L’adaptation au changement climatique implique de nouvelles approches

L’actuel été des extrêmes dans l’hémisphère Nord a ramené à l’avant-plan, dans les pays européens, la question de l’adaptation au changement climatique. Loin de se stabiliser à court terme, le climat sera continuellement en évolution durant les prochaines décennies. Il pourrait révéler, même dans les pays fortement industrialisés et urbains, une plus grande dépendance des sociétés modernes à son égard qu’on le pense habituellement.

Une fraction de l’adaptation nécessaire à ces changements se produit de façon spontanée, sans apparaître dans des programmes d’action. Mais une large part demande de l’anticipation, de la coordination et de l’apprentissage. Les modalités sont très différentes de celles qui définissent les actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre, elles-mêmes laborieusement et insuffisamment développées ces dernières décennies.

Pour commencer, l’objet de la réduction des émissions et celui de l’adaptation sont foncièrement différents. Dans le premier cas, il s’agit principalement de se concentrer sur les émissions de CO2, tandis que l’adaptation au changement climatique vise une gamme d’activités et d’impacts très diversifiée. De plus, si des objectifs de réduction sont fixés et qu’il subsiste des incertitudes sur les façons de les atteindre, dans le cas de l’adaptation, les incertitudes sont plus nombreuses. Elles portent à la fois sur les impacts climatiques locaux, les objectifs à rechercher et les méthodes à appliquer. De ce fait, les indicateurs sont encore largement à inventer pour ce que l’on appellerait une adaptation réussie.

« Un rapport inverse à la question des inégalités »

Les champs professionnels, et donc de formation, ne se recoupent pas nécessairement dans les deux approches. Pour la réduction des émissions, c’est le monde des ingénieurs, gestionnaires de procédés et de produits, qui est en première ligne. Pour l’adaptation, les acteurs sociaux, les gestionnaires publics locaux, ceux de la santé, de l’aménagement du territoire, sont essentiels.

On peut aussi mettre en évidence un rapport presque inverse à la question des inégalités. Dans le cas de la réduction des émissions, ce sont les plus nantis qui émettent le plus de gaz à effet de serre : à l’échelle de la planète, 10 % de la population serait responsable de 50 % des émissions. Les efforts de réduction devraient logiquement se focaliser davantage sur ces catégories de populations. Face aux impacts climatiques, ces mêmes catégories favorisées auront le plus d’outils en main pour se protéger, tandis qu’une véritable politique d’adaptation doit inclure les catégories les plus démunies, qui sont aussi les plus exposées.

Une autre différence est le fait qu’une coordination mondiale, si nécessaire et difficile à établir pour la réduction des émissions, n’est pas forcément requise en ce qui concerne l’adaptation. Des synergies existent heureusement entre ces deux exigences, à commencer par une prise de conscience beaucoup plus importante des relations entre société et climat : les impacts peuvent (dramatiquement) stimuler l’ambition de mesures de réduction plus drastiques. Plus concrètement, l’isolation des bâtiments peut à la fois réduire la consommation d’énergie et protéger contre des températures extrêmes.

Modifier les standards

Toutefois, des oppositions entre réduction et adaptation se manifestent également. L’une des plus apparentes, en été, est la consommation accrue d’air conditionné, poussant à la hausse celle de l’électricité. La clé, dans le cas de la réduction des émissions comme de l’adaptation, est d’intégrer dans les prises de décision les critères les plus pertinents liés au climat. Pour ce faire, l’apprentissage sera important et doit être stimulé sur les plans légal et économique.

Un apprentissage existe, comme on peut le constater au vu d’une baisse relative des victimes lors d’événements extrêmes similaires dans le monde. Toutefois, il impose de modifier toute une série de standards actuels : normes et zones de construction, espèces et pratiques agricoles, actions diverses sur les cycles de l’eau – au centre des effets changeants du climat –, en sont des exemples. Les scientifiques devront travailler avec des praticiens et des collectifs pour intégrer les comportements humains réels dans les actions menées.

Longtemps minorée, l’adaptation au changement climatique se révèle cruciale dans le monde entier. Dans nombre de pays tropicaux et agricoles, cet enjeu est déjà vital et indissociable du développement. Ailleurs, en dépit d’impacts relativement moins lourds dans l’économie, beaucoup est à construire. Sans oublier de répéter que, faute de réductions massives d’émissions à court terme, l’adaptation au changement climatique deviendra inextricable à moyen terme.

Par Edwin Zaccai, professeur à l’Université libre de Bruxelles, co-auteur de « L’adaptation au changement climatique » (La Découverte, 2014).

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