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Le 27 janvier, les Congolais annoncent: «L’indépendance, ce sera le 30 juin» (2/10)

Patrice Lumumba bandages aux poignets
Patrice Lumumba bandages aux poignets

Patrice Lumumba à la Table ronde, bandages aux poignets

Mémoires noires d’une indépendance (RTBF Radio - juin 2000) : Indépendance cha-cha. La table ronde. Janvier 60 Janvier 60, c'est la Table ronde à Bruxelles. La grande négociation entre Congolais et Belges qui fixe la date de l'indépendance et les contours du nouveau Congo. Cette table ronde a été rythmée par la chanson "Indépendance Cha-cha" de l'African Jazz avec le grand chef Kabasele. Un reportage de François Ryckmans et Éric Dagostino, réalisé en 2000, sur la base d'une idée originale de Jean-François Bastin et d’Isabelle Christiaens, qui y ont consacré un film la même année. Ce reportage est réalisé sans intervention en studio… Pour présenter les interlocuteurs…, vous entendrez successivement : Thomas Kanza, futur ministre du premier Gouvernement congolais, à l'époque en stage d'études au Marché commun à Bruxelles, à la base de l’idée d’inviter l’African Jazz à la Table ronde, Manda Tchebwa, musicologue, producteur à la Télévision congolaise, Jean-Marie Mutamba, historien à l’Université de Kinshasa, Mathieu Kuka, musicien, chanteur du groupe Afrique Ambiance, André Boboliko, à l'époque jeune responsable syndical, Philippe Kanza, qui a fondé le journal "Congo", et qui a accompagné l’orchestre African Jazz à Bruxelles, Camille Mwisa, journaliste en 1960, Alfredo Yongolo à l'époque employé à la Banque centrale, et futur cadre. Et, d'abord, Armando Brazos, guitariste, décédé il y a peu. Il a participé à cette grande aventure de l'African Jazz pour la Table ronde à Bruxelles, il vit à Kinshasa. (du 29/01/2020)

L’atmosphère est lourde, le matin du 27 janvier, à l’ouverture de la Table ronde belgo-congolaise, à Bruxelles. Les représentants du gouvernement belge sont désorientés et divisés, et les délégués congolais sont méfiants.

Les Congolais ont remporté plusieurs victoires en quelques jours, grâce à leur Front commun : la Table ronde est décisionnelle et pas consultative, ensuite, la décision sur la date doit intervenir avant celle sur le contenu de l’indépendance, et, enfin, Patrice Lumumba est à Bruxelles !

Patrice Lumumba entre dans la grande salle du Palais des congrès. Il lève les bras et montre les bandages autour de ses poignets : ce sont les suites de sa sortie de prison bousculée, quelques jours plus tôt. Patrice Lumumba mesure l’effet de son entrée.

Il remercie les Belges qui ont permis sa libération et demande à son tour l’indépendance immédiate, déjà exigée dès le 22 janvier par Kasa-Vubu et le Front commun. Pour certains, Lumumba joue la comédie ou aurait même inventé ses blessures…

Patrice Lumumba avait été accueilli à Bruxelles, à l’aéroport, dans la soirée du 25 janvier, par son ami Jean Van Lierde, un militant anticolonialiste belge, et par deux délégués congolais.

Lumumba s’était rendu immédiatement chez le journaliste Jean Terfve, vice-président du parti communiste et conseiller d’un Congolais présent à la Table ronde. Jean Terfve racontera en 1975 que Lumumba avait bien les poignets bandés ce soir-là :

Pour être tout à fait précis, parlons d’ecchymoses. Ma femme lui fait de nouveaux bandages… A-t-il souffert ? Je n’en sais rien. A-t-il l’impression d’être un martyr ? Oui, mais un martyr triomphant. Il est évident que le fait d’avoir été en prison un certain temps (pas très longtemps) lui a donné la conscience très nette que ce sont des galons sur sa manche.

