La solution à la crise catalane passe par le dialogue, la démocratie et l’autodétermination

La Cour suprême espagnole a finalement rendu sa décision, lundi 14 octobre. Après deux ans de détention provisoire, six anciens membres du gouvernement catalan, une ancienne présidente du Parlement catalan et deux présidents d’associations indépendantistes ont été condamnés à entre neuf et treize ans de prison.

Peu importe qu’il n’y ait pas eu de rébellion ou de « sédition », mais un référendum [pour ou contre l’indépendance de la Catalogne, convoqué par le gouvernement catalan le 1er octobre 2017]. Peu importe que les citoyens catalans n’aient infligé de violence à personne. Peu importe que le monde entier ait vu comment, lors du référendum, la police espagnole a utilisé une violence disproportionnée contre des citoyens non armés de tous âges, contre des familles entières, simplement parce qu’ils voulaient voter. Peu importe que l’organisation de référendums et la déclaration pacifique d’indépendance aient été dépénalisées en Espagne [un projet d’autonomie a été approuvé par le Parlement catalan en 2005].

La seule chose qui compte, c’est que les structures non réformées de l’Etat espagnol aient voulu punir ces femmes et ces hommes pour avoir donné aux citoyens catalans la possibilité de décider de leur propre avenir par référendum, pour avoir osé remettre en question le bien le plus sacré de tous : l’unité de l’Espagne.

Bien sûr, pour les juges espagnols, il importe peu que le tribunal du Schleswig-Holstein, en Allemagne, ait rejeté les accusations de rébellion et de sédition contre l’ancien président Carles Puigdemont [le tribunal régional supérieur du Schleswig-Holstein a autorisé, jeudi 12 juillet 2018, la remise à Madrid du chef indépendantiste catalan Carles Puigdemont]. Ils ne se souciaient pas non plus que le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire appelle à la libération immédiate de tous les prisonniers politiques en mai 2019. Ni que les ONG Organisation mondiale contre la torture et Amnesty International demandent la libération des dirigeants sociaux emprisonnés.

Coup dur pour la démocratie

Nous, qui sommes, ou avons été, présidents du gouvernement ou du Parlement catalan estimons que la décision prise lundi par le Tribunal suprême espagnol, et soutenue politiquement par le gouvernement espagnol, représente un coup dur pour la qualité démocratique de l’Espagne et une violation des engagements internationaux en matière de droits humains et civils. Ce qui est en jeu, c’est la liberté d’expression, de pensée, de réunion.

L’Union européenne (UE) a une décision à prendre dans les jours, les semaines et les mois à venir : se ranger du côté de l’Espagne et accepter que les Etats membres puissent violer les libertés fondamentales, ou défendre les principes du droit international en matière de droits civiques et de droits de l’homme, principes qui sont à la fois inscrits dans les traités de l’UE et dans la Constitution espagnole elle-même.

Un véritable dialogue doit être relancé, le cas échéant avec l’aide des pays tiers. Un dialogue sans contraintes. Les lois et les constitutions doivent être modifiées pour tenir compte des réalités politiques et démocratiques, et non pour les rendre impossibles, et c’est ce qu’il faut comprendre, à Madrid et ailleurs.

La recette du désastre

Une solution politique doit être trouvée, sur la base de la libération des prisonniers politiques, du retour des exilés et de l’autodétermination. Tout cela ne signifie pas que la Catalogne doive, quoi qu’il en soit, devenir indépendante. Cela signifie que la décision, qui concerne les citoyens catalans et leurs représentants, doit être prise par eux et non par les juges et les procureurs.

Notre avenir commun est en jeu, non seulement en tant que Catalans ou Espagnols, mais aussi en tant qu’Européens. Passer par le dialogue, la démocratie et l’autodétermination est la seule manière de trouver une solution. Ignorer la volonté du peuple catalan, emprisonner des dirigeants politiques et sociaux et recourir aux juges pour résoudre une question purement politique, comme l’a fait jusqu’à présent l’establishment espagnol, c’est tout simplement la recette du désastre que nous vivons maintenant en Catalogne.

En tant qu’actuels et anciens présidents de la Catalogne et du Parlement catalan, nous en appelons à l’intelligence politique pour résoudre cette crise. Une action rapide est plus urgente que jamais. Nos dirigeants politiques et d’associations indépendantistes ont été injustement condamnés à des peines de prison, c’est une honte et une violation des droits de l’homme. Cela ne devrait en aucun cas être autorisé, encore moins au sein de l’UE. Les libertés sont fragiles et doivent être défendues avant qu’il ne soit trop tard pour tous.

Quim Torra, président de la Generalitat (le gouvernement de la Catalogne) ; Roger Torrent, président du Parlement de Catalogne ; Ernest Benach, ancien président du Parlement de Catalogne (2003-2010), Carme Forcadell, ancienne présidente du Parlement de Catalogne (2015-2017) ; Artur Mas, ancien président de la Generalitat (2010-2016) ; Carles Puigdemont, ancien président de la Generalitat (2016-2017), et Joan Rigol, ancien président du Parlement de Catalogne (1999-2003)

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