La taxe Google, un simple effet d’annonce ?

Il ne se passe pas une semaine sans que la politique fiscale des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) soit mise en lumière. Après le chèque de 13 milliards d’euros demandé par la Commission Européenne à Apple et le redressement, certes plus modeste mais néanmoins non négligeable, d’Amazon pour un montant d’environ 400 millions d’euros annoncé dans la presse, ce sont cette fois-ci les parlementaires français qui ont décidé de s’emparer de cette question. L’Assemblée nationale a en effet décidé d’adopter jeudi 17 novembre une nouvelle disposition anti-évasion fiscale communément appelée « Taxe Google ».

L’objectif apparaît a priori légitime puisque son but affiché vise à « taxer les bénéfices que les multinationales détournent de notre pays alors qu’elles les y ont réalisés », comme l’a rappelé le député Yann Gallut. Toutefois, il en ressort un dispositif complexe dont la portée nous semble en pratique très limitée.

Cet article vise tout d’abord à créer un nouveau cas d’assujettissement à l’impôt en France. L’imposition d’une société, qu’elle soit française ou étrangère, repose sur un critère matériel à savoir l’existence d’un « établissement stable » au sein duquel l’activité est développée.

Cette notion est strictement définie et les multinationales cherchent ainsi à éviter la reconnaissance d’un tel établissement en France permettant ainsi de localiser les revenus à l’étranger. Ainsi, un simple entrepôt ou l’exploitation d’un site internet en langue française destiné à des clients français peuvent ne pas constituer un tel établissement.

Un impôt sur les bénéfices détournés

Le dispositif voté vise ainsi à imposer les bénéfices réalisés en France par ces sociétés étrangères ayant recours à de tels mécanismes. Lors des débats parlementaires, il a été justement rappelé par un certain nombre de députés que les règles fiscales françaises ne se résument pas au simple code général des impôts mais incluent également le traité de l’Union Européenne et surtout les 128 conventions fiscales signées avec nos partenaires.

Or, les conventions fiscales feraient très probablement obstacle à l’application de cet article puisqu’une société étrangère peut être imposée en France seulement si celle-ci dispose d’un établissement au sens où ce terme est actuellement entendu dans les conventions fiscales, c’est-à-dire sans l’élargissement de cette notion proposé par ce texte.

Le député à l’origine de cet article estime que les conventions fiscales peuvent être aisément contournées puisque cet impôt n’est pas de l’impôt sur les sociétés mais un nouvel impôt dénommé l’impôt sur les bénéfices détournés qui n’est pas couvert par ces conventions permettant ainsi à la France de ne pas violer les traités internationaux. On serait ainsi en présence d’un impôt sur les sociétés sui generis.

Enjeu d’importance

L’argumentation développée pour défendre cet article suscite de nombreuses réserves notamment de la part du gouvernement qui rappelle déjà disposer d’un certain nombre d’outils efficaces pour lutter contre de tels schémas.

L’enjeu n’est pas mince. Il ne faudrait pas en effet que l’administration fiscale redresse des sociétés sur le fondement de cet article pour que plusieurs années plus tard les tribunaux décident qu’un tel impôt n’était pas dû en application des conventions fiscales.

On a déjà vu par le passé, à maintes reprises, de nouveaux impôts avec des rendements importants annoncés mais qui se sont révélés être en fait contraires aux conventions signées par la France conduisant après l’effet d’annonce à un coût prohibitif pour les finances publiques.

Risque pour les finances publiques

Sur ce point, il est intéressant de noter que le Parlement a ainsi récemment publié le montant du risque global encouru par l’Etat dans les litiges fiscaux à forts enjeux. Par exemple, la contribution de 3 %, dont la compatibilité avec le droit européen était sujette à interrogation dès son adoption, présente un risque pour les finances publiques d’au moins 4,3 milliards d’euros, alors que son rendement annuel est de l’ordre de 1,8 milliard d’euros.

Le gouvernement semble avoir pris la mesure du risque puisque Christian Eckert a précisé que ce texte ne s’appliquerait que dans 2 % des cas. La démarche du député est certes louable mais l’approche unilatérale qu’adopterait ainsi la France n’apparaît peut-être pas comme la plus appropriée.

En effet, l’OCDE réfléchit maintenant depuis plusieurs années à limiter ce phénomène d’érosion de la base taxable devant conduire à une révision automatique des conventions, instrument central en matière de fiscalité internationale. Cette démarche collective apparaît ainsi comme la seule et unique voie de régler cette problématique.

Par Christophe Flaicher (Associé chez Taylor Wessing, cabinet avocats international) et Bertrand Hermant (Counsel chez Taylor Wessing)

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