Lumumba à la table ronde
Lumumba à la table ronde

Lumumba « plutôt perdu » le premier jour

Avec Van Lierde et Terfve, Patrice Lumumba fait le point sur la Table ronde. Lumumba manque d’informations, et il comprend ce soir-là qu’il était absent lors de journées décisives, comme le décrit Jean Terfve :

Il avait l’impression que sa participation allait provoquer des retournements de situation… Or le premier élément essentiel, l’indépendance, était déjà acquis. On n’allait plus entrer que dans les discussions sur les modalités et les délais.

Lumumba cherche ses marques. Durant la journée du 27 janvier, une fois entré en séance :

" Lumumba ne se situe pas très bien dans le contexte. Il ne joue à ce stade aucun rôle. Il est plutôt perdu ", et même " fantomatique ", raconte Jules Gérard-Libois.

Une journée de réunion " extraordinaire ", avec brouhaha, suspensions de séance et déclarations fortes : la journée a pris souvent un caractère surréaliste.

Délégués congolais
Délégués congolais

Les délégués congolais l’annoncent eux-mêmes : « ce sera le 30 juin »

Le 25 janvier déjà, la discussion sur la date de l’indépendance avait été serrée. Fixer la date avant tout, c’est l’objectif du Front commun congolais. Les délégués congolais veulent une indépendance immédiate, et donc la date la plus proche possible. Le ministre belge du Congo, Auguste De Schryver, tient quant à lui compte des contraintes du calendrier : il faut, explique-t-il, organiser des élections générales, une première dans ce pays immense, et mettre en place les nouvelles institutions… Tout cela peut être bouclé, dit-il, pour le 15 juillet.

Le 26 janvier, le Front commun propose une date présentée comme " de compromis " : le 1er juin 1960. Le ministre belge demande des précisions aux Congolais. Après une longue suspension de séance, le Front commun confirme la date du 1er juin. La séance est levée sans conclure…

Le 27 janvier, d’entrée de jeu, le ministre belge du Congo se résout à présenter un calendrier " accéléré ", pour aboutir le 30 juin, mais à la condition que la Table ronde ait adopté ses décisions définitives pour le 15 février. Flottement chez les délégués congolais, avec des positions divergentes.

Le socialiste Henri Rolin, dans l’opposition, présente alors son compromis : ce serait entre le 1er et le 30 juin. Nouvelle suspension de séance : le Front commun se réunit dans une petite salle et sauve son unité, mais dans la confusion… Le porte-parole du Front congolais annonce en séance, de manière unilatérale : " La date de l’indépendance sera le 30 juin 1960 ". Le ministre belge du Congo est mis au pied du mur. Il se rallie immédiatement à la proposition, sans doute pour éviter un échec de la Table ronde : " Le gouvernement s’engage formellement à ce que la date du 30 juin ne soit pas dépassée. "

Les délégués congolais applaudissent : ils ont obtenu une date précise, et ils ont surtout pris l’initiative en l’annonçant eux-mêmes ! C’est la quatrième victoire du Front commun…

Ministres belges
Ministres belges

La fête au Plaza : « Indépendance cha cha »

Hôtel Plaza
Hôtel Plaza

Le soir même, au quartier général des délégués congolais, à l’hôtel Plaza, près de la place Rogier, à Bruxelles, le chanteur Kabasele et l’African Jazz jouent pour la première fois la mémorable chanson Indépendance cha cha, qui résonne aujourd’hui encore comme une chanson de victoire et d’unité.

Indépendance Cha Cha, chanson symbole de Joseph Kabassele (du 27/01/2020)

En 2000, Thomas Kanza nous a raconté cette soirée exceptionnelle :

Le jour où on a décidé que l’indépendance aurait lieu le 30 juin, nous avons organisé le " bal de l’indépendance ". Ce soir-là, c’est la première fois qu’on a chanté Indépendance cha cha.

Le 27 janvier, les Congolais annoncentThomas Kanza et son frère avaient eu l’idée originale de faire venir le grand chanteur Joseph Kabasele avec son orchestre à Bruxelles, pour accompagner les délégations congolaises. Thomas Kanza a étudié en Belgique, il est le premier universitaire laïc congolais. Diplômé en 1956, il est revenu à Bruxelles en 1958, pour un stage au Marché commun. Il est responsable du journal Congo en Belgique, qui parraine l’opération

« Nous avons conquis notre indépendance »

Thomas Kanza poursuit :

" Le sens de la chanson ? Ses paroles retracent comment nous avons conquis notre indépendance. D’abord la constitution du Front commun. Ensuite, la libération de Lumumba. C’est parce que les Congolais se sont unis que Lumumba, qui était en prison, a été libéré. Alors, nous avons cité les partis politiques importants représentés à Bruxelles et le nom des hommes politiques importants de cette période, les responsables politiques de tous les camps !

