La Russie considère l’Union européenne comme son véritable ennemi

La chute de Debaltsevo marque une nouvelle étape dans la volonté de destruction de l’Ukraine. Ce pays subit une guerre d’invasion et de déstabilisation de ses institutions orchestrée par Moscou. Car la Russie a décidé de ne pas permettre à l’Ukraine de changer de système politique.

Le radicalisme militaire de Vladimir Poutine se résume à la seule maxime « c’est eux ou nous ». La propagande diffusée dans la presse russe ressemble à celle de la pire époque du stalinisme. Etant donné l’immensité des rentes pétrolières et gazières qu’il contrôle, M. Poutine veut rester au pouvoir coûte que coûte : c’est sa seule préoccupation.

Mobilisation nationaliste

Cette guerre sert le Kremlin par une mobilisation nationaliste qui permet d’évacuer la question bien plus cruciale des nécessaires réformes des institutions russes, question qui porterait au grand jour la corruption et l’autoritarisme de Vladimir Poutine. Outre la destruction en cours de l’Ukraine, la Russie s’engage sur le chemin de la destruction de sa société et de son propre pays.

Le fait que la Russie ne veuille pas reconnaître son intervention en Ukraine est très inquiétant. Il s’agit d’un conflit ouvert, visible par tous, et la puissance militaire russe agit en faisant peu de cas de ceux qui en sont les témoins. Une telle situation n’est pas sans conséquences. Car cette guerre est, en fin de compte, une guerre contre l’Union européenne (UE). Le projet politique du Kremlin ne s’arrête pas au Donbass, il a pour objectif de mettre à mal l’idée même de la construction européenne.

Le Kremlin dispose d’alliés en Europe pour réaliser un tel projet qu’il serait dangereux de sous-estimer. Au fur et à mesure que la guerre s’intensifie en Ukraine, ces alliés sont de plus en plus structurés et décidés à en découdre.

Revanche

Les alliances scellées par le Kremlin ne sont pas idéologiques mais elles ont en commun le retour des formes les plus dures du nationalisme et les plus porteuses de destructions dans nos sociétés. Il est important de revenir sur les sources d’un tel revanchisme. La première étape vient de la fin du communisme assortie de la montée du nationalisme des années 1990.

Elle a produit les guerres dans l’ex-Yougoslavie, avec son nettoyage ethnique et le recours au génocide en Bosnie. Ces guerres, qui ont mis à genoux toute une région y compris la Serbie, dont le niveau de vie est aujourd’hui l’un des plus faibles d’Europe, servent de modèle pour le Kremlin, qui cherche à prendre sa revanche sur l’échec du régime de Milosevic. Cette guerre est aussi une revanche sur la chute du mur de Berlin.

Ils sont nombreux, y compris en France, ceux qui n’ont jamais accepté le monde tel qu’il se présente depuis cette césure de l’histoire. Ils n’ont pas voulu de l’élargissement de l’UE et voient à présent en Vladimir Poutine un allié potentiel, chantre d’un contre-modèle à un ordre mondial fantasmé.

Impuissance

Comme l’UE ne veut pas défendre l’Ukraine, la Russie va pouvoir utiliser des armes de plus en plus destructrices. Elle pense qu’elle doit faire la guerre à l’Europe pour la libérer. Mais de quoi ? De la démocratie au profit du chaos et du triomphe de l’oligarchie ? Nous n’avons pas encore réalisé en Europe que cette puissance russe nous considère comme son ennemi. L’UE est impuissante face à une telle menace. Notre naïveté et notre manque de moyens de défense sont navrants et dangereux pour nos libertés. Imposer à l’Ukraine les conditions de son démantèlement par la Russie ne sera qu’une étape.

Les accords de Minsk 2, le 12 février, ne donnent pas à l’Ukraine les garanties nécessaires pour assurer sa souveraineté et notamment le contrôle de sa frontière avec la Russie. Ils ne sont pas suffisamment contraignants pour Moscou et semblent avoir été signés juste pour contraindre l’Ukraine à céder.

Si nous ne voulons pas défendre l’UE et mais aussi nous-mêmes, laissons au moins les Ukrainiens avoir des armes pour se défendre.

Boris Najman, Maître de conférences à l’université Paris-Est Créteil.

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