La résolution de l’Unesco sur Jérusalem remet en cause un “statu quo historique”

La paix s’obtient à partir du moment où l’on prend conscience que lorsqu’il y a des récits nationaux en concurrence, il n’y a pas un qui gagne et un qui perd. La paix s’obtient lorsque les deux parties prennent la décision commune de créer un avenir meilleur pour tous. La première fois que je me suis assise à la table des négociations en qualité de négociatrice israélienne en chef aux côtés de mon homologue palestinien, nous avons chacun essayé de convaincre l’autre du bien-fondé historique de nos demandes respectives.

Après des discussions sans fin et des allers-retours entre la Bible et le présent, il est devenu clair que nous ne parviendrions pas à nous mettre d’accord pour déterminer quelle cause était la plus juste. Nous avons alors compris que nous allions devoir prendre des décisions concrètes pour l’avenir de nos peuples vivant sur cette petite bande de terre nichée entre le Jourdain et la mer Méditerranée. Pour moi, cette terre est la terre d’Israël. Pour eux, c’est la Palestine. Notre but ultime à l’époque, tout comme aujourd’hui, était de mettre fin à ce conflit national par un partage de cette terre en deux Etats pour deux peuples : l’Etat d’Israël pour répondre aux aspirations nationales du peuple juif et la Palestine pour les Palestiniens.

Cette conversation s’est rappelée à moi après l’adoption, par l’Unesco, de sa dernière résolution sur Jérusalem. Cette résolution, si elle ne le fait pas explicitement, ignore implicitement les liens historiques, religieux et nationaux qui unissent incontestablement le peuple juif à ses lieux les plus saints : le mont du Temple et le mur des Lamentations. Il est vrai que la résolution commence par affirmer l’importance de Jérusalem pour les trois religions monothéistes, mais elle désigne le lieu le plus important pour les juifs exclusivement par son appellation islamique, le rattachant ainsi solidement et uniquement au récit musulman.

Respecter les sensibilités de toutes les parties

La terminologie a son importance et n’est pas sans conséquences. Haram Al-Sharif et Al-Aqsa sont, pour moi qui suis juive, le mont du Temple, le lieu le plus sacré du judaïsme, là où se trouvait le Temple. Se référer au mur des Lamentations, le mur de soutènement du mont du Temple, en utilisant la terminologie « Al-Buraq plaza », c’est adopter le seul récit musulman et, dans le même temps, ignorer la réalité des liens historiques qui unissent le peuple juif à ces lieux saints.

La manière de se référer à la Vieille Ville de Jérusalem et à ses lieux saints peut transformer en une fraction de seconde ce conflit national en un conflit religieux sanglant, pouvant être aisément exploité par tous les islamistes radicaux de la région, au premier rang desquels l’organisation Etat islamique. Ce conflit doit être résolu en affirmant et en respectant les liens historico-religieux et les sensibilités de toutes les parties.

Pour le mouvement national palestinien, l’adoption de cette résolution par l’Unesco est au mieux une victoire à la Pyrrhus. En votant pour cette résolution ou en s’abstenant, les Etats membres ont commis une grave erreur. Alors qu’elle se donnait pour objectif de maintenir le statu quo sur le terrain (obligation qui pèse également sur Israël), cette résolution remet en réalité en cause un « statu quo historique » sur les lieux saints qui est autrement plus sensible.

L’Etat d’Israël a toujours respecté les lieux saints chrétiens et musulmans à Jérusalem. Durant la guerre des Six-Jours, un drapeau israélien a été spontanément planté sur le dôme du Rocher, situé sur le mont du Temple. Mais une heure et demie plus tard, le premier ministre israélien de l’époque, M. Levi Eshkol, a ordonné qu’il soit retiré par respect pour la mosquée et ses fidèles.

Protéger la liberté de culte

Les gouvernements successifs de la démocratie israélienne ont activement protégé la liberté de culte et sauvegardé le statu quo. Je ne demande pas au monde de fermer les yeux sur les actions et les politiques d’Israël, mais nous ne devons pas permettre l’effacement, même incidemment, du lien entre une nation et ses lieux les plus révérés. A cet égard, la communauté internationale doit faire face à ses responsabilités.

J’ai consacré toute ma carrière politique à essayer de mettre un terme au conflit et à obtenir un accord entre les Israéliens et les Palestiniens. Je ne sais pas quand un tel accord verra le jour ni quelle en sera la forme exacte. Je sais en revanche, depuis cette première réunion à Annapolis [Maryland, où s’est tenue une conférence pour la paix en 2007], que la première clause d’un tel accord devra stipuler que les parties ont décidé de faire la paix, en dépit de récits historiques dissemblables. Je sais également que la dernière clause devra préciser que l’accord met fin au conflit israélo-palestinien et à toutes les revendications qui s’y rattachent. Si nous n’arrivons pas à comprendre que nous avons besoin de la première clause, nous ne parviendrons jamais à la dernière.

Tzipi Livni, ancienne ministre israélienne des affaires étrangères, députée à la Knesset. Traduit de l’anglais par Soheil Gain et David Khalfa.

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