Jusqu’à aujourd’hui, c’est la seule chanson qui rappelle aux Congolais qu’on s’est battu pour en arriver là, le 30 juin, le jour de la fête nationale. "

Lumumba : « L’indépendance ne signifie pas la rupture avec la Belgique »

Patrice Lumumba à la table ronde
Patrice Lumumba à la table ronde

Patrice Lumumba, le soir du 27 janvier, sort de sa réserve et prononce un premier discours devant les délégués congolais :

" C’est une date historique pour notre cher et beau pays. La Belgique a réalisé en Afrique une œuvre magnifique. Mais comme dans toute entreprise humaine, tout doit évoluer. Depuis ces dernières années, le peuple congolais était inquiet, réclamait sa libération du régime colonialiste. Un fossé s’élargissait de plus en plus entre les Belges et les Congolais… L’indépendance ne signifie pas la rupture avec la Belgique, ni l’expulsion des Belges… Nous demandons que les Belges s’adaptent à la nouvelle situation et se mettent au service du peuple congolais et de l’humanité… Bien que n’ayons pas été suffisamment préparés, c’est sans aucune haine, avec modestie que nous allons diriger notre pays avec des techniciens et conseillers belges. "

Mobutu, dans l’ombre de Lumumba

Lumumba et Mobutu
Lumumba et Mobutu

Joseph-Désiré Mobutu est à Bruxelles en janvier 1960. Lors de la Table ronde, il est l’un des rares proches de Patrice Lumumba. Il le conseille, et représentera le MNC-Lumumba (Mouvement national congolais) à la Table ronde économique, en avril. Le jeune Mobutu est soldat à la Force publique, l’armée congolaise.

Il est journaliste, et est à l’époque en stage en Belgique, à Infor-Congo, l’organe officiel de l’information du Congo belge. Il suit des cours à l’Ecole sociale de la rue de la Poste.

Joseph-Désiré Mobutu est depuis plusieurs années " informateur " de la Sûreté congolaise, la Sûreté coloniale, comme nous l’a confirmé l’agent belge qui le voyait chaque vendredi soir pour qu’il livre ses informations sur les échanges et contacts à l’armée ou entre les responsables politiques congolais.

Sa présence à Bruxelles lui donne l’occasion unique, et ceci a peut-être même été orchestré par la Sûreté congolaise, de se rapprocher de Lumumba et de le suivre pas à pas. Lors de la Table ronde, il est aussi repéré par le chef de station de la CIA à Léopoldville, qui le décrit très vite comme un homme de confiance.

Thomas Kanza, interviewé en 2000, était un proche de Patrice Lumumba en 1960 :

On sait maintenant que Mobutu est un indicateur en liaison avec des services secrets belges mais aussi américains. Saviez-vous cela en 1960 ?

Non, certains le savaient, mais la majorité des Congolais ne le savaient pas. Et surtout, Patrice Lumumba avait une confiance telle dans Mobutu qu’il ne croyait pas à ce genre d’accusation. Pour lui, c’étaient des calomnies, des accusations sans preuves.

D’où vient cette confiance ?

Il faudrait remonter à l’année 1957. Lumumba ne connaissait pas Kinshasa. Mobutu était journaliste à l’époque. Certains amis commencent à aider Lumumba à travailler, il trouve du travail comme directeur commercial à la brasserie Polar. Et probablement, en tant qu’indicateur de la Sûreté belge, Mobutu s’est accroché à Lumumba. Partout où était Lumumba, on retrouvait Mobutu.

Et quand Lumumba crée le Mouvement national congolais ‒ le MNC ‒, Mobutu, il s’en est toujours vanté, avait la carte de membre numéro 00… Et quelques, une des toutes premières cartes de membre du MNC !

