Italie : Après l'échec du Parti démocrate aux municipales, la politique en chantier

Que révèlent les résultats des élections municipales de juin en Italie ? Les récentes élections administratives partielles en Italie ont été marquées par un haut taux d’abstention, une progression du centre-droit, un recul du Parti démocrate et un échec du Mouvement Cinq Etoiles. Cela serait pourtant une erreur que de tirer des plans sur la comète à partir de ce scrutin qui présente nombre de particularités, à commencer par un mode de scrutin majoritaire à deux tours. Toutefois, ce scrutin confirme un certain nombre de tendances en cours de la vie politique italienne.

Parti démocrate : un leader faible mais sans rival

Le Parti démocrate (PD) est en difficulté. L’échec le 4 décembre dernier du référendum – plus de 59% de non – sur la réforme constitutionnelle qui entendait mettre fin au bicaméralisme intégral avait contraint son promoteur, Matteo Renzi, à démissionner de la présidence du Conseil. Il a été remplacé par Paolo Gentiloni, du même parti, qui, à son tour, a formé un gouvernement de coalition. Le PD est plus divisé que jamais et les adversaires de Matteo Renzi, qui avaient mené campagne pour le non au référendum, ont continué à l’accuser de tous les maux. Une partie d’entre eux, emmenée par des anciens dirigeants du Parti communiste, à l’instar de Massimo D’Alema et de Pierluigi Bersani, a décidé de quitter le PD et de fonder un nouveau mouvement qui se situe sur la gauche de celui-ci. L’impact de la scission dans les rangs du PD s’avère limité, les intentions de vote pour cette nouvelle formation sont faibles mais l’effet politique auprès des électeurs est assez lourd de conséquences. Matteo Renzi a facilement gagné les primaires du 30 avril (avec plus de 69% des voix) convoquées pour désigner le nouveau secrétaire. Si celles-ci ont moins mobilisé qu’auparavant, plus d’1,8 millions se sont toutefois rendus aux urnes.

Par ailleurs, sa victoire l’a certes relégitimé mais sans mettre fin aux divergences internes qui portent sur la politique à mener (à propos de l’Union européenne et des mesures à prendre pour relancer la croissance, continuer de diminuer le chômage et de réduire les inégalités), la stratégie du PD (doit-il agir seul ou rechercher des alliés et lesquels ?) et sur sa personne comme sur sa façon de faire de la politique. Les critiques ont redoublé après l’échec aux municipales dont Matteo Renzi est rendu responsable par ses rivaux. Par ailleurs, sa popularité auprès des Italiens est en baisse. Parce que son bilan comme président du Conseil (2014-2016) reste controversé, avec ses réformes du marché du travail, de l’école et des institutions. Et parce que son style très personnel s’avère fort clivant. Cependant, ce florentin dispose d’un atout : pour l’instant, malgré ses déboires, il n’a pas de vrai rival ni dans son parti ni chez ses opposants de tous bords. Quoi qu’il en soit, le PD doit vite clarifier sa stratégie, reformuler un programme, redéfinir son identité, réformer son organisation en déliquescence dans toute une partie du pays.

Une nouvelle gauche naissante mais divisée

Sur sa gauche, une galaxie de mouvements dénonçant ce qu’ils appellent le passage à droite du PD de Matteo Renzi s’efforce de s’organiser, de créer un espace politique et de se mettre d’accord en vue des prochaines échéances électorales. Mais les désaccords politiques, idéologiques et stratégiques – faut-il ou pas s’allier au PD et si oui à quelles conditions ou bien envisager un accord avec le Mouvement Cinq étoiles ? – et les querelles de personnes constituent autant d’obstacles infranchissables, du moins pour l’instant. Le M5S accuse le coup après ses revers aux dernières municipales. Il montre ses limites au niveau local dues à l’absence d’enracinement territorial, à son incapacité à avancer des programmes précis et à son déficit de candidats aptes à diriger des administrations. Au niveau national néanmoins, il bénéficie toujours de fortes intentions de vote. Toutefois, le M5S est confronté à de sérieux dilemmes : doit-il rester dans un splendide isolement ou envisager des alliances, sachant qu’une partie de ses électeurs a voté pour les candidats de centre-droit aux dernières municipales ? Doit-il rester dans la pure logique de la protestation et de l’antisystème ou faut-il qu’il s’institutionnalise davantage en formant des cadres compétents ?

Un centre-droit de retour sans leader ni ligne

Le centre-droit – Forza Italia de Silvio Berlusconi, la Ligue du Nord et Fratelli d’Italia, un parti d’extrême droite – uni réalise de bons scores, ainsi que cela a été prouvé lors des municipales de ce mois de juin. Il bénéficie de l’érosion de la popularité de Matteo Renzi et du PD et d’un désir d’alternance des électeurs de droite après quatre années de gouvernement dirigé par des responsables du PD. Mais cette dynamique favorable est entravée par au moins deux problèmes. D’abord, celui du leadership : Silvio Berlusconi, à bientôt 81 ans, aspire à revenir au premier plan, ce qui ne fait pas consensus. Ensuite, celui de la ligne politique, car les divergences sont considérables en particulier sur l’Europe et plus généralement entre les partisans d’une politique modérée et ceux qui se situent dans une perspective d’une droite dure. L’incertitude est donc totale.

Des alliances incertaines

Si aucun accord n’est trouvé sur une modification du mode de scrutin, les Italiens voteront en 2018 avec une loi électorale proportionnelle mais différente pour la Chambre des députés et le Sénat. Vraisemblablement, aucun parti ne pourra disposer d’une majorité absolue. Toutes les combinaisons possibles sont de ce fait envisageables. Celle liant le PD à Forza Italia suscite déjà des controverses. D’autres possibilités (Mouvement Cinq Etoiles et Ligue du Nord, ou gauche de la gauche et M5S) ne sont pas à exclure totalement même si elles semblent improbables pour l’instant. En tout état de cause, le futur gouvernement risque d’être faible, peu apte à engager les réformes qui s’imposent. Et ce, alors que le malaise politique est intense, la situation économique et financière peu avantageuse (notamment avec un système bancaire fragile) et la détresse sociale réelle. L’avenir de l’Italie s’avère peu lisible actuellement, ce qui est préoccupant pour ce pays et pour l’ensemble de l’Europe.

Marc Lazar est directeur du Centre d’Histoire de Sciences-Po, président de la School of government de la Luiss (Rome) et expert associé à la Fondation Jean-Jaurès.

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