La Biélorussie, centre faible et indéterminé de l’Europe de l’Est

La Biélorussie est l’un des six pays de la partie européenne de l’Union soviétique qui ont gagné leur indépendance suite à la chute de l’URSS en 1991. Ces six pays ont choisi différentes voies de développement. Les trois pays baltes ont, dès le début, aspiré à intégrer l’Europe ; la Moldavie avait les relations spécifiques avec la Bulgarie, quant à la Biélorussie et l’Ukraine, ils n’avaient pas de stratégie de développement et balançaient entre l’Europe et la Russie.

Les trois pays baltes sont devenus membres de l’Union européenne (UE) en 2004, la Moldavie a, elle, été divisée et sa partie orientale est devenue un Etat fantoche contrôlé par les forces armées russes. L’arsenal nucléaire soviétique resté sur place constituait l’un des problèmes de la Biélorussie et l’Ukraine, vu la fragilité et l’incertitude de leurs gouvernements.

Un coup d’Etat avec le soutien de Moscou

Certains considéraient l’arme atomique comme garantie de leur sécurité et de leur protection contre d’éventuelles prétentions russes, en dépit du fait que ces trois nations (Biélorussie, Ukraine et Russie) avaient signé le traité de Minsk [le 8 décembre 1991] mettant fin au pouvoir du président Gorbatchev [Mikhaïl Gorbatchev, qui a quitté la direction du PC le 14 août 1991, annonce sa démission du poste de président de l’URSS le 25 décembre 1991] et annonçant la fin du parti communiste [un décret suspend son activité fin août 1991]. Les soupçons réciproques perduraient.

En 1994, le mémorandum de Budapest, basé sur le traité de non-prolifération des armes nucléaires, a été signé. La Biélorussie et l’Ukraine [qui cède à la Russie ses armes nucléaires héritées de l’armée soviétique] ont refusé l’arme nucléaire. Et certaines puissances nucléaires (les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Russie) leur ont garanti sécurité, indépendance et intégrité territoriale. La France et la Chine n’ont, elles, pas signé le mémorandum mais ont adhéré aux garanties prévues.

Le mémorandum de Budapest n’a été ratifié par aucune des parties, mais les deux pays ont été dénucléarisés en 1996. C’est aussi en 1996 que le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, élu deux ans plus tôt, a réalisé un coup d’Etat avec le soutien de Moscou et a dissous le parlement et la Cour constitutionnelle. La dictature autoritaire avec le soutien des services secrets russes s’est ancrée dans le pays.

L’objectif du nouveau régime était d’abolir les réformes initiées et de reconstituer l’URSS. Six mois après le coup d’Etat, la Biélorussie et la Russie ont signé le traité instaurant l’Etat de l’Union [en mai 1997], considéré comme le premier pas vers la reconstitution de l’URSS et la réalisation des décisions de la Douma de la Fédération de Russie sur la dénonciation du traité de Minsk. Mais dans les années 1990, la Russie n’était pas encore prête à la revanche. Elle avait besoin de la Biélorussie comme banc d’essais pour ses expérimentations dans les sphères économique et militaire.

Aucun intérêt pour la Biélorussie

Les trois pays qui ne se sont pas rapprochés de l’Europe subissent la pression de la Russie : une partie du territoire de la Moldavie est contrôlée par l’armée russe, l’Ukraine est en guerre, la Crimée est occupée. Des bases militaires russes sont installées en Biélorussie et, tous les deux ans, des grandes manœuvres militaires s’y déroulent au cours desquelles l’OTAN est considérée comme une ennemie potentielle.

La Russie intervient aussi dans le processus électoral de chacun des trois pays et y exerce des pressions économiques. Et pourtant la situation économique, politique et militaire est différente dans chacune des trois nations. Cela est largement imposé par la politique européenne. Bien avant que l’UE ait commencé à avoir une politique extérieure concertée, les pays leaders européens ont laissé ces trois pays dans la sphère d’influence de la Russie sauf là où ils y avaient des intérêts spécifiques.

Après sa dénucléarisation, la Biélorussie n’était plus d’actualité pour l’Europe et les Etats-Unis. La France et le Royaume Uni n’ayant aucun intérêt pour la Biélorussie, la position de l’Allemagne est donc devenue cruciale. Elle considérait la Biélorussie comme zone de transit, les réformes et la démocratisation étant à la charge de la Russie. Pendant longtemps, cette position aura paru juste puisque les tendances démocratiques du pouvoir d’Eltsine en Russie paraissaient irréversibles.

La situation dans la région a dramatiquement changé fin de 2013, quand la politique russe de Vladimir Poutine dans la région est devenue évidente. L’opposition biélorusse a toujours eu une orientation européenne. Dans les premières années de l’indépendance, elle a réussi à mettre en œuvre le processus des réformes qui a été interrompu suite au coup d’Etat de 1996.

Consolidation de la position de Poutine

Les événements de Maïdan [la place de l’Indépendance, investie pendant des mois par les manifestants] de 2013, à Kiev, pouvaient se dérouler à Minsk en 1996 quand le parlement a initié l’« impeachement » du président. Mais l’opposition a échoué sans avoir reçu le soutien de l’Ouest, alors que le régime de Loukachenko était, lui, soutenu par la Russie.

Depuis, l’opposition biélorusse a tenté d’expliquer aux politiques européens l’état réel du pays, mais la stratégie allemande est restée la même. Un certain progrès s’est toutefois produit dans la politique de l’UE avec le lancement du Partenariat oriental pour les trois pays en question (Moldavie, Ukraine, Biélorussie) avec trois pays du Caucase du Sud (Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan).

Le régime autoritaire de Loukachenko ne repose que sur le soutien de la Russie. Depuis deux ou trois ans, la coopération de l’Union européenne avec le régime de Loukachenko s’intensifie et le soutien à l’opposition et à la société civile baisse.

Cette politique mène à la consolidation de la position de Poutine et du Kremlin pas seulement en Biélorussie mais dans toute l’Europe de l’Est. Une région dont la Biélorussie est le centre, faible et indéterminé. En ce moment, dans ce centre, près des frontières de la Pologne, de la Lituanie, de l’Ukraine, de grandes manœuvres ont lieu contre l’OTAN. Est-ce cela que veut l’Europe ?

Par Uladzimir Matskevich, philosophe biélorusse.

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