Mobutu a attiré l’attention et la confiance de Lumumba en étant fanatique du parti, le Mouvement national congolais. De temps en temps, il faisait la publicité du MNC par ses articles dans les journaux. Plus tard, quand Mobutu arrive à Bruxelles, il devient le représentant du MNC-Lumumba à Bruxelles. Il joue donc un rôle à la Table ronde.

Thomas Kanza
Thomas Kanza

Lumumba communiste ?

Thomas Kanza poursuit :

Il y a aussi une certaine responsabilité de Mobutu quand on parle de Lumumba en tant que communiste. Parce que Mobutu, membre du MNC à Bruxelles, était parmi ceux qui avaient réceptionné tous les dons des pays amis au MNC. Par exemple, l’URSS, l’Allemagne de l’Est, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, le président Kaunda, du Kenya, le président égyptien Nasser, toute cette aide n’arrivait pas à Kinshasa, mais à Bruxelles.

C’était ce qui s’appelait à l’époque le bloc communiste et les non-alignés ?

C’est ça ! Et même le Parti communiste belge, parce que n’oubliez pas, à cette époque, il y avait au moins deux ou trois députés communistes belges, et pas seulement des communistes mais aussi des socialistes, parce que Lumumba avait beaucoup d’amis socialistes et libéraux. Toutes ces aides étaient rassemblées à Bruxelles pour financer la campagne électorale de Lumumba et du MNC. Donc Mobutu et Nendaka [qui deviendra responsable de la Sûreté congolaise] étaient les deux Congolais qui avaient des preuves tangibles que l’argent de Lumumba venait des pays amis, des leaders socialistes mais surtout des communistes.

C’était une obsession du pouvoir colonial et de la plupart des responsables belges : éviter la " contamination " des leaders congolais par les communistes. Nous sommes en pleine guerre froide, dans l’affrontement Est-Ouest, qui débouchera en guerre civile au Congo après l’indépendance. Patrice Lumumba a en réalité des contacts avec tous les milieux politiques belges : certains libéraux (dont il était proche à Léopoldville avant fin 1958), des socialistes et les communistes, dont Jean Terfve.

Ce dernier raconte d’ailleurs qu’il avait des contacts avec de nombreux délégués congolais de plusieurs partis. Lors de la Table ronde, plusieurs délégués congolais ont rendu visite aux Jeunes communistes belges (JCB) et certains d’entre eux noueront avec eux des liens personnels. Le MNC-Lumumba a reçu des fonds, notamment de la Tchécoslovaquie, qui était seul pays de l’Est à disposer d’une ambassade à Léopoldville. D’où cette accusation d’être communiste.

Patrice Lumumba n’est pas communiste, c’est un nationaliste, dont le parti a pour objectif l’indépendance dans l’unité du pays, et dans un souci de liberté, d’égalité et de justice sociale.

L’indépendance : partielle ou totale ?

Le 27 janvier, une fois la date de l’indépendance fixée, le ministre belge du Congo se lance dans un long discours sur les structures du Congo indépendant… Le ministre De Schryver lâche alors cette petite phrase : " Le pouvoir des deux Chambres (congolaises) sera extrêmement large mais ne couvrira pas encore toutes les compétences ".

Un porte-parole congolais pose brutalement la question : La Belgique veut-elle se réserver des compétences au Congo ? S’ouvre alors une négociation délicate, une négociation qui sera décisive. Le ministre belge argumente : certaines questions ne seront pas résolues le 30 juin, il faut un régime transitoire pour la Défense, les Affaires étrangères, les finances, les grands emprunts et la monnaie.

Le gouvernement belge avait donc accepté le mot " indépendance ", mais, en réalité, il envisage un régime d’autonomie interne réduite, et pas d’une indépendance avec souveraineté !

« Toutes les clés aux Congolais »

Le sénateur socialiste Henri Rolin, dans l’opposition, fait alors une déclaration décisive et s’oppose au gouvernement :

J’ai comparé l’indépendance à la remise du trousseau de clés de la nouvelle maison Congo. La Belgique doit, le 30 juin, remettre toutes les clés et ce sont les Congolais qui décideront de l’usage qu’ils en feront.

