L’avenir des Kurdes se joue au Kurdistan irakien

Dans quelques jours, les Kurdes d’Irak feront à nouveau l’actualité à l’occasion du référendum d’indépendance que leur gouvernement régional organise le 25 septembre.
En 2005, dans l’ombre et malgré la fragilité de cette autonomie naissante, le premier Parlement régional autonome s’était réuni ouvrant ainsi la voie à la démocratie, l’égalité et la justice sociale.

La pluralité politique, sociale, linguistique et la parité s’affirmaient en effet dans ce premier Parlement bien mieux que dans beaucoup de pays démocratiques. Les revenus pétroliers étaient alors affectés au mieux-être de la population, notamment par la création de services de qualité en matière de santé, d’éducation et de jeunesse. La culture y retrouvait une place imminente en rapport avec l’histoire d’un peuple millénaire.

Puis ce fut la guerre pendant laquelle les Kurdes ont su, non seulement mobiliser l’ensemble de leurs forces sur le terrain et protéger une frontière fragile, mais aussi accueillir 2 millions de déplacés et réfugiés (une proportion qui pour la France correspondrait à plus de 20 millions de personnes !). Et c’est à l’heure même où les fous de Dieu s’apprêtent à rendre les armes, que les Kurdes victorieux, annoncent la reprise d’un processus démocratique suspendu pendant près de quatre années.

Un effet d’entraînement

Nul ne doute que l’affirmation de leur souveraineté aura un effet d’entraînement et d’exemple dans une région dévastée par les divisions ethniques et religieuses, et moralement affaiblie à l’issue d’une guerre médiévale voulue par les plus exaltés adversaires de la souveraineté populaire.

La fondation France Libertés-Fondation Danielle Mitterrand milite depuis 30 ans pour le droit à l’autodétermination des peuples. Je me réjouis de voir enfin les Kurdes en capacité de décider eux-mêmes de leur destin et d’accéder enfin à la souveraineté un siècle après les premières promesses occidentales. Je m’en réjouis comme président de la Fondation mais aussi comme fils de notre chère Danielle que vous appelez affectueusement votre « mère » – ce qui créé entre nous un lien fraternel tout particulier.

C’est la raison pour laquelle je souhaite exprimer à mes « frères et sœurs kurdes » tous mes espoirs de succès. Je partage avec Danielle la conviction que cette indépendance n’aura de sens que si les Kurdes reprennent le chemin qu’ils ont tracé dans les années d’autonomie, celui qui faisait de ce peuple le « tambour-major » des peuples du Moyen-Orient. Nous savons, pour les avoir accompagnés depuis 1988, qu’il vous faut pour cela échapper aux facilités du mirage pétrolier et penser avant tout à la reconstruction institutionnelle de l’Etat kurde qui servira de modèle à tant d’autres.

De nouvelles responsabilités à l’égard de tous les Kurdes

En octobre 2009, Danielle Mitterrand exprimait cette recommandation dans une séance plénière du Parlement kurde : « Si vous suivez le libéralisme sauvage sans foi ni loi, vous allez créer une société très inégalitaire au détriment du plus grand nombre. Les phénomènes de corruption vont gangrener la société et affaiblir les liens de fraternité qui faisaient la force de votre peuple. J’ai entendu dire que certains proposent de faire du Kurdistan un Emirat pétrolier (…) ce serait bien dommage de vouloir faire de ce pays de haute culture et qui fut l’un des berceaux de la civilisation humaine, un émirat pétrolier rentier et consumériste. Votre peuple y perdrait son âme et son identité (…). Je rêve pour le Kurdistan d’un modèle de développement durable juste et solidaire. Vous avez la chance d’habiter des terres fertiles, de disposer des ressources en eau relativement abondantes. L’agriculture et l’élevage qui, pendant des millénaires ont fait la richesse de la haute Mésopotamie, semblent aujourd’hui à l’abandon. Et c’est bien dommage. L’autosuffisance alimentaire est la base de la survie d’un peuple. L’eau est une richesse beaucoup plus importante que le pétrole. Car l’humanité a pu vivre sans le pétrole pendant des millénaires mais elle ne peut survivre sans l’eau. »

Les Kurdes savent mieux que moi que l’avenir de leur nation se joue aujourd’hui au Kurdistan irakien. S’ils réussissent à construire une démocratie exemplaire, cela inspirera les Kurdes des pays voisins et convaincra l’opinion publique internationale que les Kurdes sont capables de gérer leurs affaires dans le cadre des frontières étatiques existantes. Cela ne peut que favoriser le règlement pacifique de la question kurde dans les pays voisins.

L’indépendance du Kurdistan irakien leur créera aussi de nouvelles responsabilités à l’égard de tous les Kurdes. En les assurant de la détermination des Kurdes d’Irak, ils renforceront l’unité du peuple kurde, garante ultime de sa propre survie. Ce référendum est une importante étape sur la voie de l’indépendance et de l’affirmation du peuple kurde. Il est aussi, dans une période de pessimisme mortifère, un signal d’espoir et de fraternité adressé à l’humanité tout entière.

Par Gilbert Mitterrand, président de France libertés - Fondation Danielle Mitterrand.

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