Lançons un "new deal" européen pour promouvoir l'emploi des jeunes

Près de 6 millions de jeunes sont aujourd'hui au chômage sur notre continent. Dans les pays les plus affectés par la crise, le chômage a atteint un niveau intolérable. L'Europe ne peut se permettre de sacrifier ainsi toute une génération.

L'effort commun déployé en réponse à la crise de confiance qui frappa la zone euro il y a trois ans est en train de porter ses fruits. Il est trop tôt pour proclamer victoire, mais les faits prouvent sans ambiguïté le bien-fondé d'une réponse européenne axée sur la reconstruction des finances publiques et la modernisation de nos économies, comme en témoigne la confiance croissante des marchés.

La consolidation budgétaire rendue inévitable par l'explosion des dettes publiques au lendemain de la crise financière vise non seulement à sécuriser nos systèmes sociaux, mais aussi à garantir notre souveraineté et la capacité de nos Etats à assumer pleinement leurs fonctions. Renoncer à cet effort reviendrait à hypothéquer le destin des générations à venir.

De même, à l'érosion de leur compétitivité cruellement mise à nu par la crise, les Européens ont opposé une politique de réforme structurelle énergique et courageuse – la seule à même de relever le défi posé par une concurrence mondiale aussi acharnée qu'elle est irréversible. Leur approche, qui s'attaque non pas aux symptômes mais aux racines de la crise, à ses causes structurelles, pose les fondations d'un retour à une croissance durable. Comme par le passé, l'Europe émergera de cette crise plus unie et forte que jamais.

Si le redressement économique de la zone euro est un fait indéniable, il est certain qu'il s'est accompagné de douloureux sacrifices pour beaucoup de nos citoyens. Pour nous, ministres du travail et ministres des finances allemands et français, les efforts de réforme et de consolidation doivent se doubler d'une ambition nouvelle en faveur de l'emploi et de la croissance, qui anticipera et accompagnera les changements de fond apportés par nos mesures structurelles.

Les jeunes doivent en être les premiers bénéficiaires. Le chômage élevé qu'ils subissent est une menace sociale, économique et politique. Il heurte les valeurs de solidarité qui font la force de l'Europe. Il exerce une pression accrue sur nos finances publiques et érode notre capital humain et notre tissu industriel. Le risque politique n'est pas moins inquiétant : abandonnée, une génération entière risque de tourner le dos à l'Europe, de succomber aux chants de sirènes du populisme et de l'extrémisme. La marginalisation économique de pans entiers de nos sociétés est susceptible de gangrener jusqu'aux fondations mêmes de nos démocraties.

Les mécanismes de solidarité européens dont nous nous sommes pourvus au cours des trois dernières années, la coordination accrue de nos politiques et reformes économiques, le projet ambitieux d'une union bancaire prouvent que notre union fait notre force. Il faut mobiliser cette union pour apporter des remèdes puissants, immédiats et durables au problème aigu de l'emploi des jeunes en Europe.

UNE RÉPONSE EUROPÉENNE LARGE ET IMMÉDIATE

Réunis à Paris le 28 mai, nous, ministres français et allemands, allons présenter l'esquisse d'une réponse européenne large et immédiate fondée sur les piliers suivants : financement, formation, insertion des jeunes dans le monde du travail et mobilité.

Trop de créateurs d'emplois, en particulier de petites et moyennes entreprises, se trouvent actuellement privés de financement ou incapables d'emprunter aux taux exigés par leurs banques. Pour leur venir en aide, de nombreux outils existent déjà : la Banque européenne d'investissement (BEI) a mis à disposition 60 milliards d'euros de prêts supplémentaires à taux attractifs d'ici à 2015, dont une partie a vocation à aller vers les PME. Par ailleurs, 6 milliards d'euros ont été alloués à "l'initiative pour l'emploi des jeunes" adoptée par le Conseil européen en février et les fonds structurels européens devront encourager la création d'emploi dans les pays les plus affectés par le chômage. D'autres sont à créer, comme une ligne de crédit spéciale pour stimuler la création d'emploi dans les petites entreprises que pourrait mettre en place la BEI. Il faut les déployer rapidement et efficacement, de manière ciblée, coordonnée et sans barrières bureaucratiques.

Il nous faut aussi ouvrir plus largement l'accès des jeunes à la formation en alternance et encourager leur mobilité en Europe : ce n'est pas un hasard si les pays ayant parmi les taux de chômage des jeunes les plus bas sont aussi ceux où l'apprentissage, qui permet l'acquisition de compétences répondant aux besoins véritables des entreprises, est le plus répandu et le plus valorisé. Il faut donc encourager l'alternance et inciter les entreprises qui s'engagent à la développer. L'Erasmus de l'alternance ("Erasmus pour tous") doit être mis en place rapidement pour favoriser la mobilité des apprentis.

Enfin, l'insertion des jeunes dans le monde du travail peut emprunter différentes voies, dans différents types d'entreprises et d'emplois. La mobilité au sein de l'Union européenne est aussi une chance à saisir. Les structures existent – le programme d'échange Erasmus, le réseau Eures qui met en relation employeurs et chercheurs d'emplois dans toute l'Europe : développons-les.

Par ailleurs, il faut mettre en oeuvre de façon accélérée la "garantie pour la jeunesse" adoptée par le Conseil européen, pour que tous les jeunes de moins de 25 ans se voient proposer une offre d'emploi de bonne qualité, un complément de formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant leur sortie du système scolaire ou la perte d'un emploi. Les services publics de l'emploi des Etats membres seront en première ligne dans ce projet.

Ces pistes, nous voulons les discuter et les enrichir avec les partenaires sociaux, patronat et syndicats, car le dialogue social est au coeur de nos convictions. Il est aussi un gage d'efficacité. A nous de continuer les réformes, de créer l'étincelle, d'apporter les moyens utiles. Pour le reste, faisons confiance à nos entrepreneurs et à nos jeunes qui débordent d'idées et de projets !

Par Ursula von der Leyen (Ministre allemande du travail), Wolfgang Schäuble (Ministre allemand des finances), Pierre Moscovici (Ministre de l'économie et des finances) et Michel Sapin (Ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social)

Deja una respuesta

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *