de la discrimination ciblée ou des exagérations et mensonges s’associent pour stigmatiser, attiser les peurs, plaire au commun des mortels et, finalement, gagner élections et votations. Dont acte!

Doit-on pour autant s’en accommoder? Faire de la construction des minarets un instrument de rejet de l’islam n’était que manipulation. Le parlement n’a pas été à même d’invalider un texte anticonstitutionnel. Peu courageux, trop confiant à l’égard d’un corps électoral qualifié de «raisonnable», il le paie très cher. Il faut en tirer les leçons, car les nouvelles offensives de l’UDC sont prêtes. La croisade de ce parti se poursuivra. Elle rappelle les sombres heures de notre histoire, le peuple instrumentalisé devenant quasi «otage» de ce processus.

Jusqu’à quand laisser faire? Quand une initiative populaire ne provoque que des problèmes institutionnels, il faut s’interroger. La question doit être posée, adressée non seulement aux autorités, mais également à la population, qui ne saurait se soustraire de sa responsabilité dans un système de démocratie directe. Le peuple est souverain, certes. Mais, contrairement à l’opinion dominante, il n’a pas toujours raison. Pourquoi d’ailleurs aurait-il davantage raison que les élu-e-s qui le représentent?

Les relations sociales, la vie en communauté, le respect des valeurs fondamentales ou les règles de participation à la scène internationale ne fonctionnent pas au slogan et ne se fondent pas simplement sur les a priori du café du Commerce. Ils découlent d’une volonté politique de cohabiter, de rechercher l’ouverture et la discussion. La démocratie suppose une quête d’intelligence, une capacité de distinguer la réalité des mensonges. Elle appelle compétence et dignité. C’est une noble institution, qui exige de la vertu. Quand on décide, on doit le faire en connaissance de cause.

Les vieux coupables de coûter trop cher aux assurances sociales, les invalides et les chômeurs coupables d’abuser de la solidarité, les étrangers coupables de toutes les violences, les femmes coupables de se former et de travailler, les musulmans coupables de vouloir prier… Ce discours répété de haine de l’UDC est inacceptable, contraire à nos valeurs. Il est urgent de le contrer, de dire stop aux bas instincts, au manque de respect des personnes et des institutions. On ne peut laisser l’idéologie de la haine et de la discrimination l’emporter!

Aux acteurs politiques de descendre peut-être de leur strapontin. A l’Etat de s’engager et d’investir dans la formation du citoyen-électeur. Au citoyen de dépasser dans les scrutins populaires la seule défense du «je», de «ses» intérêts immédiats. Certes, la tolérance, l’ouverture, la solidarité ne se décrètent pas. L’individualisme et l’égoïsme sont aussi graves que les peurs. Aux autorités de lancer et d’animer une large discussion sur ces valeurs qui fondent la cohésion sociale. Sans elle, il n’y aura point de prospérité, point de justice sociale, point de respect, point de paix. La démocratie directe doit être d’abord au service de l’intérêt général et non d’intérêts partisans et sectaires.

Stéphane Rossini, conseiller national et vice-président du PS.