La règle d'or est une mesure anti-européenne

La règle d'or, instituée par le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), consiste à obliger tout pays de la zone euro à être à l'équilibre budgétaire – soit moins de 0,5 % de déficit structurel. En cas d'échec, une sanction s'applique automatiquement sauf si, par chance, deux tiers des pays membres expriment leur opposition. Il s'agit donc d'une règle laissant chaque Etat seul face à ses difficultés, seul face à ses responsabilités, seul pour mobiliser les moyens nécessaires à l'amélioration de la vie de ses citoyens. La conséquence logique d'une telle règle est que chaque Etat a pour objectif le seul bien de son territoire même si c'est au détriment de celui des autres membres de la zone.

Ainsi, si pour atteindre son équilibre il faut tacler son voisin, la règle d'or incite à le faire. Au football, l'arbitre sanctionne celui qui tacle. En Europe, avec la règle d'or, c'est celui qui subit la faute qui est sanctionné. Une règle d'or, en instituant des objectifs stricts pour les membres indépendamment les uns des autres, crée les conditions de la méfiance, de la concurrence et de la division. Une nouvelle fois l'Europe promeut la concurrence entre les pays au lieu de promouvoir la coordination, l'union et le rassemblement. Loin de construire un projet européen, la règle d'or est une mesure anti-européenne !

Qu'aurait été un traité responsable et pro-européen, un traité donnant des garanties solides pour les économies, pour l'euro, et unissant les peuples, appelant à la coordination et à la solidarité ? Le projet européen n'a de sens que s'il protège mieux, que s'il donne plus de libertés et de garanties qu'en restant seul. Dans ce cadre, seul un traité instituant des objectifs communs va dans le sens de la construction et sera porté par les peuples. Des objectifs communs car la construction européenne implique de réussir ensemble ou de mourir ensemble. Refuser ce principe comme le fait A. Merkel, c'est refuser l'Europe.

Avoir des objectifs communs, c'est chercher ensemble comment les atteindre. Un pays peut être déficitaire alors que la zone est excédentaire. Ainsi, la plupart des pays sont en déficit commercial mais la zone euro est actuellement à l'équilibre – avec 14,9 milliards d'excédents en juin 2012 selon Eurostat. Il n'y a donc pas de problème de compétitivité de la zone euro vis-à-vis du monde, mais de quelques Etats membres vis-à-vis d'autres Etats membres. Il s'agit donc plus d'un problème de répartition des recettes du marché commun et d'affectation des ressources.

D'ailleurs, la solidité d'une zone ne se perçoit jamais en fonction des parties mais de l'ensemble. Qu'aurait été la valeur du franc si l'on avait regardé la balance commerciale de chacune des régions française ? Une monnaie commun, un marché commun, sont regardés, sont garantis en fonction des résultats globaux ou devraient l'être. De même, la création d'une dette commune dite euro-bonds ne pourrait s'envisager que si l'Union européenne est regardée dans son ensemble et pas en fonction des résultats de chacune de ses parties. Les Etats-Unis ne pourraient emprunter si la garantie de ces emprunts était vue en fonction des différents résultats de l'Iowa, du Wyoming ou de l'Utah.

Si l'on veut instituer des sanctions, celles-ci doivent donc être communes et réparties équitablement entre les pays selon leurs richesses. C'est un principe de solidarité nécessaire pour équilibrer la zone et rendre acceptable les conditions de la création d'un marché et d'une monnaie uniques. L'idée même de sanction, telle que vu dans cette règle d'or nous parait suspicieuse puisqu'elle nie, de fait, que si certains pays s'enrichissent, c'est souvent à la place d'un autre membre. L'idée de sanction serait-elle d'arriver à une sorte d'état stationnaire européen où chaque pays ferait des échanges à somme nulle ? Au contraire, l'Europe doit tirer bénéfice de ses disparités économiques et culturelles. La convergence ne peut se faire par sanction économique mais par volonté politique.

Enfin, si l'on veut atteindre ces objectifs communs et éviter les sanctions, on met en commun des moyens, ce qui suppose d'augmenter les budgets d'intervention de l'Union européenne. Pour que ce soit le plus efficace, le mieux est soit de créer un impôt commun, comme la taxe sur les transactions financières ou un taux chapeau d'impôt sur les sociétés, soit de faire profiter l'Europe de sa position de fournisseur d'une monnaie solide au niveau mondial avec une commission sur la création monétaire revenant au budget européen et même, sous certaines conditions, un financement par création monétaire directe.

Le nouveau gouvernement français a agi contre la nocivité de ce traité à la fois en empêchant l'inscription de la règle d'or dans la Constitution et en y adjoignant un projet commun d'investissement. Mais cette règle d'or appliquée au niveau des Etats reste une épine dans le pied du projet européen. Il faudrait que le TSCG inverse cette logique afin d'instituer des objectifs communs pour que ce traité reprenne toute sa place dans un projet positif de construction européenne.

Par Thomas Petit, membre du pôle économie de EuroCité

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