Un nouveau discours "programmatique" de Barack Obama sur le conflit israélo-palestinien et les relations avec le monde arabe, le 19 mai, suivi d'une nouvelle visite de Benyamin Netanyahou aux Etats-Unis, avec les traditionnelles interventions devant l'association juive Aipac et les deux chambres du Congrès américain: tout semblait prêt, dans la foulée des révolutions arabes et après l'élimination de Ben Laden, pour une relance du "processus de paix" en Palestine. Il n'en a rien été. Bien au contraire, les positions sont plus figées que jamais, et même durcies.
C'est surtout le cas du côté israélien, où l'on a aussitôt rejeté les timides demandes du président américain. Celui-ci ne s'était guère aventuré en réclamant un accord "sur la base des frontières de 1967" avec des échanges librement consentis de territoires : c'est ce qui a toujours été reconnu comme le cadre légal d'un accord de paix par les principaux gouvernements de la planète et les résolutions onusiennes depuis plus de 40 ans, et même admis peu ou prou par les gouvernements israéliens successifs. Mais cela ne convient plus à Benyamin Netanyahou, pour qui ces frontières ne sont "pas défendables" : même la démilitarisation du futur Etat palestinien - avec laquelle Washington est d'accord - n'y changera rien, pas plus que l'offre renouvelée d'une aide militaire américaine accrue. Le premier ministre israélien avait déjà créé la surprise l'an dernier en exigeant de ses partenaires la reconnaissance d'Israël comme un "Etat juif" - un fait tacitement admis jusqu'ici, mais dont la reconnaissance officielle souleve de nouveaux problèmes d'ordre juridique, religieux, ethnique, etc. Bref, tout se passe comme si M. Netanyahou posait à chaque étape de nouvelles conditions à la poursuite des négociations. Sans parler de la colonisation, cet autre "obstacle à la paix" dénoncé dès les années 1970 par le président Carter, mais à peine mentionnée dans les déclarations de ces derniers jours (y compris au G8 de Deauville) et qui se poursuit sur le terrain : les limites de Jérusalem ont été encore étendues le 25 mai, avec de nouvelles constructions en perspective...
Aussi bien, sans s'opposer ouvertement aux tentatives d'un président américain moins bien disposé à son égard que son prédécesseur George W. Bush, Israël prèfère s'appuyer sur ses alliés de l'Aipac (totalement pris en main par le Likoud, le parti de la droite israélienne) et leurs amis au Congrès américain. Il est significatif que son discours devant les deux chambres, le 24 mai, ait été salué par 26 "ovations debout" contre 25 pour Barack Obama devant la même enceinte en janvier...
Face à tout cela, Barack Obama n'a visiblement pas de nouveau "plan de paix" à proposer, encore moins à imposer, et ne songe pas à remplacer, en tous cas pour le moment, son envoyé spécial George Mitchell qui, après trois ans de tentatives infructueuses, a fini par jeter l'éponge le 13 mai, dès avant ces nouveaux échanges. A part le dernier accrochage sur les frontières de 1967, il soutient Israël sur tous les autres plans, refusant notamment de cautionner le rapprochement récemment survenu entre le Fatah et le Hamas, tout comme les tentatives de faire reconnaître par l'assemblée générale de l'ONU un Etat palestinien.
C'est pourtant sur ce plan que les choses pourraient changer à moyen terme. L'accord Fatah-Hamas conclu début mai ne porte que sur le principe - mais pas sur le détail - d'élections législatives et présidentielles à tenir l'an prochain sur tout le territoire palestinien, suivies par la constitution d'un gouvernement commun. Il ne parle pas de négociation avec Israël, ni de sa reconnaissance - sans non plus exclure l'une ou l'autre - mais reflète la déception du président Mahmoud Abbas, qui s'estime mal récompensé de sa longue coopération avec Israël. Surtout, il a été conclu sous l'égide de l'Egypte, dont le nouveau gouvernement a rompu avec les pratiques d'Hosni Moubarak sur un point important : alors que ce dernier voyait dans le Hamas les alliés des Frères musulmans, ses ennemis de l'intérieur, les militaires aujourd'hui au pouvoir au Caire s'appuient sur ces derniers et dénoncent à leur tour le blocus de Gaza. Depuis le 27 mai, la frontière est ouverte "en permanence" avec le territoire palestinien, après une ouverture partielle au début du mois. Certes, des restrictions demeurent : seules les femmes et les enfants peuvent circuler librement de part et d'autre de la frontière, pas les hommes en âge de combattre, ni non plus les marchandises - y compris le béton, pourtant bien nécessaire à la reconstruction après les destructions de l'opération "Plomb durci". Bref, le Caire reste prudent, et c'est pourquoi Israël, malgré ses inquiétudes sur les envois d'armes à Gaza, a évité de réagir dans l'immédiat.
Cela dit, le désaccord reste clair sur un point au moins entre Israël et la communauté internationale, Etats-Unis compris : l'urgence d'un accord. Alors que Benjamin Netanyahou et son gouvernement s'accommodent visiblement de l'impasse - un de ses membres estime que les "négociations" pourraient s'étaler sur plusieurs années, voire un siècle... - le reste du monde juge, avec Barack Obama, que le statu quo n'est pas tenable, ne serait-ce qu'en raison de l'évolution démographique et des bouleversements dans la région. La France envisage une prochaine initiative en ce sens, estimant même que l'accord Hamas-Fatah est une bonne chose. La reconnaissance d'un Etat palestinien par l'ONU ne reste encore qu'une hypothèse compte tenu d'un veto américain probable, mais il sera difficile d'éviter un important débat sur le sujet en septembre à New York.
Michel Tatu, chronique du 30 mai 2011 pour la FRS.