Israël-Palestine : le temps de la paix est venu

Depuis la décision de l'ONU de novembre 1947 de partager la Palestine mandataire en un Etat juif et un Etat arabe, Israéliens et Palestiniens n'ont jamais cessé de se faire la guerre. Ce fut le rejet par les Arabes de cette résolution fondatrice, qu'Israël avait acceptée, qui provoqua la guerre de 1948 et la tragédie des réfugiés palestiniens. Cinq Etats arabes attaquèrent le jour même de sa naissance ce mini-Etat de 600 000 habitants. Les armées de l'Irak, de l'Egypte, de la Jordanie, du Liban et de la Syrie ne parvinrent cependant pas à défaire la mini-armée d'Israël. Par la suite, Israël pratiqua une politique d'attaques préventives (sauf, évidemment, lors de la guerre de Kippour), occupa la Palestine et refusa de reconnaître l'Etat palestinien.

Le temps est venu pour les Israéliens d'admettre, enfin, que l'Autorité palestinienne doit devenir un Etat souverain, pour les Palestiniens d'accepter qu'Israël, leur voisin, mérite de vivre dans la sécurité et dans la paix. Le temps est venu pour le monde arabo-musulman de reconnaître qu'un Etat juif vivant en bonne intelligence avec lui ne représente de danger ni pour l'islam ni pour les Etats arabes, et doit pouvoir, comme tout autre Etat, participer de droit au concert des nations du Proche et du Moyen-Orient.

Car enfin, comment un pays représentant la superficie de trois départements français et une population de 7 millions d'habitants, dont plus d'un million de citoyens arabes, pourrait-il constituer une menace pour une vingtaine d'Etats arabes et environnants peuplés de plus de 300 millions d'habitants ?

Côté israélien, si tant de conférences n'ont jusqu'à présent pas abouti, cela tient principalement à deux raisons : une méfiance solidement ancrée dans un peuple vivant en environnement hostile ; et un système politique défaillant, éclaté au point de condamner à l'impuissance les coalitions au pouvoir à Jérusalem.

Le temps est venu pour le gouvernement actuel, où trois leaders de premier ordre s'entendent et se soutiennent - Shimon Pérès, président de l'Etat et Prix Nobel de la paix, Benyamin Nétanyahou, premier ministre, représentant la légitimité politique, Ehoud Barak, ministre de la défense, représentant la légitimité militaire - d'être un gouvernement d'union nationale pour la paix plutôt que pour la guerre.

Deux raisons ont également tout bloqué chez les Palestiniens : un leadership qui jusqu'à présent n'a jamais vraiment voulu la paix ; et un système déchiré en factions rivales, incapables de parvenir à toute décision commune.

Au cours de ces trente dernières années, le monde arabe a produit trois avancées majeures, sous l'impulsion de trois dirigeants exceptionnels : le président égyptien Anouar El-Sadate, le roi Hussein de Jordanie et le roi Abdallah d'Arabie saoudite. Les initiatives des deux premiers ont apporté la paix entre Israël et leurs pays respectifs. Le temps est venu d'écouter, avec tout le sérieux nécessaire, la proposition du troisième, la plus importante depuis le début du conflit : initiative saoudienne adoptée par la Ligue arabe en mars 2002, à Beyrouth, et réactivée par Riyad, en mars 2007. Le roi propose également la paix, mais avec l'ensemble du monde arabe et musulman. Paradoxalement, cela peut s'avérer plus facile qu'avec le seul Etat palestinien. Mais pour donner une chance à cette démarche audacieuse, Israël doit oeuvrer sans tarder à la création de l'Etat palestinien.

Alors pourra s'engager la négociation ultime entre égaux, entre deux Etats souverains reconnus par l'ensemble de la communauté internationale, afin d'aboutir, enfin, à la solution de tous les conflits nés de l'affrontement israélo-arabe. Alors Israël pourra s'intégrer dans un des espaces économiques les plus vastes du monde, qu'il fera bénéficier de son expérience démocratique, économique et sociale. C'est cette relation avec le monde arabe qui sera l'assurance d'une vraie sécurité pour chacun.

Le temps est venu pour les dirigeants et les peuples de la région d'accepter que même les conflits les plus longs, les plus douloureux, les plus difficiles, se terminent un jour par la paix.

Jean Frydman, industriel et conseiller de Shimon Pérès et Ehoud Barak.