Israël-Palestine : en attendant le courage politique

Est-ce ainsi que les nations naissent, vivent et se défont ? Israël est né d’une idée nationale mais aussi des débris d’une Europe qui avait lancé à l’humanité l’injure suprême, celle d’en nier l’universalité. A l’idée nationale portée par une partie des Juifs répond l’idée nationale portée par les Palestiniens d’où qu’ils soient, de Gaza, de Cisjordanie, d’Israël, des camps qui les parquent encore ou même de cette immense diaspora qui s’est fondue dans d’autres nationalités sans jamais oublier. La confrontation était inévitable. Elle ensanglante l’histoire de ce territoire et du monde depuis si longtemps qu’elle se vit comme une maladie chronique culminant en des éruptions mortifères. Le même engrenage, venu des mêmes frustrations, des mêmes injustices, opposant pierres et couteaux à l’usage immodéré des armes, ruine l’espoir. Et ce sont les hommes, les femmes et les enfants de ce territoire qui tombent, ce sont les arbres de ces terres que l’on déracine, des murs réels ou symboliques que l’on édifie et qui ne protègent de rien, même pas de la haine toujours recommencée. Faut-il donc se résoudre à compter les morts ? A dresser un autel au culte de la mort ? A nier l’intelligence pour laisser triompher l’intolérance religieuse ?

Renvoyer les uns et les autres à un meurtre collectif et ritualisé où seul Dieu reconnaîtrait les siens, ce serait la défaite de l’humaine raison. Qui peut s’y résoudre si ce n’est ceux et celles qui ne vivent que dans l’espoir d’une impossible victoire ? Cette victoire aurait pour critères les années passées sans Etat palestinien et le nombre de victimes. Au compteur, Israël détient une large avance et le concurrent ne paraît pas en mesure de combler son retard à court terme. Fort de cette avance, le premier imagine qu’il la conservera dans la durée. Mais pour vérifier l’hypothèse, il faut continuer à faire ployer un peuple sous un «talon de fer», à mépriser sa vie, ses droits et jusqu’à nier son existence. Les termes actuels du débat passent par cette réalité : un occupant et un occupé, un colonisateur et un colonisé. Sortir de cette dualité ne peut relever de la violence, non que la résistance soit illégitime, mais tout simplement parce que le rapport de force est par trop inégal.

Dès lors, faut-il parier sur l’intelligence du dominant ? De l’assassinat d’Yitzhak Rabin à la politique actuelle des autorités israéliennes, tout laisse à penser que le pari serait hasardeux. C’est donc à la communauté internationale de faire vivre la légalité résultant du droit international et en particulier des résolutions des Nations unies, et qu’elle a toujours refusé d’appliquer. Il faut reconnaître l’Etat de Palestine comme il faut contraindre l’Etat d’Israël à admettre l’existence de son voisin. L’Union européenne et les Etats-Unis ont toujours refusé d’assumer cette responsabilité. Les raisons en sont multiples mais aucune ne peut justifier leur refus d’agir. Si, des êtres humains meurent en Israël et en Palestine, c’est aussi parce que l’Union européenne et les Etats-Unis refusent de considérer Israël comme un Etat aux droits et aux devoirs identiques à ceux des autres Etats. La France pratique la même esquive, pleine de bonne volonté mais s’arrêtant justement là où le message pourrait être entendu par Israël. Il faut que ce théâtre d’ombres cesse. Dire que l’on condamne la colonisation et les violences, regretter en privé l’obstination pathologique du Premier ministre israélien n’ont rien changé et ne changeront rien. Il faut faire preuve d’une autre détermination et d’une volonté usant concrètement des leviers politiques, diplomatiques, économiques. Au moment où le Proche-Orient implose, l’Union européenne et les Etats-Unis en seront-ils capables ? Ceux et celles qui meurent en Palestine et en Israël ne connaîtront jamais la réponse à cette question.

Patrick Baudouin, Président d’honneur de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH)
Michel Tubiana, Président du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (REMDH)

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