Israël choisit le Hamas contre l'Etat palestinien

« Bordure protectrice », l'opération engagée par les autorités israéliennes depuis maintenant deux semaines confirme leur stratégie adoptée après leur retrait unilatéral de la bande de Gaza en 2005 : contourner la question de la création d'un Etat palestinien en encourageant l'édification d'une entité autonome dans la bande de Gaza.

La réaction du gouvernement de Benyamin Nétanyahou face à la dernière entreprise de réconciliation entre le Fatah et le Hamas en avril en est une parfaite illustration. La formation d'un nouveau cabinet au début du mois de juin, même s'il ne comportait aucun ministre affilié au Hamas, a en effet provoqué la colère des Israéliens. Ce mécontentement a été porté à son comble après la reconnaissance, inédite, de ce gouvernement par l'Union européenne et les Etats-Unis.

Le processus de réconciliation s'est rapidement trouvé court-circuité par plusieurs mesures israéliennes : refus de permettre aux ministres résidant à Gaza de se rendre à Ramallah pour prêter serment, refus de laisser les forces de sécurité de la présidence palestinienne se déployer à la frontière entre Gaza et l'Egypte, refus d'autoriser le versement par Mahmoud Abbas du salaire des fonctionnaires de la bande de Gaza qui ne sont pas affiliés au Fatah.

ULTIME RECOURS POUR SORTIR DE L'IMPASSE

L'opération « Bordure protectrice » doit ainsi se lire comme une réponse à la toute récente tentative de rapprochement interpalestinien, réponse qui consacre la division géographique et politique de la Palestine. Affaibli par l'évolution des « printemps arabes » et le retour des généraux en Egypte, le Hamas s'est tourné vers son rival nationaliste du Fatah en lui octroyant de nombreuses concessions.

A l'instar de Rached Ghannouchi quelques mois plus tôt en Tunisie, l'ancien premier ministre palestinien du Hamas, Ismaël Haniyeh, s'est déchargé des affaires tout en affirmant que « le départ du Hamas du gouvernement n'est pas synonyme de départ du pouvoir ». La destruction par le maréchal Al-Sissi de la quasi-totalité des tunnels de contrebande reliant la bande de Gaza à l'Egypte ne permettait plus au Hamas de faire transiter les fonds nécessaires pour payer les fonctionnaires de son gouvernement.

Plus qu'un témoignage d'un engagement nationaliste, la volonté de réconciliation du Hamas s'explique donc comme un ultime recours pour sortir de l'impasse.

Ce rapprochement forcé du Hamas avec Ramallah se heurte à une politique israélienne qui a tout intérêt à voir le mouvement islamiste continuer d'administrer seul la bande de Gaza. Pour mener à bien cet objectif, l'Etat hébreu devra nécessairement permettre à la Résistance islamique de bénéficier de certains avantages qui ne se limitent pas à faciliter l'acheminement et le transfert de fonds pour rendre viable la gestion d'un gouvernement à Gaza, mais incluent aussi de laisser le Hamas et les autres factions de résistance palestiniennes jouir d'une certaine autonomie.

LES ERREURS DU PASSÉ

La proposition de cessez-le-feu en dix points présentée par le Hamas et le Djihad islamique le 16 juillet aux autorités égyptiennes participe de cette ambition d'édifier à Gaza une autorité administrée séparément de la Cisjordanie. Demandes relatives à la levée du blocus, à la libération des prisonniers et à l'octroi d'une zone de pêche plus étendue, plusieurs points de cette proposition, concernant notamment le contrôle des points de passage de manière collégiale avec le Qatar ou la Turquie, témoignent d'une volonté d'établir une entité politique dans la bande de Gaza autoadministrée, bien que celle-ci doive rester sous domination israélienne.

Une telle situation, qui voit la stratégie israélienne partiellement converger avec celle du Hamas, n'est pas sans rappeler celle des années 1970, lorsque les Israéliens avaient permis le développement des associations caritatives et religieuses dirigées par les Frères musulmans pour lutter contre l'influence de l'OLP, alors considérée comme une organisation terroriste.

Elle n'est pas sans rappeler non plus les tentatives israéliennes de confier l'administration de la Cisjordanie à la Jordanie et celle de la bande de Gaza à l'Egypte. En gardant la tête du mouvement islamiste hors de l'eau tout en lui refusant le statut de véritable interlocuteur, Israël semble aujourd'hui déterminé à reproduire les erreurs du passé.

Cette stratégie, cependant, est-elle véritablement partagée par le Hamas ? En dépit de ses prétentions nationalistes, le mouvement de la Résistance islamique ne semble pas être capable de contrer le projet israélien dont il peut par ailleurs tirer profit. La question semble désormais être celle du statut de cette entité politique en devenir : si la perspective d'une souveraineté authentique paraît bien compromise, elle nous invite d'ores et déjà à repenser la notion d'Etat, dans un contexte régional où cet idéal-type se trouve aujourd'hui largement mis à mal.

Par Leila Seurat, docteure en science politique et membre du think tank «Noria Research».

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