La Catalogne et l’Espagne méritent de rester dans un Etat de droit

Pour des raisons personnelles ou professionnelles, l’Espagne est un pays qui nous est proche. Nous y avons vécu ou nous lui avons consacré de longues années d’étude et nous l’aimons. Nous l’aimons dans ce qu’elle signifie pour la culture universelle, nous l’aimons dans sa diversité et surtout nous aimons cette Espagne démocratique qui a su, par-delà des fractures historiques douloureuses, construire un cadre politique stable, prospère et pacifique.

Quarante ans d’élections libres attestent la solidité d’une culture démocratique qui a pu durablement s’épanouir grâce à la contribution généreuse et intelligente des forces politiques, syndicales, culturelles et sociales. Quarante ans de cadre démocratique ont permis à une société plurielle, traversée de sensibilités différentes et opposées, de cohabiter harmonieusement, malgré les tensions inhérentes à toute vie collective.

Nous connaissons bien l’Espagne et nous savons que la liberté d’expression y est respectée, que l’Etat de droit est une réalité d’autant plus forte que la démocratie s’est construite avec la volonté de tourner la page de l’arbitraire franquiste et de récupérer le meilleur des traditions démocratiques et libérales que la culture politique espagnole a développées.

Dans le conflit qui secoue aujourd’hui l’Espagne, ce qui est en jeu n’est pas le sort de la Catalogne qui jouit d’une autonomie considérable et qui a participé de la construction de l’Espagne moderne. Ce qui est en jeu c’est tout simplement la possibilité d’un cadre commun appelé la Constitution et l’Etat de droit.

Des fins strictement partisanes

Les autorités indépendantistes de Catalogne ont violé la Constitution et le statut d’autonomie qui sont le fondement de leur légitimité institutionnelle et démocratique. Tout à leur programme indépendantiste, elles ont instrumentalisé leur pouvoir à des fins strictement partisanes.

La Catalogne et l’Espagne méritent de rester dans un Etat de droit. Il appartient aux citoyens espagnols de dire les formes de cet Etat et ils disposent des moyens d’ouvrir le débat et d’engager, si besoin est, une réforme constitutionnelle.

Nous ne pouvons que souhaiter que, dans ce cadre, ils parviennent au règlement politique des différends qui opposent des intérêts entre eux. Nous souhaitons que cette discussion laisse de côté toute instrumentalisation de l’histoire dont le seul résultat est l’excitation de passions irrationnelles.

À tous ceux qui s’inquiètent légitimement de la dégradation du climat politique en Espagne et singulièrement en Catalogne, nous tenons à redire notre soutien aux institutions espagnoles et au modèle démocratique et à mettre en garde contre toutes les tentations identitaires qui reposent sur l’exclusion d’une partie des citoyens.

Les signataires : John Elliott (Université d’Oxford, Prix Prince des Asturies de Sciences Sociales 1996) ; Joseph Pérez (Université de Bordeaux, Prix Prince des Asturies de sciences sociales 2015) ; Jean Canavaggio (Professeur émérite à l’université de Paris-Ouest, ancien directeur de la Casa de Velázquez) ; Georges-Henri Soutou (Professeur émérite à Paris IV - Sorbonne, membre de l’Académie des Sciences morales et politiques) ; Pavel Stepanek (Université de Prague) ; Benoît Pellistrandi (Professeur d’histoire, lycée Condorcet, Paris) ; Mercedes Blanco (Professeur à Paris-Sorbonne) ; Marc Vitse (Professeur émérite à l’université de Toulouse-Jean-Jaurès) ; Odette Gorse (Maître de conférences honoraire à l’université de Toulouse-Jean-Jaurès) ; Pierre Civil (Professeur de civilisation et littérature de l’Espagne à la Sorbonne-Nouvelle) ; François Géal (Professeur de littérature comparée, université de Lyon-2) ; Jean-Pierre Étienvre (Professeur émérite à l’université de Paris-Sorbonne, ancien directeur de la Casa de Velázquez) ; Emmanuel Bertrand (Professeur d’espagnol, lycée Condorcet, Paris) ; Michèle Basterra (Professeur d’espagnol) ; Pierre Basterra (Docteur en histoire) ; Matthieu Trouvé (Université de Bordeaux, maître de conférences en histoire) ; Estrella Ruiz Galvez (Professeur émérite de l’université de Caen) ; Virginie Dumanoir (Maître de conférences, université de Rennes-2) ; Béatrice Fonck (Professeur des universités) ; Didier Corderot (Maître de conférences, université de Clermont) ; Jean-Paul Van Der Haegen (Université de Sorbonne-Nouvelle) ; Marie-Claude Dana (Agrégée d’espagnol) ; Dr. Thomas Martin (Chirurgien des Hôpitaux de Paris, fils du Dr. Tomàs Martin Ballano, Capitan Médico del cuerpo de Carabineros, réfugié républicain Espagnol entré en France en 1939) ; Annie Martin (née Clergeau, professeur titulaire de l’éducation nationale) ; Geneviève Jourdan ; Jacqueline Seror (Professeur d’espagnol, lycée Chaptal, Paris) ; Marianne Basterra (Université de Paris-Descartes) ; Odile Delenda.

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