La Pologne toujours impactée par la guerre 1939–1945

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Pologne a subi les plus grandes pertes humaines et matérielles (par rapport au nombre d’habitants et à la valeur des biens nationaux) de tous les pays européens. Cet état des choses résultait principalement de la politique de l’occupant allemand motivée par la conviction que la population polonaise était racialement inférieure. Les Allemands ont délibérément, et de manière organisée, mené une action d’extermination de la société polonaise, tout en la surexploitant économiquement et humainement, notamment à travers le travail forcé. En spoliant les dépôts bancaires, en imposant des charges fiscales excessives et en transférant les coûts de la guerre et de l’occupation sur la société polonaise, les Allemands ont drainé le capital national accumulé au cours des siècles. Le point culminant de cette politique destructrice a été la démolition de Varsovie et de milliers d’autres villes et villages.

L’impact de la guerre — en termes de ressources démographiques, économiques, infrastructurelles, scientifiques, éducatives, culturelles — continue à être ressenti. Chaque année du conflit et de l’occupation a enfoncé toujours plus profond l’Etat polonais dans une dégradation de toutes les sphères de la vie publique, économique et sociale. Sans ce vécu douloureux, la Pologne serait aujourd’hui à un stade de développement civilisationnel complètement différent. En effet, plusieurs générations de citoyens polonais ont dû entreprendre un énorme effort de reconstruction du pays ruiné.

Jusqu’à ce jour, l’Allemagne n’a pas rendu compte des spoliations systématiques d’œuvres culturelles et d’art appartenant à l’Etat polonais et à ses citoyens. Les successeurs légaux du Troisième Reich ne se sentent aucunement obligés d’indemniser les crimes perpétrés dans les territoires polonais occupés, ils ne montrent aucune volonté ni de réparer les dégâts, ni de restituer les ressources pillées. De plus, l’Allemagne remet en question sa responsabilité politique et juridique envers la Pologne pour les conséquences de la Seconde Guerre mondiale, son action se limitant à des gestes symboliques et des déclarations sur la responsabilité morale.

Pendant ce temps, la communauté internationale a malheureusement une perception réduite — sinon, à bien des égards, erronée — de l’ampleur des dommages que la Pologne a subis à la suite de la Seconde Guerre mondiale et qui ont entraîné la réduction de son potentiel de développement. En faire un bilan réel et détaillé s’est donc imposé comme une nécessité absolue.

Il est impossible de rendre l’énormité des pertes infligées par les Allemands, car l’ampleur des malheurs, des morts et des drames personnels impactant la société polonaise de génération en génération échappe à toute tentative de calculs quantitatifs. Néanmoins, pour les générations contemporaines et futures, ainsi qu’au nom de la vérité historique, une évaluation complète et systémique des pertes subies par la République de Pologne durant la guerre est impérative. L’absence d’un tel bilan rendrait en fait également impossible l’évaluation de l’exploit que fut la reconstruction de la Pologne après la Seconde Guerre mondiale. Cependant, la question du bilan complet des pertes de la période 1939–1945 a un aspect beaucoup plus large — et certainement pas moins important — que celui de l’indemnisation en tant que telle. Décrire la dimension réelle des préjudices subis par les Polonais pendant la guerre est l’expression du respect et de l’hommage envers les victimes et leurs souffrances.

Il convient de reconnaître que la quantification précise ne sera jamais possible — l’ampleur des pertes est si grande que certaines échappent à toute méthode de recherche. Un autre obstacle est le manque de nombreuses données statistiques pour les périodes d’avant 1939 et d’après 1945, alors qu’elles permettraient de définir avec plus de précision le schéma évolutif de la situation socio-économique. En plus, un nombre important de preuves de crimes de guerre ont été systématiquement détruites et leurs traces effacées. Par ailleurs, il est impossible de quantifier et d’évaluer tant l’impact des souffrances physiques et morales des victimes — milliers d’enfants orphelins, enlevés à leurs parents, déplacés ou germanisés, prisonniers de guerre, détenus des camps de concentration, travailleurs forcés —, que les traumatismes et les blessures qu’a entraînés la perte des êtres les plus chers. Mais, sans aucun doute, tous ces facteurs ont eu une énorme influence sur l’efficience et la productivité de l’ensemble de la société polonaise, et donc sur l’ampleur des pertes subies par l’Etat polonais.

Aujourd’hui, la République de Pologne et la République fédérale d’Allemagne entretiennent de bonnes relations politiques et économiques, les deux étant membres de l’Organisation des Nations Unies, de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe, de l’Otan et d’autres organisations œuvrant pour la paix et la sécurité en Europe et dans le monde. Leurs sociétés et gouvernements tiennent à ce que ces relations positives soient approfondies. Les conséquences des actions allemandes dans les territoires polonais pendant la Seconde Guerre mondiale devraient donc être réglées par les gouvernements respectifs sous forme de contrat bilatéral.

Arkadiusz Mularczyk est secrétaire d’Etat à la politique européenne.

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