La révolte des nonnes du Vatican

Le pape François discute avec des nonnes au Vatican, le 20 décembre 2017. © Max Rossi / Reuters
Le pape François discute avec des nonnes au Vatican, le 20 décembre 2017. © Max Rossi / Reuters

Un vent de révolte souffle sur le Vatican. Des religieuses dénoncent leur place au sein de l’Eglise catholique, et pour cause. Elles sont bien souvent cantonnées aux tâches domestiques et placées au service des prélats. Ce fonctionnement poussiéreux, comme figé dans le temps, est décrit par le quotidien officiel du Vatican L’Osservatore romano.

«Elles se lèvent aux aurores pour préparer le petit-déjeuner et se couchent une fois que le dîner a été servi, la maison remise en ordre, le linge blanchi et repassé», peut-on lire dans cet article daté du jeudi 1er mars. La publication du reportage dans un supplément mensuel confirme la force du mouvement #MeToo. Le Saint-Siège n’est pas imperméable au mouvement de libération de la parole des femmes.

«Sentiment de rébellion»

Anonymes, les témoignages apportent un éclairage intéressant – et effarant – sur le quotidien des nonnes. Ces femmes souffrent d’un cruel manque de reconnaissance. «Je connais des religieuses qui sont docteures en théologie et qui ont été envoyées du jour au lendemain faire la cuisine ou la lessive. Derrière tout cela se cache l’idée qu’une femme vaut moins qu’un homme et, en particulier dans l’Eglise catholique, qu’un prêtre est tout et une nonne rien», confie une sœur. De quoi alimenter les frustrations et même un «sentiment de rébellion».

Dans cette enquête, une religieuse dénonce un «abus de pouvoir». Aucune n’ose mettre un terme à cette situation humiliante. Souvent venues de pays pauvres, elles se sentent redevables. Elles ont également peur de décevoir leurs familles si elles décidaient d’arrêter. «Après leur congrégation, leurs familles ne comprendraient pas. Elles diraient d’elles que ce sont des capricieuses.» Alors certaines continuent d’affirmer qu’elles sont heureuses, parfois «grâce à la prise d’anxiolytiques». Cette histoire attriste les internautes, même s’ils ne sont pas surpris. «Mon Dieu, quelle honte», ironise une utilisatrice de Twitter.

Rémunération «aléatoire ou inexistante»

Ce conservatisme est profondément ancré au sein de l’Eglise catholique. «La responsabilité n’est pas que masculine dans cette affaire. Car même si les sœurs sont brillantes, des mères supérieures s’opposent à la poursuite de leurs études au motif que les sœurs ne doivent pas devenir orgueilleuses.» Elles mettent également de côté leur fierté lorsqu’il est question de rétribution. Pour les tâches de domestique, la rémunération est «aléatoire, très modeste, ou inexistante».

Certaines osent dénoncer cette inégalité criante. «Je n’hésite plus à dire que je désire être payée. Il ne s’agit pas de viser la richesse, mais nous voulons vivre dignement et simplement. C’est aussi une question de survie pour nos communautés», indique une sœur interrogée par L’Osservatore romano. Ces divers témoignages mettent le Vatican dans l’embarras, d’autant plus qu’ils apparaissent dans un quotidien officiel. Selon Radio France internationale, l’enquête a été retirée de la page d’accueil du portail d’information du Vatican.

Hasard du calendrier, une lettre que le pape François a envoyé à une écrivaine espagnole a été publiée le lendemain. «Parfois le rôle des femmes glisse plus vers la servitude que vers le véritable service», admet le souverain pontife dans cette missive. Ce n’est pas la première fois qu’il s’exprime sur la place des femmes. En 2015, il avait appelé à «une présence féminine plus capillaire et incisive dans les communautés, afin que nous puissions voir beaucoup de femmes impliquées dans les responsabilités pastorales». Un vœu pieux, pour l’instant.

Florian Delafoi, journaliste.

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