Les élections régionales de la Catalogne, le 27 septembre, ont été décevantes pour le nouveau parti Podemos (8,94 %, soit 367 613 voix, et 11 élus régionaux). Ses résultats ont singulièrement contrasté avec ceux des élections régionales andalouses de mars 2015 (14,84 % des suffrages, soit 590 011 voix, et 15 élus régionaux), et celles des régionales de mai 2015 (13,48 % des suffrages, soit 1 796 930 voix, et 119 élus régionaux).
Afin d’affronter les législatives dans la meilleure position possible, Podemos a dû donc séduire l’électorat catalan. La thématique nationaliste catalane a en effet limité les possibilités de Podemos en Catalogne lors des régionales du 27 septembre. En juillet 2015, les intentions de vote pour les législatives dans cette région plaçaient le parti au premier rang. Pourtant, force est de constater qu’en octobre 2015, cette position s’est affaiblie.
Cependant, les sondages ont renversé la donne en novembre 2015 jusqu’à réaffirmer, avec les résultats des premières élections législatives de Podemos, la bonne stratégie de ce parti sur le territoire catalan (premier en Catalogne avec 24,74 %, soit 927 940 voix, et 9 députés), ainsi que sur le territoire national (recevant 20,66 % des suffrages, soit 5 189 333 voix, et 69 députés).
Pour mais contre
Lors de la campagne pour les élections législatives en Catalogne, Podemos a adopté une stratégie de confluence avec des groupes politiques de gauche radicale et écologistes au sein d’une coalition appelée En comú Podem. Comme Podemos au niveau national, la liste En Comú Podem proposait « un véritable processus constituant » pour changer le modèle économique et social et les relations des régions avec l’Etat. Elle s’engageait à organiser un référendum d’autodétermination tout en annonçant qu’elle y voterait alors « non » à la séparation de la Catalogne.
L’analyse géographique des résultats des législatives montre que ce sont les territoires urbains qui ont le plus voté En Comú Podem. Les « municipalités » offrant le plus grand nombre de suffrages à En Comú Podem se trouvent pour la plupart autour de Barcelone (26,9 % pour la province de Barcelone).
Pour les législatives, les électeurs indépendantistes de gauche qui ne veulent pas être gouvernés par le président sortant n’ont pas donné leur voix à la coalition séparatiste Junts pel Si qui défend Artur Mas, mais plutôt à la liste En Comú Podem très à gauche, contre Artur Mas, favorable à un référendum d’autodétermination. Les négociations pour l’investiture du président catalan ont donc fissuré le mouvement indépendantiste catalan ce qui a représenté une véritable chance pour Podemos.
A l’échelle de l’Espagne, selon les sondages du Centre d’investigations sociologiques (CIS), les intentions de vote pour Podemos avaient beaucoup chuté (de 23, 9 % des intentions de vote en octobre 2014, à 10,8 % en octobre 2015) et la géographie de ses résultats permettent de penser la question catalane est une des causes de ce recul dans les intentions de vote. C’est pourquoi, le parti avait tout intérêt à dévier la campagne catalane vers les questions sociales, sur le thème d’un « plan de sauvetage citoyen » afin de sortir du piège du débat territorial.
Remontée fulgurante
A la suite de ses mauvais résultats aux élections catalanes de cet automne, Podemos a relancé son alliance avec Ada Colau, la maire de Barcelone (Guanyem Barcelona) qui a porté aux législatives une liste appelée En Comú Podem. Celle-ci intègre donc les candidats de Podemos et Guanyem Barcelona, mais aussi d’Iniciativa per Catalunya Verds-Esquerra Unida i Alternativa (ICV-EUiA) (la marque catalane de Izquierda Unida (IU), coalition conduite par le Parti communiste, à l’opposé donc de la configuration nationale où IU s’est opposée à Podemos) et des verts de EQUO, fondé en 2011, dans l’idée de bénéficier de l’élan de mobilisation citoyenne qui a fait la victoire de Colau aux municipales avec Podemos.
La position de Podemos, seul grand parti espagnol en faveur d’un référendum d’autodétermination en Catalogne, s’est révélée déterminante. Les résultats des élections du 20 décembre sont marqués par une remontée fulgurante de Podemos au point d’arriver en première position en Catalogne en coalition (et seuls au Pays Basque). Podemos gagne aussi la deuxième position dans la région de Madrid, la Communauté Valencienne, les Canaries, les Baléares et la Galice.
Contre tout pronostic, dans les régions à plus forte personnalité (avec un bémol en Andalousie ou Podemos n’atteint pas – encore – la deuxième place), et à l’inverse de la logique apparue lors des élections régionales, Podemos se voit comme le remède pour une Espagne fracturé par les particularismes périphériques régionaux.
Albert Borras, établi à Tarrogone (Espagne), est membre de l’Institut français de géopolitique.