La double victoire des Iraniens

«Il est chétif mais il peut gagner contre six», c’est l’un des slogans scandés par les Iraniens hier soir, dans les rues de Téhéran et dans d’autres grandes villes comme Ispahan, Machhad et Chiraz pour célébrer l’accord-cadre sur le nucléaire avec le groupe 5+1 (Chine, Etats-Unis, France, Russie, Grande-Bretagne et Allemagne). En effet, le nom de famille du ministre des Affaires étrangères Javad Zarif signifie «chétif» en persan.

Comme pour les soirs de grandes victoires sportives, les Iraniens ont pris le volant de leur voiture pour klaxonner leur joie, drapeau flottant par les fenêtres, parce que non seulement ils seront à terme les grands gagnants de cette négociation de part l’ouverture du pays, mais aussi parce que cet accord est une victoire dans le jeu pour leur émancipation qu’ils mènent avec le régime.

Ce jeu passe notamment par leur participation aux élections. En 1997, la participation massive des Iraniens aux élections présidentielles a imposé les réformateurs au guide. En 2009, pour en finir avec Mahmoud Ahmadinejad, ils se sont encore mobilisés, poussant le régime à la fraude électorale et prenant la rue pour protester, ce que l’on a appelé le Mouvement vert. Enfin, en 2013, malgré la répression violente du Mouvement vert et la crainte d’une nouvelle tricherie, ils n’ont pas rechigné à retourner aux urnes pour faire élire le candidat Rohani qui promettait un règlement pacifique du contentieux nucléaire par la voie de la négociation.

La rue iranienne aussi victorieuse parce que les sanctions économiques ont un effet désastreux sur son quotidien : baisse énorme du pouvoir d’achat suite à la crise économique, pénurie de médicaments notamment pour les maladies les plus graves comme le cancer, regain de violence et de délinquance dus à la misère… Cet accord, c’est l’espoir que leurs conditions de vie en seront améliorées.

Hier, c’était le 13ème et dernier jour des vacances de «Norouz», le nouvel an iranien. Par tradition, les gens sortent pique-niquer pour notamment chasser «la malédiction du 13». Certains y verront un signe… Cette année, les Iraniens auront passé une grande partie de leurs vacances devant la télé à suivre le marathon interminable des négociations en attendant la bonne nouvelle.

Un autre slogan qu’on entendait hier soir dans les rues de Téhéran : «La négociation et le dialogue, pas de scandale ni de guerre», le cri du cœur d’un peuple qui n’a qu’une envie : s’ouvrir au monde.

Nasim Azadi, Blog Lettres de Téhéran

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