La sécurité et la liberté sont-elles incompatibles?

«Ils l’ont bien cherché» affirmaient ceux qui ne voulaient pas être «Charlie», étiquetés blasphémateurs. Que disent-ils maintenant? La musique au Bataclan était trop forte? Non, Le 13 novembre à Paris, l’objectif prioritaire des terroristes était d’assassiner indistinctement les personnes profitant de la liberté, de la culture, de notre mode de vie. Pour l’Etat Islamique, qu’ils soient Charlie, musulmans, juifs ou chrétiens, ce sont tous des citoyens français qui se vautrent dans le péché.

Par ces actes, l’Etat Islamique sème la terreur: décapitations, meurtres en direct, attentats suicides… Les actes terroristes sont une abjection et c’est dans les termes les plus vifs que nous nous devons de les condamner et les éradiquer. Les pouvoirs publics sont dans leur rôle quand ils se donnent les moyens de contrôler et de réprimer les individus dangereux pour prévenir un attentat. C’est pourquoi l’Etat d’urgence a été voté à la quasi unanimité des parlementaires saisis par l’effroi.

Ne pas confondre terrorisme et militantisme

Mais, pour les défenseurs des droits humains, le danger serait d’opposer «sécurité et liberté» alors qu’aucune cause ne justifie de violer les droits fondamentaux. La guerre contre le terrorisme ne doit pas être préjudiciable aux libertés individuelles. Déjà, l’état d’urgence, à peine décrété, de nombreux dérapages et bavures sont commis: assignations, perquisitions abusives sur des personnes qui n’ont rien à voir avec le terrorisme. Ainsi des militants écologistes et de Greenpeace sont visés, alors qu’ils s’engagent activement pour une autre urgence, le combat contre le réchauffement climatique. C’est le danger des mesures imprécises contenues dans l’état d’urgence, les autorités sont tentées de les utiliser contre des opposants gênants. La lutte contre le terrorisme devient alors un prétexte. Résultat, on met sur le même plan terroristes et militants écologistes. Un comble.

Du point de vue des droits humains, on ne peut réprimer les libertés publiques sans discernement. C’est le sens des propos de Marc Trévidic, ancien juge anti-terroriste: «Il faut que «l’état d’urgence» soit temporaire, sinon il n’a aucun sens». Et le risque c’est de voir se prolonger ces mesures d’exception au-delà de la durée légale et qu’elles deviennent permanentes au détriment des libertés civiles. Les démocrates doivent être vigilants et, cas d’abus se tourner vers la cour européenne des droits de l’homme, le CEDH.

Ne pas faire le jeu des djihadistes

Et tout le paradoxe est là: on ne peut protéger les citoyens contre ces actes barbares qu’en leur demandant de renoncer à certaines libertés, et c’est précisément ce que recherchent les djihadistes: anéantir la liberté, lorsqu’ils s’en prennent à ceux qui aiment la vie, la musique, le sport, la culture, toutes ces valeurs qui fondent notre société.

Mais il ne faut pas que les mesures répressives contenues dans la nouvelle loi votée en France prennent comme chemin le «Patriot Act» du 11 septembre 2001 aux Etats Unis, qui a eu pour principale conséquence d’édicter des mesures liberticides: la possibilité d’emprisonner des individus sans inculpation ni jugement, la détention au secret, la pratique de la torture, la mise en œuvre de mesures interdisant ou restreignant la possibilité de bénéficier de l’asile ou la facilitation généralisée des expulsions. En Europe, avec la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, on espère que ces dérives ne se produiront pas.

Terrorisme et politique sécuritaire, deux termes qui posent le débat: la fin justifie-t-elle tous les moyens? Comme l’écrivait Friedrich Nietzsche: «Quand on lutte contre les monstres, il faut prendre garde de ne pas devenir monstre soi-même.»

Léo Kaneman, président d’honneur du Festival du film sur les droits humains.

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