La blockchain comme contrat social de la 4e révolution industrielle

La confiance engendrée par de nouvelles technologies telles que la blockchain – jugée encore imparfaite – offre pour la toute première fois depuis des millénaires l’opportunité d’avoir un «système de confiance» décentralisé, sans intermédiaire aucun. © Nick Soland/Keystone
La confiance engendrée par de nouvelles technologies telles que la blockchain – jugée encore imparfaite – offre pour la toute première fois depuis des millénaires l’opportunité d’avoir un «système de confiance» décentralisé, sans intermédiaire aucun. © Nick Soland/Keystone

Intelligence artificielle, robotique, Big Data, nouveaux modèles économiques et sociaux restant à définir: la quatrième révolution industrielle est perçue comme source d’insécurité. Cependant, de nouvelles technologies inventées pour favoriser la confiance comme la blockchain nous facilitent l’accès à des formes de réciprocités plus anciennes, nous offrant ainsi l’opportunité d’allouer nos ressources d’une manière plus efficace ou juste, au sens économique du terme, mais également social.

Depuis des millénaires, nos civilisations et bien avant elles de simples individus ont dû trouver des mécanismes pour répondre à leurs besoins fondamentaux: protection physique, nourriture ou simplement un toit pour se protéger d’un climat rude furent une question de survie.

Rapidement, ces personnes réalisèrent qu’elles ne pouvaient trouver, contrôler ou posséder ces ingrédients matériels à la vie en restant isolées, mais devaient collaborer activement entre elles, par le biais de communautés, familles, ou relations bilatérales. Ces relations furent formalisées alors au travers d’un échange direct de compétences appelé le troc, ou par le biais d’un échange offert à la communauté, sans compensation immédiate, mais enregistré dans une mémoire collective: nous parlons ici de l’économie du cadeau.

Invention de la monnaie

Des processus d’allocation de ressources rudimentaires, basés sur le concept de réciprocité, venaient de naître. Même basiques, ces systèmes d’échange permirent ainsi d’initier des relations sociales et des transactions économiques au sein de communautés géographiquement proches. Celles-ci furent néanmoins sujettes à de fortes frictions; aussi, pour qu’un échange économique se réalise, tout individu devait trouver une contrepartie de confiance se trouvant au même endroit, au même moment, avec un besoin correspondant au sien. L’émergence géniale de la monnaie permit de répondre efficacement à ces trois dimensions transactionnelles majeures que sont la confiance, la proximité géographique et la temporalité.

Nos sociétés digitalisées répondent aujourd’hui à deux de ces dimensions évoquées précédemment, d’une manière évidente. Premièrement, par la proximité géographique: Internet et nos smartphones permettent maintenant de nous retrouver autour d’une table ou d’un marché virtuel grâce à nos écrans. Deuxièmement, par la confiance engendrée par de nouvelles technologies telles que la blockchain – jugée encore imparfaite – offrant pour la toute première fois depuis des millénaires l’opportunité d’avoir un «système de confiance» décentralisé, sans intermédiaire aucun. Cela pourrait conduire à de nouvelles formes de réciprocité économiques et sociales contribuant à la stabilisation de notre système monétaire, voire à la stabilisation de notre contrat social moderne.

Monnaie digitale «sociale»

Un exemple novateur de réciprocité monétaire serait la création d’une monnaie digitale «sociale». Les monnaies numériques déjà existantes telles que le bitcoin ne sont pas nécessairement plus inclusives, sauf si elles fédèrent une communauté avec des valeurs communes. L’idée ici serait que toute communauté ayant des besoins de base (santé, éducation, protection contre des dangers externes, sécurité environnementale, etc.), qualifiés de «contrat social», puisse y répondre aisément, sans dépendre de revenus fiscaux liés aux activités d’une monnaie fiduciaire d’Etat et de son système financier, ni de donations philanthropiques/sociales venant de la communauté.

Cette nouvelle voie complémentaire proposerait dès lors que tout citoyen puisse contribuer directement au contrat social, au travers de ses activités et compétences, pour ainsi gagner des crédits – unités de temps ou unités arbitraires – à utiliser pour ses propres besoins de base courants ou futurs (contrat social), et non pour ses besoins de consumériste. Des heures passées à faire du soutien scolaire, à aider des retraités, ou même le choix de panneaux solaires sur le toit de sa maison par exemple, pourraient entre autres générer des crédits à dépenser pour ses propres besoins de santé ou d’éducation.

De telles monnaies aideraient à responsabiliser le citoyen, l’incitant à des comportements plus collaboratifs. Celles-ci permettraient ainsi de solidifier le lien social sur la durée, mais également de réduire les budgets étatiques, pour financer les besoins de base de l’habitant. Certaines entrées fiscales de l’Etat pourraient ainsi être redirigées vers la réduction de la dette, ou vers les infrastructures et services précis requis pour soutenir le citoyen et notre société, à l’aube de la quatrième révolution industrielle.

Derek Queisser de Stockalper, conseiller en investissement. Auteur du livre «Reciprocity in the Third Millennium: Money or the structure of socio-economic evolution» édité aux Editions Slatkine.

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