La climatologie a fait son travail, aux politiques d’agir

Les conclusions sont limpides: «Le réchauffement du système climatique est sans équivoque, et les activités humaines en sont la cause.» Le rapport du GIEC qui vient d’être publié, comme les précédents, rassemble, transcrit et synthétise les derniers résultats de la science du climat. Et la précision de ces résultats ne cesse de s’améliorer.

Ces dernières années, c’est par exemple la compréhension et l’évaluation du rôle des aérosols (les poussières de toutes sortes) qui ont beaucoup progressé. On sait maintenant qu’ils refroidissent moins l’atmosphère que ce que l’on évaluait précédemment. Et on comprend beaucoup mieux le rôle des nuages et les interactions entre les aérosols et les ­nuages.

On a aussi pu quantifier plus précisément l’énergie capturée par les océans: ils absorbent 93% de l’énergie supplémentaire introduite dans l’atmosphère par les activités humaines. Ces océans dont on mesure aussi toujours plus précisément l’augmentation de la température.

Au final, nos connaissances du système climatique sont devenues extrêmement précises, les parts d’incertitude se sont drastiquement réduites. Il y a toujours plus de données dans tous les secteurs, et aujourd’hui on dispose en ou­tre de données satellitaires depuis assez longtemps pour en tirer des conclusions robustes.

Mais le phénomène de l’augmentation des températures en raison de l’augmentation du CO2 était déjà connu depuis longtemps: en 1896, le Suédois Svante Arrhénius avait déjà calculé qu’un doublement de la teneur en CO2 de l’atmosphère ferait augmenter la température du globe de 4°C. Il avait aussi déjà calculé que ce serait possible d’y parvenir avec les combustibles fossiles. Par rapport aux 280 ppm (parties par million) de CO2 dans l’atmosphère au XIXe siècle, nous avons atteint 400 ppm en 2013. Le doublement est maintenant l’affaire de quelques dizaines d’années. Et il faut compter en outre avec l’augmentation des autres gaz à effet de serre, comme le méthane ou les CFC, qui contribuent ensemble pour un tiers au réchauffement.

Toutes ces recherches supplémentaires n’auraient donc pas été nécessaires pour décider de réduire nos émissions. En revanche, si la science de ces dernières ­années n’a fait que préciser des processus bien connus, il est indispensable d’en connaître les détails. Et il va être de plus en plus nécessaire de savoir encore quelles seront localement les conséquences exactes du réchauffement. Quelle sera l’augmentation du niveau de la mer? A quelle vitesse les glaciers vont-ils reculer dans chaque région? A quelle altitude et quand trouvera-t-on encore de la neige?

Le processus du GIEC permet en outre de réunir tous les pays de l’ONU. Leur reconnaissance unanime des conclusions scientifiques, comme ça a été le cas fin septembre, impliquent que chacun d’eux reconnaît aussi être au courant de ces conclusions et les soutenir.

Reconnaître le réchauffement, cela signifie aussi reconnaître que des mesures doivent être prises pour en limiter les causes et les conséquences. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit de maintenir des ressources et une qualité de vie pour les prochaines générations. Avec des implications à tous les niveaux: pour la politique de l’énergie et de l’environnement, bien sûr, mais aussi pour celle des transports, de l’aménagement ou de l’agriculture.

Le temps presse: les deux tiers du budget en gaz à effet de serre ont déjà été dépensés si l’on veut encore pouvoir rester au-dessous de la limite de 2°C qui a été définie comme la frontière tolérable. Mais la sortie de la dépendance aux énergies fossiles n’est pas simple. Même si les progrès sont quotidiens et si l’évolution vers une société reposant sur des énergies renouvelables est inéluctable, cette évolution va prendre du temps, trop de temps.

Et il faut en outre compter avec le fait que, dans ce domaine, le temps perdu pour l’humanité est de l’argent gagné pour certains intérêts privés. La volonté de progresser vers une société moins basée sur l’exploitation des énergies fossiles se heurte à d’imposantes oppositions de la part de lobbys puissants et efficaces. Ils interviennent aujourd’hui encore pour semer le doute sur les résultats scientifiques, le plus souvent dans les périodes où d’importants résultats sont communiqués.

Comme climatologue, j’ai pour­tant le sentiment que nous avons la tâche la moins difficile. La tâche des politiques et de tous les citoyens, dont nous faisons aussi partie, qui devront tenir compte de nos résultats pour gérer la planète est autrement plus ardue. Surtout lorsqu’il s’agit d’intervenir sur la cause, soit l’augmentation des gaz à effet de serre. Pour ce qui est des conséquences, dans un pays développé comme le nôtre, où les compétences techniques existent, la difficulté résidera dans le financement des interventions et dans la nécessité d’agir assez tôt. Pour les pays moins riches et dont les compétences techniques sont moins développées, par contre, l’adaptation pourrait être extrêmement difficile et elle concernera indirectement aussi les pays les plus développés.

Martine Rebetez, climatologue.

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