L'accord européen sur la faillite ordonnée des banques est insuffisant

Une négociation européenne majeure est en cours. Technique en apparence, puisqu’elle touche à la faillite ordonnée des banques (banking resolution en anglais), elle est en réalité très sensible.

C’est d’abord un enjeu majeur pour la zone euro : sur le continent européen, ce sont essentiellement les banques qui financent les investissements des entreprises et des ménages. Le retour d’une croissance durable passe par l’octroi de crédits bancaires, notamment aux PME, dans de meilleures conditions. En outre, cette législation vise à faire supporter les conséquences des défaillances des banques par leurs propres créanciers et non plus par les contribuables.

C’est aussi, tout particulièrement, un défi pour la France : notre pays possède de grands établissements bancaires qui, pour certains, sont bien implantés dans d’autres Etats membres de l’Union européenne. En acceptant de placer la supervision des banques françaises sous la surveillance de la Banque Centrale Européenne (BCE), la France a apporté une pierre importante à la construction d’un marché sans frontières des services financiers.

Mais si la BCE recommandait la restructuration voire la faillite d’une banque, il faudrait pouvoir agir vite et bien. Cela suppose notamment que trois conditions soient remplies :

  • Une autorité identifiée, indépendante (c'est-à-dire échappant aux interférences politiciennes) devrait pouvoir décider en un week-end ;
  • Les contributions des banques devraient être placées dans un fonds mutualisé puisqu’elles servent un intérêt commun : la stabilité de la zone euro ;
  • Enfin, sous une forme ou sous une autre, une ligne de crédit (« backstop » en anglais) devrait être disponible, en gardant à l’esprit qu’il s’agit de sommes limitées, remboursées au terme des opérations de restructuration, et non de fonds considérables destinés à remettre à flots un établissement.

Sur ces trois points, l’accord conclu par les ministres des finances en décembre 2013 n’est pas satisfaisant : le processus de décision est trop complexe ; les fonds sont séparés en compartiments nationaux, bien qu’il s’agisse d’argent provenant d’établissements privés ayant une activité par delà les frontières. Enfin, la ligne de crédit reste évanescente. Le projet initial de la Commission européenne était plus sérieux. Le Président de la BCE Mario Draghi a alerté sur les risques que le projet des ministres fait courir à la stabilité financière.

Au motif que la mandature s’achève, le conseil des ministres essaie de pousser les parlementaires européens à accepter ce compromis quasiment en l’état. A une très large majorité, le Parlement européen a voté un dispositif plus rigoureux. Il n’y a pas de raison de céder sur des points de principe : pour les entreprises et les ménages européens, comme pour les investisseurs étrangers, mieux vaut faire un bon travail que bâcler un accord qui, à la première difficulté, se révèlerait défaillant. Traumatisée par le fait d’avoir été appelée au secours de certains pays de la zone euro, l’Allemagne renâcle. Les autorités françaises devraient tout particulièrement s’employer à convaincre le gouvernement allemand qu’il est dans son intérêt de ne pas créer d’incertitudes juridiques, ni d’affaiblir ses partenaires qui sont aussi ses clients. La zone euro est un tout. Nier l’interdépendance n’est pas rationnel.

Sylvie Goulard, députée européenne (ALDE), et Jacques de Larosière, Président d’Eurofi.

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