L'accès à l'eau et à l'assainissement dans le bassin du Niger, un droit humain prioritaire

Cette semaine, la France accueille à Marseille le 6e forum mondial de l'eau. C'est un honneur mais aussi une responsabilité puisque que ce forum a été voulu comme celui du "temps des solutions".

Avec près de deux millions de personnes qui meurent chaque année à travers le monde, l'eau sale reste la première cause de mortalité, et les maladies qui lui sont liées emplissent la moitié des lits d'hôpitaux d'Afrique. L'importance de ce sujet n'a cependant pas été immédiatement reconnue. La reconnaissance en juillet 2010 de l'accès à l'eau comme droit humain fondamental par les Nations unies doit changer la donne. On peut saluer cette prise de conscience de la communauté internationale mais de nombreux efforts restent à accomplir pour qu'il devienne réalité.

Aujourd'hui, selon le secrétaire général des Nations unies, au moins 800 millions d'individus consomment encore de façon régulière une eau impure, s'exposant ainsi à des risques sanitaires graves. L'accès à l'eau et à l'assainissement doit figurer désormais parmi les priorités des engagements internationaux. Les solutions existent : l'excuse de l'ignorance ne peut plus être invoquée.

C'est dans le but de faire émerger des solutions concrètes pour les 275 millions de personnes qui vivent dans la région du bassin du Niger et qui sont les premières victimes de cette catastrophe écologique que la fondation Chirac et la République du Mali ont organisé le forum "Solidarité pour l'eau dans les pays du bassin du Niger", à Bamako, les 17 et 18 octobre 2011. Rappelons que le fleuve Niger, le 3e d'Afrique, subit une dégradation rapide de ses eaux et des terres qui le bordent : désertification, ensablement du fleuve, sécheresses et crues, pollutions urbaines, industrielles et artisanales.

Ce forum a réuni quatre chefs d'Etat, Amadou Toumani Touré du Mali, Mahamadou Issoufou du Niger, Blaise Compaoré du Burkina Faso, Idriss Déby du Tchad, Jean Ping, le président de la Commission de l'Union africaine, des représentants de nombreuses institutions internationales, des gouvernements des neuf pays du bassin, des ONG, des responsables du secteur privé… et près d'un millier de participants, dont une grande majorité représentant la société civile. Les travaux menés lors de ce forum ont permis aux États du bassin du Niger d'identifier des solutions qu'ils se sont engagés à mettre en œuvre.

Ils ont reconnu qu'il est de leur responsabilité de prendre les mesures législatives et réglementaires qui feront du droit à l'eau et à l'assainissement une réalité à tous les niveaux, local, national et régional.

Cette responsabilité doit se traduire par des choix budgétaires prioritaires en faveur de l'eau et de l'assainissement, seuls susceptibles de déclencher un vigoureux effet de levier et de stimuler l'aide internationale et les investissements privés. A cet égard, la coopération décentralisée permise par la loi française dite Oudin-Santini de 2005, inspirée d'une initiative engagée par le syndicat des eaux d'Ile-de-France depuis 1986, doit être promue et amplifiée. Ils ont aussi considéré la nécessité d'un effort massif en faveur de l'assainissement à travers différentes actions :

  • Sensibiliser et mobiliser l'opinion publique pour provoquer une évolution des comportements par des campagnes d'éducation à l'hygiène dès le plus jeune âge ;
  • Doter les populations d'équipements complets (sanitaires, traitement des eaux usées) ;
  • Economiser et protéger la ressource en eau.

Tous les décideurs politiques et les acteurs de la société civile ont été d'avis que seule une coopération transfrontalière renforcée peut assurer une gestion durable, équitable et solidaire des ressources d'un bassin tel que celui du fleuve Niger. Le processus de décision doit abolir les frontières politiques habituelles. En particulier, les grands projets (barrages, transferts d'eau entre régions…) ne devraient être abordés qu'à l'échelle de l'Autorité du bassin du Niger, organisation chargée de la gestion partagée du fleuve et comptant pour membres les neuf pays riverains.

Une telle approche est essentielle. Il en va de la survie de la population et de la préservation des richesses offertes par le bassin. Puisque les pays sont prêts à adopter et à mettre en œuvre ces diverses orientations, les soutenir dans de tels efforts doit être une priorité de la communauté internationale.

Mais ce qui est vrai pour le fleuve Niger l'est également pour beaucoup d'autres régions sur tous les continents. Le forum mondial de l'eau à Marseille permettra de sensibiliser sur un sujet qui reste encore, nous le disons précédemment, méconnu. C'est en cela une formidable opportunité qui pourrait conduire, du moins nous l'espérons, à un véritable engagement collectif.

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Habib Ouane, ministre de l'énergie et de l'eau du Mali ;

Laurent Sedogo, ministre de l'agriculture et de l'hydraulique du Burkina Faso ;

Donald Kaberuka, président de la Banque africaine de développement ;

Michel Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France, membre du conseil d'administration de la fondation Chirac ;

Marc Gentilini, professeur, délégué général de la fondation Chirac pour l'accès à une santé de qualité et président honoraire de la Croix-Rouge française ;

André Santini, ancien ministre, député-maire d'Issy-les-Moulineaux, président du Syndicat des eaux d'Ile-de-France (SEDIF) ;

Jacques Oudin, président du groupe d'échanges pour le développement de la coopération internationale dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, sénateur honoraire de Vendée.

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