La lutte contre l’excision doit s’intensifier en Afrique

Bien qu’elle ne fasse pas les gros titres, c’est une bonne nouvelle qui mérite d’être amplement relayée : presque partout en Afrique, les mutilations génitales féminines sont en baisse. Le déclin est particulièrement marqué en Afrique de l’Est, où le taux de mutilées de moins de 15 ans est passé de 71 % à 8 % entre 1995 et 2016, selon l’Unicef. Le recul est malheureusement bien moins visible en Afrique de l’Ouest et dans la Corne de l’Afrique, les deux régions les plus concernées par cette pratique inhumaine répandue dans toute la bande sahélienne, de la Mauritanie à la Somalie.

Pourtant, là aussi, les chiffres du bureau régional du Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap) en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale indiquent un changement drastique au fil des générations. Au Nigeria, 35,8 % des femmes de 45 à 49 ans ont été excisées, contre 15,3 % des 15-19 ans. Mais c’est au Burkina Faso que les progrès sont les plus spectaculaires, avec un taux qui a reculé de moitié, de 87,4 % des 45-49 ans à 42,4 % des 15-19 ans.

Cependant, cet effort reste insuffisant au regard de la gravité de cette pratique. Décès, hémorragies, infections, douleurs, complications plus fréquentes lors des accouchements… Les conséquences sanitaires de cette violation des droits des femmes sont aussi nombreuses qu’inacceptables. Le combat doit donc non seulement être poursuivi, mais activement accéléré, compte tenu de l’essor démographique du continent. En effet, d’ici à 2030, on estime que pas moins de 68 millions de femmes et filles à travers le monde seront exposées à cette mutilation, dont plus de 50 millions en Afrique, selon les Nations unies.

Prévention et répression

En Afrique de l’Ouest, c’est le Burkina Faso qui montre la voie à suivre, avec une politique qui dose intelligemment prévention et répression. En effet, des patrouilles « communautaires » de gendarmes vont dissuader les familles dans les quartiers, en leur énonçant leurs droits et les risques encourus. La loi prévoit entre six mois et trois ans de prison ferme et/ou des amendes allant jusqu’à plus de 1 000 dollars (plus de 890 euros) pour les exciseurs et leurs complices. Une ligne téléphonique, SOS Excision, permet d’alerter les autorités de manière anonyme. Environ 70 % des affaires portées en justice commencent par un signalement par ce biais. Selon le ministère burkinabé de la justice, 384 personnes, dont 31 exciseuses, ont été condamnées entre 2009 et 2015.

Au niveau continental, des outils existent grâce aux engagements de l’Union africaine (UA). Un engagement de l’Agenda 2063 mentionne expressément l’éradication des mutilations génitales féminines, de même qu’un des Objectifs de développement durable (ODD), dans le droit fil de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et de la Convention internationale des droits de l’enfant. Malgré tous ces serments et un recul statistique indéniable, le phénomène est malheureusement loin d’avoir disparu.

Certes, des lois interdisent cette mutilation presque partout en Afrique, à l’exception du Mali et de la Sierra Leone. En Guinée, ce texte date même de 1965, bien avant la prise de conscience générale des années 1990. Mais l’application des textes se heurte encore à la réticence des familles et aux pressions sociales. Comment lutter efficacement contre les violences faites aux femmes lorsque des petites filles sont l’objet une violence organisée, institutionnalisée et admise par la société ? Comment les aider à devenir des citoyennes autonomes alors qu’elles subissent des mutilations lors de rituels qui leur nient tout pouvoir sur leur propre corps ?

Une meilleure sensibilisation

En réalité, pour réellement s’ancrer, comme en Afrique de l’Est, le changement doit maintenant venir de la société civile, seule à même de faire bouger les lignes de façon significative en exerçant une pression toujours plus intense sur les décideurs politiques et traditionnels.

Ainsi, la vidéo, devenue virale sur les réseaux sociaux, de la militante guinéenne Hadja Idrissa Bah, 19 ans, a permis de déclencher un véritable mouvement de fond dans le pays. Cette dernière s’érige contre les mariages précoces et les mutilations génitales féminines, tout en plaidant pour la scolarisation des filles. Elle poursuit le combat porté par des égéries telles que la chanteuse malienne Inna Modja et feue Katoucha Niane, mannequin d’origine guinéenne. Elles ont inspiré nombre de citoyens africains, femmes et hommes qui se battent contre l’excision dans le cadre d’ONG locales.

L’éradication de cette pratique exige non seulement l’adoption des lois et l’intégration des normes internationales en matière de droits humains dans les législations nationales, mais elle implique également une meilleure sensibilisation dans les pays concernés. Sur ce sujet particulièrement difficile, il est temps que la voix de tous porte, celle des hommes comme celle des femmes.

Fati N’Zi Hassane est directrice du programme Compétences et Emploi pour les jeunes de l’Agence de développement de l’Union africaine (AUDA-Nepad).

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