Iran : on discute du nucléaire mais pas des droits de l’homme

La lune de miel est terminée. Voilà maintenant huit mois que Hassan Rohani est président de la République islamique d’Iran et si peu de progrès en matière de droits de l’homme. Huit mois pendant lesquels le pouvoir judiciaire iranien a exécuté 524 personnes, dont au moins dix-sept prisonniers politiques. En dépit des promesses répétées du Président, plus de 800 prisonniers politiques sont toujours derrière les barreaux, la liberté d’expression toujours restreinte et les exécutions en augmentation. Depuis le 1er janvier 2014, 176 personnes ont été pendues. Et, dernièrement, trois experts indépendants des Nations unies ont affirmé que l’utilisation faite par l’Iran de la peine de mort était tout à fait illégale et ont demandé au gouvernement de stopper les exécutions, un appel réitéré par le Haut-commissariat aux droits de l’homme : «Nous regrettons que le nouveau gouvernement n’ait pas changé son approche concernant la peine de mort. Nous exhortons le gouvernement à cesser immédiatement les exécutions…»

Hassan Rohani fut choisi pour mener une coalition de modérés, réformistes et partisans du «Mouvement vert» qui, en leur temps, réussirent à mobiliser efficacement les citoyens autour de promesses dans le domaine des droits de l’homme.

Aujourd’hui, des membres de cette faction réformiste admettent ouvertement que le changement n’a pas eu lieu. Car malgré la volonté du Guide suprême (sous lequel ils sont tenus de gouverner) d’évoluer sur le nucléaire, aucune concession n’a été faite en ce qui concerne les droits de l’homme.

Quelques membres du gouvernement ont pourtant essayé de desserrer l’étau : le ministre des Sciences et de la Recherche, Reza Faraji Dana, a encouragé plus de liberté dans le domaine académique ainsi qu’une plus grande égalité sur les campus universitaires et le ministre de la Culture, Ali Jannati, a milité pour une plus grande liberté sur Internet et moins de restrictions dans les sphères sociales et culturelles. Mais ils se sont heurtés à une féroce opposition des conservateurs jusqu’au-boutistes menaçant de les démettre de leurs fonctions et de les poursuivre en justice.

Hassan Rohani a travaillé pour présenter au monde une nouvelle image de l’Iran. Il a publié le 26 novembre dernier, un nouveau projet de charte sur «les droits de citoyenneté». Non seulement le document n’est pas contraignant légalement, mais il ne protège en rien la liberté d’expression, de réunion ou d’association. De plus, il échoue à garantir l’égalité homme - femme ou abolir les lois discriminatoires envers les minorités ethniques et religieuses.

Face au refus persistant de l’Iran de coopérer avec les institutions de défense des droits de l’homme des Nations unies, le Conseil des droits de l’homme a nommé en 2011 un rapporteur spécial pour dialoguer avec le gouvernement et enquêter sur les allégations de violations des droits humains. Mais, le gouvernement n’a pas autorisé l’expert désigné, le docteur Ahmed Shaheed, à entrer sur le territoire iranien.

Alors que la communauté internationale célèbre l’accès aux sites nucléaires iraniens, rappelons que nous ne pouvons toujours pas entrer dans les prisons iraniennes qui abritent des centaines de prisonniers d’opinion, et où des centaines d’exécutions secrètes sont menées chaque année.

La communauté internationale se doit, avec l’appui du Secrétaire général de l’ONU, de placer au premier rang des questions diplomatiques avec l’Iran les droits de l’homme.

Aujourd’hui, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies doit adopter une résolution qui prenne en compte cette dimension. Cette résolution devrait renouveler le mandat de Ahmed Shaheed et exiger que l’Iran coopère avec lui ainsi qu’avec d’autres experts, notamment en autorisant leur accès au pays. Les Nations unies doivent également demander à l’Iran de libérer tous les prisonniers d’opinion, de placer un moratoire sur l’utilisation de la peine de mort et de mettre fin aux restrictions sur la liberté de réunion, d’association et d’expression.

Les accords nucléaires démontrent que les dirigeants iraniens sont sensibles à la pression internationale, qu’ils sont prêts à faire des concessions et savent comment travailler avec la communauté internationale pour sortir de leur isolement. Il est temps d’utiliser cette expérience pour modifier la position de l’Iran en matière de droits de l’homme.

Pour toute négociation, la communauté internationale doit exiger des progrès tangibles en faveur du peuple iranien afin que l’émergence de l’Iran hors de son isolement stratégique inclue également ses citoyens.

Dokhi Fassihian, experte internationale en droits de l’homme

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