La Pologne et la politique de l’impudeur

En deux ans, on nous a brouillés avec nos voisins les plus proches, la communauté des pays alliés et les partenaires stratégiques de l’Etat polonais. Chaque conflit successif est ouvert au nom d’une fictive défense de la Pologne contre une attaque imaginaire dirigée contre ses intérêts et son renom pour revenir sans cesse aux réalités de la guerre d’il y a quatre générations. Par aversion envers son propre Etat, on anéantit les acquis du dernier quart de siècle durant lequel la République ressuscitée, en participant à la création d’un système d’alliances européennes, a réalisé efficacement, en toute conséquence, sa réconciliation historique avec l’Allemagne et les peuples juif et ukrainien. Les relations amicales avec l’Ukraine indépendante se sont hissées alors à un niveau jamais connu dans l’histoire des relations bilatérales. En les détruisant aujourd’hui, on tend à balkaniser l’Europe centrale. L’image de la Pologne, hideusement irrationnelle, aggrave encore son isolement dans le monde et ne présage rien de bon.

La prétendue «politique de la honte» cède la place à une politique de l’impudeur frôlant, plus d’une fois, une provocation délibérée. La tolérance à l’égard des patriotes capuchonnés, enhardis par leur impunité, qui manifestent – toujours plus nombreux – en brandissant des slogans extrêmement racistes et des symboles néofascistes trop bien connus, revêt le caractère d’une provocation. C’est aussi une provocation lorsqu’un député au Sejm de la RP invite aux célébrations de la fête nationale polonaise un néonazi italien, partisan de Poutine, condamné dans son propre pays pour des activités terroristes. Lié, depuis des années, aux nationalistes britanniques niant la Shoah, dans son discours d’inauguration de la Marche de l’indépendance, il a appelé à «reprendre les rues».

Tapage antisémite

Le choix de la date de la Journée internationale de la mémoire des victimes de la Shoah (juste avant le 50e anniversaire de l’indigne mars 1968) comme celle du vote par le Sejm, et ensuite par le Sénat, de la version amendée de la loi sur l’Institut national de la mémoire (IPN), tout comme le tapage antisémite fomenté à cette occasion, ont aussi des allures d’une provocation. Parmi les acteurs de ce spectacle honteux s’est distingué le directeur du deuxième programme de la télévision publique qui s’est permis sur cette antenne de se moquer du génocide. De tels propos sarcastiques sur les chambres à gaz, niant la réalité de la Shoah, dont les néonazis ont la pratique, portent le nom de Holohoax.

L’amendement en question, contrairement à ce que claironne la propagande, n’a pas pour objectif de combattre le mensonge sur Auschwitz et le néofascisme. Il rejoint la fâcheuse tradition de poursuites pour crimes de lèse-majesté – le cas échéant perpétrés contre l’Etat et le peuple polonais. Priver de liberté en raison d’une falsification de l’histoire de la Pologne, décidée arbitrairement, est une idée puisée dans la législation de la Russie de Poutine. L’essence même de l’acte adopté par les deux Chambres est de mettre en place une censure subjective, et cela sous peine d’emprisonnement pour plusieurs années. Cette peine serait applicable, notamment, en cas d’attribution aux Polonais de quelconques crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité commis au cours de la guerre, voire au cours des années 1925-1950 (puisqu’un tel horizon temporel a été retenu à l’égard des Ukrainiens). Cette interdiction – censure – doit présupposer un conflit avec les peuples qui ont gardé dans leurs mémoires des exemples de tels crimes.

Cette censure – «machine de la sécurité narrative», comme l’a baptisée par avance un conseiller du président de la RP – crée une image mythologisée de la guerre, ramenée à la dimension de bataille et de martyrologie de son propre peuple. L’anti-germanisme, l’anti-ukrainisme et l’antisémitisme servent la cause de l’anti-européisme. Toute opposition est présentée par la «narration» de propagande, envenimant le conflit et suivant l’exemple de mars 1968, comme un acte de trahison. Cela donne au clivage du pays un caractère irréversible. Dans cette logique perverse, les appels à une politique commune de défense de la Pologne contre la critique extérieure ont la vocation de l’approfondir encore davantage.

Puisse la Pologne indépendante survivre à ce paroxysme suicidaire!

PEN Club Polonais

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