La sanction contre Google crée « une nouvelle donne pour l’industrie numérique »

C’est un record. En infligeant à Google une amende de 2,4 milliards d’euros, la Commission européenne signe sa plus importante condamnation au terme d’une procédure de près de sept ans. Or le propre d’un record, outre le fait d’être un jour battu, est d’éclipser par sa puissance symbolique instantanée à la fois les efforts qui l’ont permis et ses conséquences véritables. Les deux, en l’espèce, sont immenses.

En effet, la prouesse comptable importe peu. Avec plus de 90 milliards de dollars de cash [chiffre d’affaires], Alphabet, société mère de Google, n’aura aucun mal à s’acquitter de l’amende. La portée véritable de la décision réside moins dans la sanction de Google que dans son formidable impact sur l’Internet européen.

Cette décision européenne devrait devenir historique puisqu’elle marque le début d’une nouvelle donne pour le numérique : celle d’un retour à la puissance du politique face aux GAFA [Google, Amazon, Facebook, Apple] en offrant de la stabilité et de la rationalité dans une économie de marché devenue déloyale et destructrice de valeur pour les entreprises européennes.

La Commission exige un traitement non-discriminant

Il convient ici de rappeler qu’il s’agit d’une procédure de régulation concurrentielle. Google a été condamné pour avoir abusé de sa position dominante – un quasi-monopole avec plus de 90 % de parts de marché dans la recherche générale sur Internet en Europe – en mettant en avant son guide de shopping, Google Shopping, au détriment de ses concurrents directs tels que LeGuide.com, Kelkoo ou encore Twenga. Cette décision a trois conséquences majeures.

La position dominante de Google dans la recherche est définitivement reconnue. Cela met un terme à l’habile fiction d’un marché ouvert où la concurrence ne serait qu’à « un clic ». Les barrières à l’entrée sont en réalité particulièrement élevées : avec le nombre d’utilisateurs croît la somme de données personnelles récoltées qui permet de renforcer la finesse de l’algorithme, la connaissance des utilisateurs et finalement l’attractivité pour les annonceurs. Le modèle est donc très difficilement réplicable : « winner takes all » (le gagnant rafle tout).

Ce n’est pas la position dominante en tant que telle qui est sanctionnée mais l’abus qui en est fait par Google qui l’utilise pour systématiquement privilégier ses propres produits au détriment de ceux de ses concurrents. En réponse, la Commission exige un traitement non-discriminant des différents acteurs.

Là où le commissaire Almunia avait perdu trois ans à essayer de négocier un tel dispositif, sa successeure, Margrethe Vestager, laisse intelligemment le soin à Google de proposer une solution tout en s’assurant de sa bonne coopération en prévoyant une astreinte pouvant atteindre douze millions d’euros par jour passés les 90 jours accordés pour la mise en conformité.

Une remise à plat de la concurrence

Cependant, l’essence de cette décision réside dans son caractère jurisprudentiel, confirmé en conférence de presse par la commissaire Vestager. L’analyse de la Commission peut servir de cadre d’analyse pour d’autres pratiques sur d’autres marchés similaires, donc pour l’ensemble des marchés de la recherche verticale : voyage, vols, hôtels, assurance, cartographie, vidéo, etc. Il s’agit d’une formidable remise à plat de la concurrence !

Depuis longtemps désertés par les chercheurs, les innovateurs, les créateurs, les entrepreneurs et les investisseurs - découragés par l’impossibilité de concurrencer des services systématiquement favorisés par Google -, ces secteurs vont pouvoir revenir à une compétition saine et loyale au plus grand bénéfice de l’écosystème numérique européen et de ses utilisateurs.

Le message de Margrethe Vestager est clair ; l n’est pas adressé à Google, mais à l’ensemble des Européens : « Allez-y, innovez, il vous suffit d’être les meilleurs pour prospérer ! ». Tout simplement.

Par Olivier Sichel, président de la Digital New Deal Foundation.

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