L’arbitrage comme mode de règlement des différends en matière d’investissement

Les controverses que suscite l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada — le CETA — ne sont pas nouvelles et ont entraîné de fortes mobilisations. Nul doute que l’avis rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 30 avril devrait amplifier ce phénomène. Il déclare compatible avec le droit de l’Union européenne le mécanisme de règlement des différends relatifs à un investissement.

Régulièrement qualifié « d’arbitrage », un mécanisme qui prévoit la création d’un tribunal multilatéral des investissements ainsi que d’un mécanisme d’appel connexe, contenu dans le CETA, ne s’en approche, pourtant, que par sa fonctionnalité — celle de résoudre un litige.

Certes, il est vrai que l’arbitrage figurait dans la version initiale du CETA. Mais cette période est révolue. De fait, l’arbitrage ne trouve plus désormais grâce aux yeux des institutions européennes : après son retrait des différents traités de libre-échange, la Cour de justice a dans un arrêt important — Achmea — interdit le recours à l’arbitrage pour régler un litige relatif à un investissement entre Etats membres.

Le rôle des parties

Etonnamment, pourtant, une partie importante de l’opinion publique pense toujours que l’Union promeut, dans ses traités de libre-échange, et plus particulièrement dans celui signé avec le Canada, le recours à l’arbitrage d’investissement. Ainsi, l’avis précité se prête à un exercice de pédagogie visant à comparer le contenu du mécanisme de règlement des différends de la version actuelle du CETA avec l’arbitrage d’investissement.

L’arbitrage international fait la part belle à la volonté des parties. Celle-ci se manifeste notamment au début et au cours de l’arbitrage. Au début de la procédure arbitrale, la volonté des parties se manifeste à deux niveaux : le consentement d’une part et la constitution et la rémunération des membres du tribunal arbitral d’autre part. Traditionnellement, le recours à l’arbitrage international est possible à la condition que les deux parties y aient expressément consenti.

Les parties jouent, également, un rôle important lorsqu’il s’agit de la constitution du tribunal arbitral et de la rémunération de ses membres. En effet, une des spécificités de l’arbitrage international est que les arbitres sont choisis et rémunérés par les parties. Le choix des arbitres par ces dernières est d’ailleurs perçu comme un avantage de l’arbitrage. Ceci s’explique par la possibilité dont elles disposent de désigner une personne plus qualifiée dans certains domaines très techniques que ne le seraient les juges étatiques dans certains cas.

La volonté des parties

Les parties sont, au cours de la procédure d’arbitrage, libres de choisir la procédure arbitrale — les règles procédurales suivies par les arbitres — et le droit applicable pour trancher le litige. D’une manière générale, cette liberté est régulièrement louée par les partisans de l’arbitrage international en raison de la souplesse instaurée dans l’organisation de l’instance arbitrale. C’est à ce titre que l’expression de justice arbitrale « sur mesure » est parfois employée.

Enfin, l’arbitrage international est « final » en ce sens qu’il n’y a pas de procédure permettant de rejuger l’affaire. S’il est vrai qu’il existe des voies de recours contre les sentences arbitrales, celles-ci ne sont prévues que pour des situations bien définies. Elles se distinguent alors des voies traditionnelles de recours comme l’appel ou le pourvoi en cassation.

Le mécanisme de règlement des différends relatifs à un investissement contenu dans le CETA confère quant à lui un certain poids à la volonté des parties. Leur consentement est requis pour initier l’examen d’un litige par le tribunal. De la même manière, elles rémunèrent les membres du tribunal en leur versant une rétribution.

En revanche, le mécanisme semble faire peu de cas de leur volonté lors des autres étapes de la procédure. Ainsi c’est le comité mixte du CETA qui nomme 15 membres composant le tribunal et son président choisit en son sein trois membres chargés d’instruire l’affaire. Par ailleurs, le tribunal suit sa propre procédure et applique le droit contenu dans le CETA pour trancher le litige. A cela s’ajoute l’instauration d’un tribunal d’appel pouvant confirmer, modifier ou infirmer la sentence rendue par le tribunal.

Des différences d’approche

A la lecture de ces éléments de comparaison, il est assez clair que le mécanisme juridictionnel du CETA ne partage avec l’arbitrage que les questions relatives au consentement des parties et de la rémunération des membres du tribunal. Il s’en distingue sur tous les autres points.

Le mécanisme de règlement des différends relatif à un investissement prévu par le CETA semble se situer à équidistance entre la justice étatique « traditionnelle » et la justice arbitrale. De fait, elle partage certaines caractéristiques de l’arbitrage mais s’en dissocie sur des fondamentales. La CJUE l’a reconnu le 30 avril puisque dans son avis elle qualifie ce mécanisme « d’hybride », contenant des caractéristiques de la justice étatique et de l’arbitrage relatif à un investissement.

Dès lors, si un rapprochement peut être fait entre le mécanisme du CETA et celui de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) il est, en revanche, incorrect de l’assimiler à la justice arbitrale telle qu’elle est entendue. En définitive, l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne du 30 avril est intéressant à deux égards.

Tout d’abord, il confirme l’abandon par l’Union de l’arbitrage comme mode de règlement des différends en matière d’investissement. Lui est préféré, et c’est là le second intérêt de la décision, un nouveau mécanisme qui semble être un compromis entre l’arbitrage et la justice étatique. Cela étant, aucune information n’est apportée quant à son utilisation : fonctionnera-t-il exclusivement pour le CETA ou son intervention sera-t-elle élargie aux autres traités de libre-échange conclus par l’Union ? Affaire à suivre.

Maxime Discours (Juriste, docteur en droit, spécialisé en arbitrage international et droit de l’Union européenne)

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