La Concorde avant la discorde

Quoi de pire dans les prochains temps que les attentats sanglants que nous avons vécus ? Une guerre civile. Et la plus terrible qui soit : la guerre civile religieuse. Au lendemain du drame de Charlie Hebdo, le gouvernement avait tenu un discours sur la nécessaire nouvelle organisation du Conseil français du culte musulman. Des paroles convenues. Puis rien. Depuis, quelques phrases martiales pour dire que personne ne touchera à l’intouchable loi de 1905, notre Graal, qui pourtant a été modifiée plus d’une dizaine de fois depuis son adoption… Mais qui ne voit pas que les règles d’avant-avant-hier ne répondent pas aux problématiques complexes que posent les pratiques de l’islam d’aujourd’hui ? Qui ne voit pas que les montées du communautarisme s’appuient sur le flou d’une loi adoptée avant la Première Guerre mondiale ? Qui ne voit pas les provocations rigoristes, la lâcheté de certains élus, l’intransigeance violente de certains autres, le silence inquiet de la majorité des Français musulmans apeurée de la dérive sectaire des plus durs de leurs «frères» ? Qui peut croire que la religion n’a pas d’influence dans les quartiers perdus de la République, et quelle hypocrisie pousse la France à avoir un Bureau des cultes au ministère de l’Intérieur, des conventions internationales pour faire venir des imams de l’étranger, des accommodements quotidiens au sacro-saint principe de laïcité (cimetière, lieux de culte, code du travail…) tout en disant que l’Etat ne doit pas s’occuper de religion ? C’est Molière : «Cachez ce sein que je ne saurais voir.» Qui peut soutenir que nos principes d’avant-avant-guerre peuvent fonctionner avec une religion sans hiérarchie, pratiquée avec ferveur par des millions de personnes sur notre sol, une religion divisée entre sunnite et chiite, qui ne reconnaît pas clairement la distinction entre le temporel et le spirituel, et qui a besoin du soutien financier de puissances étrangères faute de soutien de l’Etat dans lequel elle est.

Désormais inquiets, une partie des Français va jusqu’à s’interroger. Les musulmans sont-ils compatibles avec la République ? Y a-t-il un moyen pour que la République vive en meilleure harmonie avec l’islam ? Comme toujours, c’est dans l’histoire de France que nous trouvons les réponses aux questions les plus difficiles. Oui, les musulmans sont des citoyens patriotes, le sang versé par le passé n’a, malheureusement, jamais manqué à notre pays : Première Guerre mondiale, Seconde, Monte Cassino, harkis : ils priaient Allah et ils furent blessés, torturés, tués en fidélité au drapeau tricolore. Français par le sang versé : n’est-ce pas plus patriote que le droit du sang lui-même ? Et oui, la France peut vivre en harmonie avec l’islam. Mais au prix d’un discours clair et ferme. Au prix aussi de moyens politiques qui doivent être au rendez-vous de l’histoire. Il faut que l’Etat impose aux musulmans ce que Napoléon a imposé aux juifs. Un islam de France centralisé, hiérarchisé, un Consistoire musulman qu’il nous faut aider à créer. Napoléon a exigé des juifs qu’ils répondent positivement à douze questions, et notamment celle-ci : «Les juifs nés en France et traités par la loi comme citoyens français regardent-ils la France comme leur patrie ? Ont-ils l’obligation de la défendre ? Sont-ils obligés d’obéir aux lois et de suivre les dispositions du code civil ?» La République avant la Torah et avant la tradition. Il a ainsi fait, certes avec une violence symbolique très forte, l’assimilation des juifs à la France et rendu égal le culte juif avec les autres. Heureux comme un juif en France.

Oui, l’Etat doit s’intéresser à l’islam. Le ministre du Culte ne peut plus être celui de la police. Il doit y avoir un ministère plein des Cultes et de la Laïcité. Un endroit de dialogue quotidien où les imams doivent être habilités. L’université doit pouvoir former tous les ministres du Culte aux valeurs de la République, et une faculté théologique musulmane doit naître en France sur le modèle des facultés protestantes et catholiques. Les présidents de mosquée doivent avoir des liens continuels de bonnes relations avec les préfets. Manquer à l’égalité homme-femme ou faire passer sa pratique religieuse avant le code du travail ou la République doit être synonyme de grave délit pénal. Les signes ostentatoires doivent être remisés au domicile privé. Il ne doit plus être permis d’éduquer son enfant seul ou dans des écoles hors contrats à la dérive quasi sectaire : la scolarisation doit être obligatoire et l’Etat doit accompagner au quotidien les établissements sous contrat sans a priori. Les financements étrangers doivent être interdits, ce qui signifie que les collectivités pourront arrêter l’hypocrisie des baux emphytéotiques. Il nous faut donc accepter de construire des lieux de culte, de donner aux musulmans de France l’argent de leur indépendance vis-à-vis de toutes les puissances étrangères. Une révolution nécessaire.

Comme l’ont fait les catholiques, les protestants, les juifs, il est temps pour les musulmans d’affirmer haut et fort que la République passe, en France, avant la religion. L’immense majorité des pratiquants n’attend que cela. Il est temps pour la République d’arrêter le comportement hypocrite qui consiste à laisser les Etats étrangers régler les questions religieuses en France. Un nouveau Concordat doit s’écrire. Cela sera long et difficile, mais évitera la guerre civile qui pointe par accumulation de lâchetés, d’idéologie et d’aveuglement.

Gérald Darmanin, député-maire (LR) de Tourcoing

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