Rolin ajoute que le Congo pourra s’il le veut faire appel à des Belges pour certains services à leur rendre… Les délégations congolaises applaudissent avec enthousiasme.

Certaines délégations congolaises rejettent le principe de matières réservées et veulent des conventions entre les deux Etats, d’autres sont plus réservées et prudentes.

Le ministre du Congo belge, chargé des Affaires économiques, Raymond Scheyven, social-chrétien, est effondré ce soir-là, au bar du Palais des Congrès :

Le drame, c’est que la Belgique a dû affronter la tourmente congolaise avec un gouvernement biparti, souvent divisé, et avec, dans l’opposition, un parti socialiste cohérent et proche des revendications les plus radicales. Il aurait fallu un gouvernement d’union nationale…

Le 30 janvier, le ministre De Schryver annonce que le gouvernement renonce à un " élargissement progressif du contenu de l’indépendance ". Il adopte la formule d’Henri Rolin : c’est le trousseau de clés complet qui sera remis à l’Etat congolais…

Le ministre De Schryver et le gouvernement sont en fait pris dans une grande contradiction : négocier, mais sans pouvoir aller à l’échec, donc en position de faiblesse. Il expliquera au Parlement, en août 1960 : il fallait que la Table ronde réussisse…

… La faire échouer, c’était voir renaître au Congo l’amertume, rencontrer l’hostilité violente des dirigeants unis en front commun ainsi que connaître des troubles majeurs sans pouvoir y résister avec la seule Force publique… Nous aurions dû faire appel à l’armée belge.

Or, en Belgique, l’opinion est hostile à l’idée. La campagne " Pas un soldat belge au Congo " est portée par les syndicats, les partis et les mouvements de gauche.

Les Congolais ont remporté leur cinquième victoire. Mais ils ne s’attendaient pas à une victoire aussi rapide ! Une partie des Congolais, y compris chez les plus radicaux, s’inquiètent de la rapidité du processus, et certains parlent même alors de lâcher-tout.

Thomas Kanza : « l’abandon des Belges, qui se débarrassent du Congo ! »

Thomas Kanza deviendra ministre dans le gouvernement Lumumba, le 30 juin. Interviewé en 2000, il se rappelle sa réflexion ces jours-là :

En Belgique, à la Table ronde, il y a eu vraiment l’" abandon" des Belges. Ils ont décidé : " Puisqu’ils veulent l’indépendance politique, on va la leur accorder… ".

Et donc on se " débarrasse " en quelque sorte du Congo ?

On s’en débarrasse. On sort par la porte pour entrer par la fenêtre. Parce que l’indépendance politique c’était bien, mais l’indépendance économique n’était pas là, ni la préparation diplomatique, ni la préparation militaire. Donc, les Belges savaient que le Congo allait avoir encore besoin de la Belgique pendant dix ans, pendant vingt ans.

Je crois que si les Belges avaient dit à ce moment-là : " Nous allons constituer un gouvernement provisoire… ", dans ce cas, le meilleur candidat de l’époque, c’était l’ancien ministre des Colonies, M. Van Hemelrijck. Si la Table ronde s’était terminée par la constitution d’un gouvernement belgo-congolais présidé par le Premier ministre Van Hemelrijck, avec des ministres comme Kasa-Vubu, Bolikango, Bolya, Tshombe, etc., cela aurait déjà été une victoire ! Et cela allait préparer petit à petit le pays pour l’amener à l’indépendance. L’indépendance serait alors venue un an, deux ans, ou trois ans plus tard, mais au moins nous aurions eu des Congolais préparés à la gestion de la chose publique !

Patrice Lumumba
Patrice Lumumba

La Table ronde négocie ensuite, jusqu’au 20 février, la définition des nouvelles institutions politiques congolaises. Le Front commun n’a plus de véritable raison d’être, et les délégations congolaises se diviseront sur plusieurs points, mais sans conflit majeur entre elles.

Dans cinq mois, ce sera le 30 juin…

Le roi Baudouin avait promis, en janvier 1959, l’indépendance " sans atermoiements funestes ni précipitation inconsidérée ". 1959 a été l’année des atermoiements, 1960 sera l’année de la précipitation…

Par François Ryckmans.

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