Le processus de paix au Proche-Orient ne peut pas attendre, principalement pour deux raisons. D’abord, les nombreuses crises qui traversent la région, de la Syrie à la Libye, du Yémen à l’Irak, ont fait apparaître de nouvelles menaces pour sa stabilité. Certains veulent croire que ces crises conduisent à établir des priorités et, qu’au nom de ces priorités supposées, il faudrait remettre à plus tard la résolution du conflit israélo-palestinien. Cette conception n’est pas la mienne : en effet, le conflit israélo-palestinien ne peut être détaché de son environnement régional.
Penser que le Moyen-Orient pourrait retrouver la stabilité sans régler le plus ancien de ses conflits est une illusion. Ce conflit, s’il n’est pas traité, continuera à nourrir les frustrations et ne fera que renforcer, au bout du compte, le cycle infernal de la radicalisation et de la violence. Il continuera à donner à tous les apprentis terroristes des prétextes pour enrôler de nouveaux combattants. L’attentat odieux qui a frappé Jérusalem dimanche 8 janvier est une alerte supplémentaire. C’est pour cette raison que je me suis engagé : parce que la paix ne peut pas attendre et que chaque jour qui passe éloigne un peu plus les perspectives d’un règlement du conflit.
Car au-delà de l’urgence, j’ai une conviction chevillée au corps, que je partage avec la plupart de nos partenaires, comme avec une majorité d’Israéliens et de Palestiniens. Cette conviction, c’est que seule la solution de deux Etats pourra, à terme, permettre à la région de se stabiliser et à Israël de vivre en sécurité. Il ne s’agit pas d’imposer la paix. La France n’a jamais eu pour prétention d’en dicter les contours aux uns et aux autres. Nous savons bien que le conflit ne sera réglé que lorsque les parties auront décidé de s’engager sur le chemin courageux et exigeant de la réconciliation. Ce chemin sera sinueux, semé d’embûches, jalonné de choix difficiles. Ni la France ni la communauté internationale ne peuvent ni ne souhaitent forcer les parties à l’emprunter. Israéliens et Palestiniens doivent décider ensemble ce que sera leur destin commun.
Pour autant, il est une certitude, partagée par tous, parce qu’elle concerne, au-delà des Israéliens et des Palestiniens, notre sécurité collective : l’horizon des négociations, leur raison d’être même, c’est d’aboutir à deux Etats, vivant côte à côte, en paix et en sécurité. Benyamin Nétanyahou et Mahmoud Abbas savent, l’un comme l’autre, qu’il n’y a pas d’alternative et que c’est ainsi qu’Israéliens et Palestiniens pourront regarder sereinement vers l’avenir.
Une violence quasi quotidienne
Or, cette solution des deux Etats est en danger. Depuis maintenant plus de six ans, l’absence de processus politique a laissé place à un statu quo en trompe-l’œil. Sur le terrain, les Palestiniens voient leur futur Etat se réduire comme peau de chagrin, à mesure que se poursuit, à un rythme jamais atteint, la colonisation, qui engendre à son tour plus d’occupation, car l’une ne va pas sans l’autre. Les Israéliens, dans un environnement régional qui n’a jamais été aussi troublé, subissent aussi une violence quasi quotidienne, perpétrée par ceux qui instrumentalisent les frustrations pour promouvoir un agenda de haine. Des deux côtés, les promesses de la paix se sont évanouies et ont laissé place à la défiance, à la résignation, voire au faux espoir que la situation actuelle puisse perdurer indéfiniment.
Sauver les deux Etats et préserver un avenir de paix et de prospérité pour les peuples de la région : voilà pourquoi la communauté internationale, sous l’impulsion de la France, a décidé de se mobiliser. Voilà pourquoi, le 3 juin 2016, trente pays et organisations internationales ont répondu à notre appel et se sont réunis à Paris. Voilà pourquoi le Conseil de sécurité a voté, le 23 décembre 2016, la résolution 2334. Cette mobilisation porte un seul message, simple et clair : amis israéliens, amis palestiniens, nous ne ferons pas la paix à votre place, mais nous serons à vos côtés. C’est notre responsabilité devant l’Histoire. Nous serons là pour vous accompagner. Vous savez, comme nous, que le concours de la communauté internationale sera, le moment venu, indispensable. Nous y sommes prêts.
Le 15 janvier, à Paris, plus de soixante-dix partenaires se réuniront de nouveau. D’abord, pour présenter aux parties les résultats des travaux engagés le 3 juin. Ensemble, nous avons élaboré une contribution qui concerne tous les domaines : l’économie, le commerce, l’aide au développement, la coopération, la société civile. Cette contribution a pour objectif de montrer aux parties ce que peuvent être les dividendes de la paix.
La conférence du 15 janvier adressera aussi un message aux Israéliens, aux Palestiniens et au monde. A l’heure où l’avenir du processus de paix est soumis à toutes les spéculations, il est de notre responsabilité commune de rappeler cette évidence : aucune décision unilatérale n’est compatible avec la solution des deux Etats. Cette solution ne pourra émerger que de la confiance retrouvée et d’un horizon politique partagé, auxquels Israéliens et Palestiniens aspirent. La France n’a qu’une ambition : y contribuer.
Par Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international.