La guerre ne doit plus être un horizon plausible

« Allons-nous mettre fin à la race humaine, ou l’humanité renoncera-t-elle à la guerre ? » En pleine guerre froide, le manifeste Russell-Einstein publié à Londres le 9 juillet 1955, contre l’arme atomique posait une question existentielle, dont l’urgence résonne avec plus d’intensité encore aujourd’hui. Les armes nucléaires sont des milliers de fois plus meurtrières qu’alors. Plus de 2 500 ogives sont en état d’alerte immédiate. Les dépenses militaires mondiales ont doublé depuis la fin de la guerre froide. Et l’augmentation est appelée à se poursuivre…

Dans un contexte de crise climatique, d’inégalités croissantes, d’ultranationalisme et d’érosion des valeurs éthiques, le risque d’une guerre demeure dans le domaine du possible. La guerre n’est pas une fonction innée de la nature humaine. Elle relève du choix. La coopération, bien plus que le conflit, est à la base de l’évolution. Nous devons faire en sorte que la guerre ne soit plus un horizon plausible et y renoncer graduellement. Ainsi, nous pourrons résoudre les problèmes réels, comme la pauvreté, le changement climatique et les maladies.

Pour cela, nous avons besoin d’un nouveau « contrat mondial », fondé sur une approche inédite de la sécurité internationale. Il nous faut construire un système de sécurité international inclusif, qui s’enracine en profondeur dans le principe d’Etat de droit et qui respecte les droits humains universels. Nous devons concevoir une architecture de sécurité collective et fiable, en laquelle chacun peut avoir confiance. En l’absence d’une telle alternative sécuritaire, les Etats continueront d’acheter des armes de guerre.

Le caractère invraisemblable de la guerre

Eliminer progressivement les armes de destruction massive ne mettra pas en péril la sécurité. Bien au contraire, vingt-deux pays dépourvus d’armée de métier n’ont eu à subir aucune attaque à partir du moment où ils ont renoncé à posséder une force militaire. L’expérience prouve que les systèmes de sécurité qui ne reposent pas sur des armes sont plus efficaces que ceux fondés sur l’utilisation potentielle de la force. Il nous faut revoir notre système de sécurité collectif en nous appuyant sur la preuve du succès plutôt que sur la peur de l’échec.

La paix n’est pas l’absence de guerre, mais plutôt le caractère invraisemblable de la guerre. Il nous faut transformer les Nations unies, en particulier le Conseil de sécurité, pour en faire un instrument de prévention et de résolution des conflits. Nous devons exploiter la puissance du dialogue pour prévenir l’utilisation de la force. Pour qu’une paix durable puisse prospérer, un développement durable est indispensable.

Un nouveau contrat mondial

Les objectifs de développement durable, le protocole de Kyoto, entré en vigueur en 2005, sur les gaz à effet de serre et l’accord de Paris (2015) sur le réchauffement climatique constituent quelques éléments de ce nouveau contrat mondial. Il nous faut un budget mondial pour étayer ces accords. S’inscrivant dans les valeurs fondamentales de tolérance et de coopération, notre appel défend un système de sécurité universel, inclusif, collectif, l’allocation d’un budget mondial pour le développement durable et un engagement pour la dignité humaine et les droits de l’homme pour tous.

C’est un appel à donner corps à la notion d’ubuntu, qui signifie : « Mon humanité est inextricablement liée à ce qu’est la vôtre. » Attachons-nous à concevoir et mettre en place une paix durable avant que la prochaine guerre ne soit déclenchée. Ne pas le faire reviendrait à se diriger, vers un suicide collectif. Si nous le faisons, en revanche, nous serons en mesure de mener l’humanité à son apogée.

Les signataires de cette tribune sont : Denis Mukwege (Congo), Prix Nobel de la paix 2018, Mohammed El-Baradei (Egypte), Prix Nobel de la paix 2005, Leymah Gbowee (Liberia), Prix Nobel de la paix 2011, Anthony Grayling (Royaume-Uni), philosophe, Sundeep Waslekar (Inde), président de Strategic Foresight Group, Jody Williams (Etats-Unis), Prix Nobel de la paix 1997.

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