L’agriculture ne doit pas être l’oubliée du G2O

Dans quelques jours, les chefs d’États et de gouvernements du G20 vont se réunir les 15 et 16 novembre à Brisbane, en Australie, pour débattre des mesures qu’ils pourraient mettre en œuvre dans leurs pays respectifs ou collectivement, par l’intermédiaire des organisations internationales, pour favoriser la croissance économique. Cet objectif est parfaitement justifié au regard du très net ralentissement des échanges et de l’augmentation du chômage. Il correspond aussi à ce qu’attendent les peuples de ceux qui les dirigent : de la croissance, de l’emploi, du pouvoir d’achat.

Cinq axes et leurs implications agroalimentaires

Que faire pour atteindre ce but louable sur lequel tout le monde s’accorde ? Les experts des pays du G20 qui ont tenu plusieurs réunions pour préparer la rencontre de Brisbane proposent cinq domaines d’action qui pourraient contribuer à la croissance. En premier lieu, les investissements dans les infrastructures, de préférence en provenance du secteur privé, qui fournissent à la fois de nombreux emplois, pas toujours très qualifiés, et du bien-être aux populations. On retrouve là une préoccupation qui agite, depuis quelque temps, les milieux dirigeants européens. La nouvelle commission a pris des engagements en ce sens, et l’Allemagne, sous la condition que cela n’entraîne aucun déficit public supplémentaire, n’y est pas opposée. On pense, bien sûr, aux infrastructures de transport, routes, chemins de fer, ports, qui ont un impact, avec les organismes de stockage, sur la sécurité alimentaire et l’approvisionnement des populations (alors que jusqu’à un tiers des récoltes est encore perdu entre le champ et le consommateur !).

Dans ce domaine des infrastructures, les chefs d’États et de Gouvernements seraient bien inspirés d’ouvrir un chapitre spécial concernant le stockage et l’utilisation de l’eau dont dépendent et dépendront de plus en plus la production agricole et la lutte contre la faim. Arme terrible qu’il s’agit maintenant de maîtriser et de contrôler. Le G20 serait, à tous points de vue, justifié de s’en emparer. Déjà, Daesh contrôle le Tigre et l’Euphrate en amont de Bagdad !

Un autre chapitre de l’ordre du jour touche directement l’activité agricole et agroalimentaire, c’est ce que les experts appellent « la création d’opportunités d’emplois », plus particulièrement pour les jeunes. Le bilan d’ensemble du secteur est contrasté. La concurrence généralisée et la dérégulation des marchés décidées dans les années 90 ont mis à mal de nombreuses paysanneries de pays pauvres et ouvert la porte à des phénomènes nouveaux et violents d’accaparements de terres par l’agrobusiness national ou étranger. Les paysans français plaident depuis des décennies pour une maîtrise collective des grands marchés agricoles parce qu’ils savent que la plupart des sous-alimentés du monde sont des ruraux.

Or, un autre développement, créateur d’emplois, plus respectueux des productions, est possible comme l’ont démontré depuis cinquante ans nos filières agroalimentaires, notamment avec les grandes cultures aux débouchés multiples et les productions spécialisées de qualité. Sur la période, le solde des emplois de ces filières est positif ! Le G20 pourrait donc inciter les politiques nationales à favoriser systématiquement ces formes de productions où les paysans restent, collectivement, maîtres de leur destin. Ce serait, en tous les cas, un discours nouveau de nos chefs d’États que les agriculteurs du monde entier pourraient recevoir comme une parole d’espoir.

Vieux discours mais enjeux actuels

Les autres points de l’ordre du jour du G20 sont classiques et assez convenus : « réduire les entraves aux échanges commerciaux », conduire « des réformes visant à favoriser la concurrence ». Et les experts n’oublient pas d’appeler à « œuvrer en faveur du développement des économies émergentes ». Les exhortations libérales sont sans surprise, elles constituent le fond des discours économiques que tiennent avec plus ou moins de conviction la majorité des dirigeants de la planète depuis vingt ans. Elles sont mises en œuvre avec constance par l’OMC, le FMI, les autorités communautaires, pas toujours de bonne foi, pas toujours de manière transparente ni avec succès. Mais elles ont permis une mondialisation des échanges sans précédent et ont contribué au développement mondial d’une classe moyenne.

L’agriculture et l’agroalimentaire ont été emportés par le mouvement, pour le meilleur (croissance de la production, multiplication des échanges au profit des consommateurs solvables) et, parfois, pour le pire (destruction de petites paysanneries pauvres). Ces activités humaines essentielles, autrefois cloisonnées et protégées, sont aujourd’hui à la disposition de tous, du moins de tous ceux qui peuvent les payer. Mais elles sont vulnérables : croissance de la population et uniformisation des modes de vie, réchauffement climatique et ses conséquences agronomiques, raréfaction de l’eau nécessaire à leur développement. Les chefs d’États et de gouvernements seraient dans leur rôle de s’en occuper.

Henri Nallet, président de la fondation Jean Jaurès.

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