La pénalisation des certificats de virginité ne sert pas la cause des femmes

Le 7 septembre, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a indiqué au Parisien vouloir «interdire formellement» les certificats de virginité, notamment en «proposant une pénalisation» contre les praticiens qui les réalisent. Cette proposition s’appuie sur un avis du Conseil national de l’ordre des médecins de 2003. Nous sommes résolument opposés aux tests de virginité. C’est une pratique barbare, rétrograde et totalement sexiste. Mais les médecins dans leur cabinet ne règlent pas la question de la laïcité, du séparatisme ou d’autres grandes questions de société. Ils traitent la souffrance physique ou psychologique de l’être humain singulier qui les sollicite. Tel est leur devoir moral concret et quotidien, et les en empêcher serait tout simplement desservir la cause de leurs patients. Le certificat de virginité dont il est question ici est un document attestant de la virginité d’une femme, état indispensable à prouver avant le mariage dans certaines familles traditionnelles des différentes religions monothéistes. Cette pratique est heureusement extrêmement rare et concerne un nombre infime de patientes. Dans un monde idéal, il faudrait bien sûr refuser de délivrer de tels certificats. Refuser ces certificats, c’est défendre la liberté des femmes et leur droit fondamental à disposer de leur corps. C’est respecter leur intimité. C’est ne pas soutenir, à tout le moins accepter, des exigences infondées de domination masculine et d’emprise familiale ou sociale. Mais dans le monde réel, la pénalisation de la rédaction des certificats de virginité est un contresens. Nous sommes médecins et nous nous plaçons d’abord dans le champ de l’éthique médicale. «Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité», dit le serment d’Hippocrate.

Alors oui, on peut être amené à fournir un certificat à une jeune femme si elle a besoin d’un papier disant qu’elle est vierge pour qu’on arrête de la harceler, pour lui sauver la vie, pour la protéger car elle est affaiblie, vulnérable ou menacée dans son intégrité ou sa dignité. Le «colloque singulier» avec la patiente doit être mis à profit pour l’écouter, pour l’aider à prendre conscience et à s’affranchir de cette domination masculine ou familiale. Il nous permet aussi de comprendre ce qui l’entrave et la menace. Dès lors, délivrer ce certificat, ce n’est pas faire le jeu des intégristes qui l’exigent, bien au contraire. Ce qui devrait choquer l’opinion publique, ce n’est pas que le médecin rédige un tel certificat sans aucune valeur juridique, c’est qu’en 2020 l’exigence de virginité soit encore si répandue. Nous refusons la plupart du temps la rédaction de tels certificats, et n’y consentons que si la situation semble présenter un réel danger. Lorsque la victime est mineure, il nous arrive de saisir le procureur de la République afin qu’il la protège.

La loi permet déjà de sanctionner d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende les certificats de complaisance, et la peine peut être doublée si le médecin bénéficie d’un quelconque avantage en échange. Une nouvelle loi est donc inutile, et de surcroît, elle est inexécutable car ces certificats sont utilisés au sein de la sphère privée. Pour punir une infraction ou un délit, encore faut-il avoir la capacité à le constater. Nous pénaliser, c’est s’attaquer à la conséquence en négligeant la cause, laquelle s’enracine dans l’ignorance et la peur. Seule l’éducation permettra l’émancipation de ces jeunes femmes. Ne pas délivrer de certificat n’est pas un acte de protection de la République ou de promotion de la laïcité. Sanctionner les médecins qui accompagnent leurs patientes encore moins.

Signataires :
Professeur Marc Bardou, Vice-président du directoire du CHU de Dijon,
Professeur Philippe Descamps, Chef du service de gynécologie-obstétrique de l’hôpital de Tours,
Professeur Hervé Fernandez, Chef du service de gynécologie-obstétrique de l’hôpital Bicêtre,
Docteure Danielle Hassoun, Gynécologue à Paris,
Docteure Catherine Loustalot-Bardou, Gynécologue-obstétricienne à Dijon
Docteure Emmanuelle Piet, Présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV),
Claude Rosenthal, Président de Gynécologie sans frontières (GSF),
Docteure Brigitte Tandonnet, Association Cacis, Bordeaux,
Professeur Yves Ville, Chef du service de gynécologie-obstétrique de l’hôpital Necker.

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