La proposition des Banquiers centraux de « supprimer les billets et les pièces n’est pas une farce »

La proposition à l’étude chez les Banquiers centraux de supprimer les billets et les pièces n’est pas une farce. Elle s’inscrit dans le débat sur la nécessité de faire baisser les taux d’intérêt à un niveau proche de zéro, voire négatif, pour inciter les entreprises à emprunter et les banques à ne pas conserver leurs avoirs sur leur compte Banque centrale.

L’application d’un taux d’intérêt négatif (-0,1 %) sur ces avoirs vient d’être décidée par la Banque du Japon, dans le sillage de la BCE, qui impose aux banques un taux négatif de -0,30 % depuis décembre 2015.

Quelle sera la prochaine étape ? Probablement dans l’esprit de certains de nos « gouvernants économiques », appliquer un taux d’intérêt négatif sur les dépôts bancaires des entreprises et des ménages, afin d’inciter ces agents à « utiliser » la monnaie disponible, plutôt que de la laisser en tant qu’encaisse « oisive ».

La question est aujourd’hui posée. Mais une telle mesure ne peut être efficace que si l’on fait simultanément disparaître les pièces et les billets, qui sont un moyen de paiement alternatif au dépôt bancaire.

Un levier étonnant de la croissance

Si les dépôts bancaires sont taxés, les agents économiques utiliseront en effet probablement en substitution les billets et les pièces, mode de paiement coûteux. D’où l’idée de supprimer simultanément le « cash » et de faire de cette mesure un levier étonnant de la croissance. Idée appuyée par certains économistes, dont le célèbre Kenneth Rogoff, professeur à Harvard et ancien chef économiste du Fonds monétaire international.

Supprimer les billets et les pièces, taxer les dépôts, voilà l’idée à la mode pour relancer la croissance réelle. Une telle proposition ignore cependant que l’une des fonctions principales de la monnaie n’est pas économique, mais sociale.

La monnaie est un bien commun partagée par une collectivité, et la faire disparaître dans son expression « manuelle » est un acte politique de désagrégation sociale. Qui oserait nier que la création de l’euro a contribué, même de manière partielle, au renforcement de la citoyenneté européenne ?

Au fond, l’idée de la suppression de la monnaie « manuelle » illustre avant tout le désarroi de nos gouvernants face à l’inefficacité des politiques monétaires « accommodantes » mises en place depuis 2008 aux Etats-Unis et 2011 en Europe. Après la suppression des billets et pièces, associée à la taxation des dépôts, pourquoi n’imagineraient-ils pas de demander le versement des salaires sous la forme de « bons de consommation », dont la date de validité serait limitée dans le temps ? Il ne s’agirait que d’une forme complémentaire de taux d’intérêt négatif…

Didier Marteau (Professeur à l’ESCP Europe)

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *