L’accord qu’il ne faut pas accepter entre la Chine et l'Union européenne

Pour moi, ce sera non. Dans les jours, les semaines et les mois à venir, le député que je suis œuvrera à ce que la représentation européenne désapprouve l’accord sur les investissements auquel la Commission vient de parvenir avec la Chine.

La première raison en est que les concessions que la Chine a finalement faites sur l’ouverture de son marché aux entreprises européennes sont encore loin de placer nos industries à égalité. La Chine continue de nous interdire des domaines d’investissements que nous ne lui fermons pas, et sur lesquels elle est déjà active. L’industrie chinoise demeure évidemment subventionnée alors que les règles de la concurrence limitent drastiquement les aides d’Etat aux entreprises européennes. Les obstacles administratifs, surtout, continueront d’écarter ou limiter l’investissement européen là où il n’est pas souhaité par le parti-Etat chinois alors que l’Union ne dispose pas de telles armes, en tout cas pas en efficacité et quantité suffisantes.

L’intérêt de Monsieur Xi était clair. En faisant les gestes indispensables à la signature de cet accord, il a souhaité signifier à la future administration Biden qu’il avait d’autres cartes que les Etats-Unis dans son jeu et que c’était donc en position de force qu’il entamerait les discussions sur la tentative de redéfinition de ses relations avec les Américains.

Pour lui, cela valait bien d’accorder quelques satisfactions aux Européens mais en l’affaire où était notre intérêt ? On ne le voit pas car il n’y avait aucun sens à tant nous hâter pour si peu alors que les Chinois étaient tellement demandeurs. La Chine avait tant besoin de nous que nous pouvions demander et obtenir plus. Il suffisait pour cela de prendre notre temps au lieu de donner l’impression, si profondément fausse, que nous avions un besoin vital d’aboutir au plus vite.

Une erreur économique et politique

C’est une erreur que la présidence allemande et la Commission viennent de commettre, une erreur due à l’anxiété que la perspective d’une plus longue bataille suscitait dans les milieux industriels allemands, et cette erreur n’est pas qu’économique. Elle est également politique, pour trois raisons.

La première est que, dès lors que nous mettons des conditions éthiques à la signature d’accords commerciaux avec des pays tiers, nous nous devons de ne pas en faire des moqueries et de veiller à leur respect. Nous ne pouvons en l’occurrence pas faire semblant d’avoir conduit la Chine à renoncer au travail forcé alors même qu’elle reconnaît y avoir recours puisqu’elle s’engage, mais seulement en intentions et sans aucune date, à adhérer aux conventions de l’Organisation internationale du travail prohibant cette abomination.

Ou bien nous attendons que la Chine signe et ratifie ces conventions pour signer avec elle des nouveaux accords commerciaux ou bien, toute autre attitude, nous renonçons définitivement à lier le commerce et le respect des droits fondamentaux. L’une ou l’autre, il faut choisir entre ces deux approches mais l’Union européenne ne peut en tout cas pas traiter des droits de l’homme avec la même et cynique hypocrisie que la dictature chinoise, car c’est se nier elle-même.

La plus puissante des dictatures

La deuxième erreur politique que constitue cet accord avec Monsieur Xi est que nous l’avons signé au terme d’une année marquée par un durcissement de sa diplomatie et des répressions menées par son régime. Les camps de concentration chinois continuent à s’emplir de Ouïghours. La répression s’accentue toujours plus en Chine et à Hongkong. Le mépris affiché des démocraties et la promotion des vertus attribuées à la dictature sont devenus insupportables. Les agissements de Pékin en mer de Chine méridionale sont toujours plus inquiétants et la Chine, enfin, s’est assise sur l’accord «un pays, deux systèmes» qu’elle s’était engagée à respecter à Hongkong.

Enfin, il est toujours dangereux de laisser croire à une dictature qu’elle peut faire n’importe quoi et ne pas en être sanctionnée mais récompensée. C’est encore plus dangereux lorsqu’il s’agit de la plus puissante et de la plus peuplée des dictatures du monde. Pour notre plus grande honte, c’est pourtant ce que venons de faire et cela sans même tenter une concertation avec les Etats-Unis de Joe Biden sur les pressions que nous pourrions exercer ensemble pour ramener Monsieur Xi à plus de raison.

Contre la dictature chinoise, contre un régime qui allie ce qu’il y a de pire dans le communisme à ce qu’il y a de pire dans le capitalisme, l’Union européenne et les Etats-Unis se devraient de faire front mais c’est contre les Etats-Unis – le fait est là – que l’Union vient de faire front avec la Chine. Ce n’est pas la moindre des quatre raisons pour lesquelles le Parlement européen et les 27 Parlements nationaux doivent s’opposer à cet accord.

Bernard Guetta, député européen, groupe Renew Europe .

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