La lutte contre la drogue, «variable d’ajustement» de la politique de répression en Iran

L'Iran utilise la lutte contrel a drogue comme un moyen d'oppression contre les minorités du pays. Ici, l'ayatollah Ali Khamenei. — © AFP/HO
L'Iran utilise la lutte contrel a drogue comme un moyen d'oppression contre les minorités du pays. Ici, l'ayatollah Ali Khamenei. — © AFP/HO

La République islamique d’Iran utilise la drogue comme véritable «variable d’ajustement» de sa politique de contrôle et de répression de ses minorités ethniques, sous couvert de lutter contre ce problème récurrent.

Chaque fois que le régime se sent menacé, à l’intérieur comme à l’extérieur, la loi sur la drogue est renforcée et on pend quelques centaines de prisonniers triés sur le volet, en priorité parmi les opposants politiques. Selon l’ONU, en 2015, chaque jour, l’Iran a exécuté 3 personnes en lien avec la drogue au mépris de tous les standards internationaux de lutte efficace et raisonnée contre ce fléau. Cela signifie que certains pays occidentaux cautionnent malgré eux ces exécutions par le biais du financement des projets de l’UNODC (agence onusienne contre la drogue en Iran), devenant des alliés objectifs de cette politique de répression ethnique déguisée.

Ce que cache la politique antidrogue du régime

Dès son arrivée au pouvoir en 1979, Khomeyni stigmatise les consommateurs de drogue en tant que menace contre la révolution islamique. Immédiatement, tous les programmes rationnels de lutte et de traitements mis en place par la monarchie du chah sont annulés et la peine de mort rétablie pour la possession de 30 grammes d’héroïne ou de 5 grammes d’opium. Depuis, ce ne sont pas moins de 14 000 prisonniers qui ont été exécutés. Entre 1979 et 2003, 911 646 consommateurs de drogue et 1 644 499 dealers ont été emprisonnés. En d’autres termes, chaque année 106 509 personnes sont arrêtées et selon Fathali Moghaddam, chef de l’agence anti-narcotique iranienne, le pays compte chaque année 130 000 nouveaux consommateurs, signe au passage de l’échec patent de cette prétendue politique antidrogue qui cache bien autre chose dans la réalité.

Trois millions de personnes dépendantes de l’héroïne

A l’époque du chah, le nombre de consommateurs de drogue variait entre 200 000 et 400 000, selon une étude nationale réalisée en 1976. Ce phénomène concernait principalement des musulmans chiites âgés de plus de 50 ans. Aujourd’hui, en revanche, le pays ne compte pas moins de 3 millions de personnes dépendantes à l’héroïne, 2 millions de consommateurs d’opium auxquels s’ajoutent 3 millions de consommateurs occasionnels de divers stupéfiants dont la majorité a moins de 30 ans.

Etrange retournement de situation: le phénomène touche désormais en priorité les minorités ethniques, telles que les Kurdes, les Baloutches et les Ahwaz-arabes. La plupart des exécutions concernent ces communautés et les réfugiés afghans, alors que 97% des exécutions sommaires et secrètes ont lieu dans les territoires ethniques concernés.

Le record mondial d’exécutions «per capita»

Rappelons en parallèle que l’Iran décroche actuellement le triste record mondial d’exécutions «per capita». En 2015, d’après l’ONU, 1054 prisonniers ont été exécutés. Plus de 75% de ces exécutions sont prétendument liées à la consommation ou au trafic de stupéfiants. Pourtant, en dépit de cette répression féroce et de l’utilisation sans discernement de la peine capitale, le nombre de consommateurs augmente inexorablement. Preuve incontestable que d’autres enjeux se cachent derrière cette répression aveugle et disproportionnée dont tous les spécialistes reconnaissent le caractère inopérant en matière de lutte contre les addictions. Mais s’agit-il encore bien de cela?

La politique du bouc émissaire

Contrairement aux déclarations des autorités iraniennes, notamment Ali Larijani, président du Haut Conseil des droits humains iraniens qui affirme avec un cynisme consommé à la tribune de l’ONU «rendre service à l’Humanité en exécutant les prisonniers en lien avec la consommation et le trafic de drogue», l’Iran utilise objectivement cette prétendue lutte et la peine de mort qui en découle comme moyen de répression face aux crises internes ou externes qu’occasionnent ses opposants et ses minorités, comme l’illustrent parfaitement le durcissement de la loi sur les stupéfiants et les exécutions de masse qui ont suivi la guerre Iran-Irak en 1988, sans parler de l’élection frauduleuse d’Ahmadinejad en 2009.

Plus récemment, en août 2016, l’exécution sommaire de 48 prisonniers kurdes à la suite de la reprise du conflit armé au Kurdistan iranien et l’élimination systématique de tous les hommes d’un village baloutche au Baloutchistan traduisent la volonté délibérée d’écraser toutes les revendications ethniques, au prétexte bien commode et internationalement «plus vendeur» de lutter contre la drogue.

Toutes les recherches sérieuses qui traitent des moyens de lutte efficace contre la drogue et se penchent sur le volet «répressif» de cette lutte reconnaissent unanimement l’inefficacité du recours à la peine de mort, qui en Iran n’est qu’un prétexte trop commode pour régler d’autres comptes.

Des pays comme le Danemark ou l’Irlande en ont tiré les conséquences et, refusant cette duperie, se sont retirés, à la demande d’ONG iraniennes, des programmes de l’UNODC à Téhéran. Combien de temps et combien d’exécutions sommaires faudra-t-il encore à leurs partenaires de l’Union européenne pour réaliser qu’à travers leur soutien financier à ces prétendus programmes de façade, c’est la répression aveugle contre des minorités oppressées notamment le peuple kurde qu’ils cautionnent et cela au mépris des droits de l’homme qu’ils prétendent promouvoir?

Taimoor Aliassi, représentant de l’Association pour les droits humains au Kurdistan d’Iran-Genève (KMMK-G) à l’ONU

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