L'Argentine doit rembourser sa dette

Après sa mémorable faillite de 2001, l'Argentine traverse à nouveau de graves difficultés et doit, encore une fois, emprunter massivement. Le pays cherche à retrouver sa crédibilité perdue auprès des investisseurs en négociant un remboursement partiel de certaines de ses dettes.

Parmi les créanciers qui demandent remboursement, on compte non seulement des Etats, mais aussi des acteurs privés, parmi lesquels des fonds dits « procéduriers » qui réclament le remboursement de la dette sans accepter la révision de son montant décrétée unilatéralement par l'Argentine (une baisse de 75% en l'occurrence !).

A travers le dépôt de ce que les juristes nomment un brief d'amicus curiae en faveur de l'Argentine devant la Cour suprême américaine en juillet 2013, la France a cherché à s'opposer à la décision américaine tendant à imposer à l'Argentine de payer de la même façon les créanciers qui ont refusé de renoncer à une partie de leur créance et les autres. Un soutien français qui a étonné beaucoup d'observateurs et dont l'opportunité peut être questionnée.

GARDE-FOU CONTRE LES « ETATS VOYOUS »

On accuse les fonds procéduriers de racheter à prix cassé des dettes d'Etat et de tout mettre en œuvre pour obtenir ensuite le remboursement. Pourtant, cette activité n'est ni illégale ni inutile. Ces fonds parient sur la capacité in fine, même si elle est mise en doute, d'un Etat à finir par honorer ses dettes.

Exactement comme une société d'affacturage rachète des créances douteuses et tente d'obtenir qu'elles soient honorées. En agissant de la sorte, certes pour des raisons d'intérêt bien compris, les fonds peuvent être crédités d'une certaine utilité sociale : celle de constituer à l'avenir un garde-fou contre les « Etats voyous » prétendant se placer au-dessus des lois de la bonne gestion de leurs finances. Et cela dans le plus grand intérêt de populations bernées par des discours démagogiques et faussement généreux.

Une dette doit être remboursée. Cette évidence pour tout particulier et toute entreprise (et que la loi oblige même à rappeler dans toute proposition de crédit) n'a aucune raison d'être moins vraie dans le cas des dettes publiques. Si la technique par laquelle un Etat commence par demander des prêts en échange de sa garantie puis à décréter que sa dette n'a plus de valeur n'est pas sans exemple dans l'histoire (souvenons-nous des emprunts russes qui spolièrent tant de nos arrière grands-parents !), il est difficile d'y voir une action légitime plutôt qu'une vulgaire escroquerie. Un particulier qui agirait de la sorte rendrait des comptes à la justice.

On nous dit que le fait qu'il s'agisse d'un Etat change la donne et rend la chose respectable, presque admirable. Mais de telles pratiques se parent abusivement des oripeaux de la défense des populations opprimées ; en réalité elles ont des conséquences redoutables pour la population : en cautionnant après-coup une gestion irresponsable des finances publiques, elles envoient un signal néfaste à tous les Etats.

HUMILIATION

Les dirigeants peuvent y voir la promesse d'une impunité de leur impéritie, et donc un encouragement à continuer à gérer leur pays à coup de distribution démagogique de moyens empruntés à des prêteurs naïfs. Lorsque le défaut de paiement intervient finalement, la crédibilité du pays est gravement et durablement entamée, fermant la possibilité de tout emprunt supplémentaire. C'est exactement la situation de l'Argentine, qui après sa faillite de 2001, revient aujourd'hui avec des propositions de remboursement partiel afin de pouvoir à nouveau emprunter.

En rejetant en octobre 2013 le recours de l'Argentine sans que le soutien de la France n'ait la moindre influence, la Cour suprême américaine a déjà infligé une humiliation à notre pays. Au moment où la crédibilité de la France elle-même devient de plus en plus fragile du fait de l'alourdissement dramatique de sa dette, l'opportunité, pour ne pas dire la sagesse de ce soutien, font question.

Cette position n'est pas non plus la meilleure façon d'aider le Club de Paris, le groupe informel de pays présidé par la France qui se réunit depuis 1956, à retrouver un rôle central et une influence. Marginalisé par l'absence de créditeurs désormais incontournables tels que la Chine ou l'Inde, et alors même qu'il cherche à se renouveler pour retrouver de la voix sur un marché concurrencé par les marchés financiers et les pays émergents, le Club de Paris n'a en effet rien à gagner à soutenir de façon incohérente des manœuvres argentines qui sont fort éloignées de la méthode, raisonnable et structurée, qu'il prône par ailleurs.

Par Olivier Babeau, professeur de stratégie à l'université Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis.

1 comentario


  1. Bonjour,
    Franchement, la pratique professionnelle me fait constater qu'il est très rare qu’un factor achète des créances douteuses, du moins en le sachant ! Ce n’est pas son métier de faire du recouvrement sur des débiteurs douteux.

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