La femme est l’avenir de l’Afrique

L’Afrique est à nouveau sous les feux de l’actualité et cette fois pour une bonne raison. A l’approche de cette extraordinaire fête planétaire que sera la Coupe du monde en Afrique du Sud, les autres pays considèrent non seulement l’Afrique du Sud, mais tout notre continent comme un partenaire avec lequel on traite à égalité.

Maintenant que le monde a les yeux tournés vers l’Afrique, expliquons-lui le rôle crucial des femmes africaines dans les succès du continent et leur importance croissante.

L’élection d’Ellen Johnson-Sirleaf comme présidente du Liberia, la première femme élue à la tête d’un pays africain, est le symbole de l’avancée des femmes africaines. Nous sommes fières de ce que les femmes représentent plus de la moitié des parlementaires au Rwanda (le taux le plus élevé de la planète). L’Afrique du Sud et le Lesotho sont deux autres exemples de pays africains proches du peloton de tête en matière d’égalité entre hommes et femmes.

Ce sont aussi les femmes qui aident à apaiser les tensions et à guérir les terribles blessures dont souffre l’Afrique en raison des conflits et de la violence. Elles jouent un rôle fondamental dans la résolution des conflits, dans les processus de réconciliation et dans l’établissement d’un cadre juridique et institutionnel destiné à assurer la paix et à prévenir les atteintes aux libertés fondamentales.

Dans les médias, dans la société civile et dans les diverses communautés à travers le continent, elles prennent des responsabilités primordiales. Il reste énormément à faire, mais elles sont en train de l’emporter, de telle sorte que les priorités et les solutions qu’elles proposent ont de plus en plus d’écho.

Dans l’éducation, le fossé entre filles et garçons reste préoccupant. De l’école primaire à l’université, l’Afrique est encore à la traîne par rapport à beaucoup de régions du monde. Or l’éducation est le fondement du progrès. C’est grâce aux femmes éduquées que l’Afrique va progresser; il faut donc se pencher tout particulièrement sur les pays les plus en retard dans ce domaine. Les gouvernements doivent adopter la stratégie voulue, avoir la volonté politique et trouver les moyens pour réussir. Ainsi que le souligne le tout nouveau rapport de l’Africa Progress Panel, le fossé entre les projets et les changements sur le terrain constitue un problème crucial.

Les progrès sont également insuffisants en ce qui concerne la possibilité pour les femmes d’exploiter pleinement leur talent et de participer à l’économie formelle. Ce n’est pas uniquement en Afrique que la contribution des femmes à l’économie est sous-estimée. Où qu’elles vivent, elles sont confrontées à de bien plus grands obstacles et à davantage de frustration que les hommes. Mais c’est particulièrement vrai en Afrique – un continent où le rôle crucial des femmes ne peut échapper à l’attention de quiconque, même au visiteur de passage. Nos champs? Ce sont les femmes qui les ensemencent et font les récoltes. Nos marchés? Ce sont les femmes qui vendent et qui achètent. Ce sont elles aussi qui créent les petites entreprises créatrices d’emploi qui contribuent à la prospérité.

Le véritable moteur de l’économie africaine, ce sont elles. Pourtant, leur contribution est presque systématiquement sous-évaluée et leurs ambitions freinées. Le plus souvent elles n’ont droit à aucune formation et à aucune aide et elles font l’objet de discrimination de la part des autorités et des fournisseurs.

Elles sont victimes d’injustices volontaires ou accidentelles de la part du secteur financier. Ainsi, elles ne reçoivent que 10% des prêts accordés aux petits agriculteurs et moins de 1% de l’ensemble des prêts accordés à l’agriculture, alors qu’elles ont la responsabilité de 80% des cultures agricoles du continent. La coutume selon laquelle la terre et les biens que l’on en tire ne se transmettent que de père en fils ou d’homme à homme au sein d’une famille les place en position d’infériorité totale.

Le potentiel agricole de l’Afrique devrait lui permettre non seulement de nourrir sa propre population mais aussi d’exporter des denrées alimentaires dans le monde entier. Mais pour réaliser cette ambition il est indispensable de reconnaître le rôle central des femmes dans l’agriculture et les laisser prendre la tête d’une révolution verte à travers le continent.

Le manque d’argent et de biens matériels à leur disposition et des normes sociales archaïques constituent aussi une barrière matérielle importante qui les empêche d’accéder au capital dont elles ont besoin pour lancer ou développer une petite entreprise. Les femmes réussissent généralement mieux que les hommes dans la création d’entreprises, pourtant elles ne bénéficient que de moins de 10% du capital investi dans ce but.

Bien qu’il soit évident que les femmes investissent avec plus de succès que les hommes et qu’elles respectent davantage les échéances de remboursement, elles continuent à faire l’objet de discriminations. A conditions identiques, même les organismes spécialisés dans le microcrédit leur prêtent moins qu’aux hommes.

Ces problèmes ne se limitent pas aux petites entreprises. Le Sommet économique des femmes africaines, auquel j’ai récemment participé à Nairobi, a été véritablement électrisé par l’histoire d’une femme qui avait créé sa propre entreprise de construction au Cameroun. Elle avait besoin de centaines de milliers de dollars pour cela. Pourtant, dans ses relations avec les institutions financières, elle a rencontré les mêmes obstacles et les mêmes attitudes rétrogrades auxquelles les femmes d’affaires qui s’occupent d’entreprises plus petites ne sont que trop habituées à travers le continent.

Les institutions financières doivent supprimer ces barrières de telle sorte que les femmes bénéficient de manière équitable de leurs services. Si l’on veut que l’Afrique atteigne le taux de croissance qui lui permette d’atteindre les Objectifs du millénaire des Nations unies , les femmes doivent être bien mieux intégrées à l’économie formelle et au secteur financier.

Cela suppose d’innover en matière de services financiers et de produits à offrir à la clientèle en donnant toute leur place aux femmes qui participeront à cette démarche, tant au niveau local que régional et international. Si les gouvernements et les principaux acteurs parviennent à faire tomber les murs qui empêchent les femmes de jouer pleinement leur rôle dans les économies et les sociétés africaines, le futur sera prometteur – non seulement pour les femmes mais pour tout le continent.

Graça Machel, membre de l’Africa Progress Panel, épouse de Nelson Mandela.