La Biélorussie, une menace démocratique et sanitaire pour l’Europe

Il reste une bombe à retardement au sein de l’Europe en pleine pandémie de coronavirus. Pas de fermeture des écoles, restaurants, bars, boîtes de nuit, centres commerciaux, stades de foot malgré les graffitis qui s’étalent sur les murs du pays et réclament un même mot : «confinement». La récente mission de l’OMS n'a laissé dupe aucun expert. Les scientifiques ont en effet visité un «village Potemkine», un hôpital bien équipé de la capitale. Le président Alexandre Loukachenko n’a pas changé sa ligne de déni, lui qui déclarait en direct à la télévision, dans une tenue de hockeyeur, qu’il s’agit d’une «épidémie saisonnière» et qu’il «vaut mieux mourir debout que de vivre à genoux». La force de ce dirigeant, au pouvoir depuis vingt-six ans et candidat à une nouvelle «élection» d’ici le 30 août, est que son pays soit oublié des radars. Dernière dictature d’Europe, où on applique toujours la peine de mort. Dernier pays où agit encore le KGB. Et, donc, désormais, dernier à traiter la pandémie de coronavirus comme si de rien n'était.

Quel crédit accorder au chiffre officiel (au 15 avril) de 3 728 personnes contaminées et 36 morts (sur une population de 9,4 millions d’habitants) dans un régime où l’information est aussi contrôlée et les lanceurs d’alerte traqués ? Le 31 mars, le rédacteur en chef du magazine Ezhednevnik, Sergeï Satsuk, a été arrêté pour un article d’investigation sur la corruption touchant le système de santé. Remis en liberté sous la pression de la société civile, il s’est engagé à ne plus jamais enquêter sur le sujet. Dans les hôpitaux, les médecins et soignants n’ont pas leur mot à dire à la télé. Ils travaillent non seulement dans un manque terrifiant de moyens mais aussi dans la peur.

Cette double crise, démocratique et sanitaire, ne concerne pas seulement les Biélorusses eux-mêmes. En Lituanie, pays frontalier, le Premier ministre a déclaré qu’il pourrait s’agir d’un «foyer incontrôlé» de la maladie. Et ce foyer menace le reste de l’Europe, puisque la Biélorussie est le pays numéro 1 des visas Schengen : ses ressortissants circulent constamment d’un bout à l’autre de cet espace, y compris entre Minsk et Paris, sur un vol de deux heures trente qui n’a pas été suspendu pendant la crise. Ce potentiel foyer n’est pas près de s’éteindre. Dans ses rares concessions au peuple, le régime a interdit l’accès des musées, bibliothèques et maisons de retraite. Mais il maintient le défilé militaire du «jour de la victoire», le 9 mai, un caprice du dictateur qui coûte chaque année plus de 2 millions d’euros.

Au temps du VIH, les toxicomanes en prison

A vrai dire, cette tragédie n’est pas nouvelle et la situation n’en est que plus révoltante. Avant le Covid-19, il y a eu le VIH. C’était il y a trente ans. Svetlogorsk, une ville de province, était même devenue l’épicentre européen de l’épidémie en 1996. Officiellement, 1 500 habitants en sont morts, soit 2% de la population. Selon les ONG, la proportion de malades est aujourd’hui de 10%. Sans traitement adapté, des maladies comme l’hépatite C ont coûté la vie à ceux qui ont été oubliés. Comment le régime de Loukachenko (déjà lui) avait-il réagi face au sida ? En mettant les toxicomanes en prison, pour la plupart séropositifs, au lieu de les soigner. En cas de décès du VIH, les médecins étaient forcés de cacher la véritable cause.

A cette époque, le sida et les séropositifs n’existaient pas pour les autorités biélorusses. L’argent qui aurait permis de guérir a servi à alimenter la machine du régime. L’histoire se répète trente ans plus tard. Cette fois, les conséquences s’annoncent plus graves, compte tenu du système de santé défaillant, d’un refus de confinement, d’une information biaisée. La Biélorussie laisse mourir ses habitants. Et l’Europe se fait berner.

Par Andreï Vaitovich, journaliste et réalisateur, originaire de Svetlogorsk.

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